Le 12 mars 1989, Tim Bernes-Lee, employé du CERN (l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire) pose les bases d’un « système de gestion décentralisée de l’information » devenu l’acte de naissance du Web. A l’époque limitée à une communauté de chercheurs, la Toile s’est imposée en quelques années comme le service le plus central, le plus visible et le plus iconique de la grande révolution de l’information en réseau.
A l’occasion des trente ans de son invention, Tim Berners-Lee dresse un bilan « du chemin parcouru » mais c’est aussi le moment de réfléchir à « celui qu’il reste à parcourir », dans une lettre ouverte sur le site de la World Wide Web Fondation. Celui qui voulait « lier tout à tout » y délivre sa vision pour sauver le Web. Son ambition : « Faire du Web un endroit meilleur et plus ouvert ».
30 years on, what's next for the web? Read @timberners_lee’s letter on where we stand as a web community. It is up to us to fight for the web we want #ForTheWeb #Web30https://t.co/c5rketpZFu
— World Wide Web Foundation (@webfoundation) March 11, 2019
À chaque avancée, Berners-Lee confronte une dérive. Si la moitié de l’humanité est en ligne, le fossé qui la sépare des utilisateurs déconnectés est de plus en plus grand. Dans la même logique, si la Toile donne de la voix aux groupes marginalisés, elle est aussi source de diffusion d’une quantité phénoménale de propos haineux. À la simplification de la vie quotidienne, Tim Berners-Lee oppose la propagation de fraudes et de crimes. Le Web n’est plus « digne de confiance ».
Il n’est pas « trop tard pour [le] changer »
« Si nous renonçons à construire un Web meilleur aujourd’hui, ce n’est pas le Web qui nous aura fait défaut. C’est nous qui aurons fait défaut au Web », écrit-il.
Cet été, Tim Berners-Lee déplorait dans Vanity Fair : « Le Web a échoué à aider l’humanité comme il aurait dû le faire ». Même si, pour son inventeur, le Web a « mal tourné », il n’est pas encore « trop tard pour [le] changer », confie-t-il dans un entretien au Monde.
Tim Berners-Lee identifie trois sources de dysfonctionnement : les intentions malveillantes, l’utilisation perverse des données personnelles et les conséquences négatives d’une volonté pourtant bienveillante, « telles que le ton indigné et divergent ». Pour les éradiquer, il ne faut pas s’en prendre à « un gouvernement [ou] un réseau social » mais « repenser les systèmes » en s’appuyant la « communauté web mondiale ».
Une communauté composée des acteurs publics, des entreprises mais surtout des citoyens, qu’il veut rassembler autour d’un « Contrat pour le Web », présenté en novembre 2018 au Web Summit, à Lisbonne.
Un contrat #fortheWeb
Cette charte -que Facebook et Google se sont empressés de signer- est un moyen de lutter contre ces dérives, dont énumérer les exemples ici serait trop long (avec le récent scandale de Cambridge Analytica en tête de liste).
Dévasté par ces différents scandales, Tim Berners-Lee veut regarder devant. Penser aux « trente prochaines années du Web ». Qui a tout changé et va continuer sa course effrénée. Pour lui, « il serait idiot de penser que son état actuel est son évolution ultime ». Le père du Web a lancé la campagne #fortheWeb pour réunir les initiatives du même ordre.
Optimiste et encore créatif, Tim Berners-Lee développe un nouveau projet, Solid. Son bras armé. Il vise « à changer radicalement le mode de fonctionnement actuel des applications Web ». En pratique, Solid est un coffre-fort numérique qui permet d’éviter le stockage d’informations centralisé.
« C’est une manière de redonner du pouvoir aux utilisateurs. On détruit [les] silos de données. La décentralisation permettra de revenir à un Web original où tout le monde avait son propre site Web. », déclare-t-il toujours au Monde.
Un retour aux origines du Web qui pourrait laisser espérer un futur plus respectueux des internautes.
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