En période de crise, l’industrie informatique ne ménage pas ses efforts pour trouver des alternatives aux licenciements. IBM avait déjà inventé le départ à la retraite anticipée agrémenté de primes faramineuses. Depuis quelques mois, d’autres ont imaginé une nouvelle méthode de réduction des coûts. Des fournisseurs informatiques comme Cisco, Siemens et Accenture (ex-Andersen Consulting) proposent des congés sabbatiques en partie rémunérés à leurs employés, pour faire face au retournement du marché. Ils gardent ainsi à disposition un personnel compétent et qualifié dans l’attente de jours meilleurs. Il est clair qu’il s’agit là d’un formidable argument de différenciation par rapport à la concurrence. Ces sociétés démontrent ainsi leur pouvoir d’imagination et de flexibilité auprès des investisseurs. Elles n’hésitent d’ailleurs pas à vanter haut et fort les mérites de leur nouveau programme.
Un bénéfice indéniable pour les salariés
Le principe général est le même quelle que soit l’entreprise. Sur la base du volontariat, le salarié se voit proposer un congé sabbatique de trois à douze mois avec une rémunération qui varie entre 20 et 50 % de son salaire habituel, en fonction de la durée de l’absence.Le programme lancé par la société de services Accenture, baptisé Flexleave, est le plus ambitieux. En fin octobre 2001, deux mille deux cents consultants, sur un effectif total de soixante-quinze mille salariés, y avaient souscrit. Chez le constructeur allemand Siemens, le congé sabbatique rémunéré n’est possible que pour les salariés de la branche téléphonie mobile (IC Mobile). Une différence de taille, toutefois, chez Cisco : le programme maison s’adresse à des salariés licenciés et il s’apparente plutôt à une mise à l’écart temporaire rémunérée.Comme en témoigne le nombre de postulants au sein d’Accenture, la formule a vite séduit les salariés. Le bénéfice pour eux est indéniable. “C’est une occasion qui ne se renouvellera peut-être jamais de connaître des expériences nouvelles pendant six à douze mois, avec la garantie de récupérer son poste au retour, tout en continuant d’être payé”, estime Keith Hicks, directeur des ressources humaines d’Accenture pour les Etats-Unis. C’est surtout l’opportunité, pour le consultant, de s’évader de son quotidien de travail tout en s’enrichissant. Passer quelque temps en famille, assouvir de vieux désirs ?” par exemple, étudier une langue étrangère ou voyager autour du monde. Pour revenir avec un moral et un esprit neufs. “Le congé sabbatique m’a permis de reprendre de l’énergie et d’évacuer le stress accumulé au cours de mes déplacements intensifs”, assure Stefan Dillig, analyste-programmeur chez Siemens, qui voyage depuis deux ans entre l’Allemagne et le Japon dans le cadre d’un projet de développement des futurs systèmes UMTS.Le programme Flexleave a permis à de nombreux salariés d’Accenture de s’engager dans des activités d’aide sociale. Certains, même, exercent un emploi durant cette période. Dans ce cas de figure, des restrictions sont imposées par leur entreprise d’origine, comme l’interdiction de travailler pour une société de services informatiques ou pour un client en ce qui concerne les salariés d’Accenture. Pour ceux de Siemens, cette éventualité doit faire l’objet d’un accord entre l’employé et ses dirigeants. Car ces compagnies veulent tout de même voir revenir leurs troupes. Ce qui n’empêche pas le DRH d’Accenture aux Etats-Unis d’affirmer : “Nous n’avons aucune garantie concernant leur retour parmi nous. Nous verrons en temps voulu, à la fin des premiers congés (en janvier 2002 ?” NDLR). ” Chez Siemens, en revanche, on assure que “le contrat de travail est là pour garantir le retour “.
Un façon pour communiquer avec efficacité
Pour l’entreprise qui se lance dans un tel programme, il ne s’agit, en effet, en rien d’un cadeau à destination des employés. Comme l’explique Peter McAteer, analyste au Giga Group et auteur, pour Reuters Business Insight, d’un rapport sur les stratégies de gestion du capital humain, “en temps de crise, les entreprises se demandent comment maintenir le moral des salariés ?” et, en particulier, celui des plus performants. Or, ceux-ci sont souvent les premiers à vouloir partir lors des licenciements “. Un congé sabbatique associé à une clause de non-concurrence permet alors d’abaisser les frais salariaux tout en s’assurant la fidélité de ces employés. Et des autres.Le Flexleave Program, d’Accenture, ou le Cisco Community Fellowship Program constituent aussi des moyens de communication très efficaces. Ils entretiennent le moral en interne et donnent une image positive de la société hors de ses murs. A relativement peu de frais pour Cisco, puisque seuls soixante-dix-neuf de ses employés sont concernés par cette initiative. Le constructeur californien va jusqu’à s’attacher au retour d’expérience des salariés participant à ce programme. Centré uniquement sur le travail dans le monde associatif, le programme de Cisco permet à la compagnie de comprendre le fonctionnement d’un secteur qui pourrait receler de nombreux clients. Il lui donne aussi la possibilité de promouvoir internet. Pour accueillir un salarié relevant du Cisco Community Fellowship Program, une association doit, en effet, avoir été agréée par le constructeur. Et même si toutes ne dépendent pas d’internet, la préférence du constructeur va à ces dernières.
Un congé à la portée des gros revenus seulement
Non dénuées d’arrière-pensées, les initiatives des Cisco, Accenture et autres Siemens constituent toutefois une opportunité pour nombre d’employés. C’est particulièrement vrai aux Etats-Unis. “Les salariés américains ont beaucoup moins de droits que leurs homologues européens, rappelle Marcus Courtney, porte-parole de Washtech, un syndicat d’informaticiens outre-Atlantique. Dans l’industrie informatique, les licenciements impliquent souvent la perte de la couverture santé et des primes de départ quasi ou totalement inexistantes”, ajoute-t-il.En maintenant les programmes de remboursement des soins et de gestion des stock options, ces systèmes de congés sabbatiques compensent en partie la diminution de salaire. Toutefois, seuls les salariés ayant un revenu important (et ceux dont les perspectives d’emploi sont prometteuses) peuvent évidemment se permettre de n’en toucher que 20 à 30 %. Même si tous les salariés licenciés sont éligibles, l’idée des employeurs consiste avant tout à s’attirer les bonnes grâces de leurs meilleurs éléments. Ce qui fait dire à Peter McAteer que “seules les grandes compagnies ?” IBM, Cisco ou Merck ?” semblent capables de mettre au point de tels programmes. Ils nécessitent, en effet, un service de gestion des ressources humaines parfaitement organisé, possédant de nombreux indicateurs de capital humain “.Plus qu’un mode d’accompagnement au licenciement, ces formules permettent donc la création d’une réserve prête à réintégrer les murs de la maison mère en cas de redémarrage du marché de l’informatique. C’est ce que tous espèrent bien sûr. Ces programmes relèvent, en effet, d’un pari : se mettre au vert un ou deux ans, en attendant que l’industrie se reprenne.* à New York
🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.