Depuis l’apparition du Bitcoin en 2008, des centaines d’autres cryptomonnaies se sont créées sans jamais atteindre la popularité de leur ancêtre. Mais depuis quelques mois, les regards se tournent plein d’espoir vers un petit nouveau du secteur : Zcash.
Les premières unités – appelées ZEC – ont été « frappées » fin octobre 2016 et depuis, cette nouvelle monnaie se retrouve dans le top 10 des échanges en volumes, selon coinmarketcap.com. Avec un prix unitaire d’environ 36 euros, le Zcash représente, avec 28 millions d’euros, la onzième plus grande capitalisation parmi les 734 cryptomonnaies que référence ce site. Ce qui est plutôt encourageant, même si le Bitcoin approche déjà les 20 milliards d’euros.
Preuve « zero knowledge »
L’attrait pour Zcash peut se résumer en un seul mot : zk-SNARK. Derrière ce sigle barbare se cache une technologie cryptographique particulièrement innovante qui permet de rendre les transactions entre les utilisateurs totalement anonymes, s’ils le souhaitent. Comment ça marche ? A l’instar du Bitcoin, Zcash s’appuie sur un registre de transactions (blockchain) qui est distribué à travers tous les utilisateurs et que tout le monde peut consulter. Sauf que dans le réseau Zcash, il existe deux types d’adresses : les transparentes (« t-address ») et les protégées (« z-address »).
Les transactions entre les premières sont similaires à celles du Bitcoin : totalement ouvertes et facilement vérifiables. Celles qui se font entre les secondes, en revanche, sont inscrites dans le registre de manière chiffrée. On ne connaît ni l’émetteur, ni le destinataire, ni le montant. Le problème qui se pose alors est celui de la validité des transactions. Comment être certain qu’un ZEC n’a pas été dépensé plusieurs fois si tout est caché ? Les concepteurs de Zcash utilisent pour cela le fameux zk-SNARK, un algorithme dit « de preuve à divulgation nulle de connaissance » (zero-knowledge proof). Ce procédé un peu magique – et surtout très mathématique – permet de vérifier la validité de la transaction sans en connaître les éléments.
A bas les élites de l’ASIC !
Cette technologie d’anonymat est clairement supérieure à celle utilisée par Monero, une cryptomonnaie qui a récemment été adoptée par tout un tas de boutiques illégales dans le Darkweb. Chez Monero, la protection ne repose pas sur le chiffrement, mais sur la « signature de cercle », un procédé qui permet de noyer l’origine d’une transaction parmi un ensemble d’utilisateurs. « Mais cela n’est vraiment efficace que si cet ensemble est large, ce qui n’est pas le cas actuellement », nous explique Zooco Wilcox, PDG de Zcash, la société qui assure le développement de la technologie (qui est par ailleurs open source).
Autre avantage de Zcash : la création monétaire est plus équitable. C’est d’ailleurs le leitmotiv du projet (« All coins created equal »). Comme avec le Bitcoin, les membres du réseau Zcash peuvent créer de la monnaie à chaque inscription d’un bloc de transactions dans le registre. L’heureux gagnant est celui qui arrive à résoudre en premier une preuve de travail. En l’occurrence, il s’agit d’un calcul cryptographique de hachage.
Toutefois, les concepteurs de Zcash n’ont pas gardé le même type de calcul : plutôt que de prendre SHA-256 (comme pour le Bitcoin), ils ont retenu l’algorithme Equihash, qui est tout récent et qui a la particularité d’être « ASIC resistant ». « Cela veut dire qu’il ne permet pas de créer des circuits intégrés dédiés pour le minage, pour que ce soit économiquement viable », poursuit Zooco Wilcox, qui espère ainsi éviter la course à l’armement que l’on a connue avec le Bitcoin.
Au départ, en effet, n’importe qui pouvait miner des Bitcoin sur sa carte graphique. Puis les mineurs ont commencé à utiliser des équipements de plus en plus performants, basés d’abord sur des circuits programmables FPGA, puis sur des circuits intégrés. Ces derniers coûtent très cher à réaliser et à acheter, réduisant de fait le minage à une petite élite. « Contrairement à SHA-256, l’algorithme Equihash nécessite beaucoup de mémoire pour être exécuté, nous précise Renaud Lifchitz, chercheur en sécurité chez Digital Security. Mais il est très difficile et très coûteux d’intégrer de la mémoire dans une puce. Actuellement, les processeurs n’arrivent qu’à quelques mégaoctets avec les caches L1, L2 et L3. Or, Equihash nécessite plusieurs gigaoctets. »
D’autres solutions existent
Anonyme, sécurisée, équitable… Aurait-on enfin trouvé, avec Zcash, la cryptomonnaie parfaite ? Pas si sûr. Tout d’abord, le système est quand même assez lourd. « Il faut deux à trois gigaoctets de RAM pour signer une transaction anonyme. Sur mon PC, ce calcul prend 30 bonnes secondes. Pour l’instant, c’est totalement hors de portée des smartphones », poursuit Renaud Lifchitz. Or, le paiement mobile est justement l’un des domaines les plus en croissance dans le monde financier.
La promesse d’une démocratisation du minage est également à prendre avec des pincettes. Certes, Equihash exclut a priori l’usage de circuits intégrés dédiés, mais pas celui de circuits programmables FPGA, qui sont moins chers mais « presque aussi rapides que les ASIC », souligne Renaud Lifchitz. Dès lors, il est probable que la course à l’armement se fera plutôt sur la quantité que sur la qualité des équipements, par la constitution de fermes de serveurs par exemple. L’utilisateur isolé avec sa carte graphique n’aura pas vraiment plus de chance qu’avec le Bitcoin pour générer son brin de monnaie.
Enfin, Zcash marque un excellent point avec sa technologie d’anonymat. Mais il ne faut pas oublier que le secteur des cryptomonnaies est en pleine ébullition et que de nouveaux concepts sont présentés toutes les semaines. « Le projet Byteball, par exemple, propose une technologie décentralisée totalement différente, qui ne s’appuie pas sur la blockchain et où les transactions peuvent également être parfaitement anonymisées », souligne Renaud Lifchitz. Bref, la cryptomonnaie ultime n’est pas encore pour demain.
🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.