Défait de son image de reclus volontaire au fond d’une salle blanche, l’administrateur système d’aujourd’hui n’a plus rien à voir avec celui d’hier. Il sort de derrière ses serveurs pour s’intégrer à l’entreprise. Il abandonne son expertise exclusive pour toucher, par exemple, aux réseaux. Ses maîtres mots, comme dans la plupart des métiers de l’informatique, sont ” évolution ” et ” plan de carrière “.Mis à part quelques génies qui pourront choisir de facturer en SSII des prestations de haut niveau sur systèmes Unix, la plupart seront amenés à évoluer vers le métier plus prospectif d’ingénieur système. Ce dernier est d’ailleurs plus recherché que son petit frère qui sort d’une période faste. Ces deux dernières années, les employeurs se sont satisfaits d’administrateurs système de niveau bac + 2 ayant à peine un an d’expérience. Mais la baisse, voire le gel, de l’offre ont changé la donne. Résultat : les entreprises utilisatrices embauchent moins et prennent davantage de temps pour trouver leur mouton à cinq pattes.
Première expérience dans les grandes structures
L’Apec (Agence pour l’emploi des cadres) avoue même n’avoir pratiquement plus affaire à ce type de profil : “Nos consultants ne recrutent quasiment pas d’administrateurs système.” L’analyse est un peu plus nuancée dans le cabinet de recrutement Michael Page : “Le ralentissement des embauches est d’autant plus fort que les expertises et les expériences disponibles sont faibles, explique Franck Pasquet, directeur de la division informatique. Le principal problème de l’administrateur système aujourd’hui, c’est qu’il est limité aux structures de grande taille.” Les seules ayant la capacité de proposer des postes à forte expertise au sein d’équipes d’exploitation imposantes. Les grandes entreprises fournissent une première expérience. Dans la chaîne de l’évolution du métier, celle-ci sera déterminante ?” notamment du point de vue du futur employeur. Ce dernier pourra, en effet, juger des connaissances de l’administrateur en termes de systèmes d’exploitation, mais aussi de niveaux de responsabilité : haute disponibilité, taille d’environnement, hétérogénéité, systèmes internationaux, relations avec les équipes informatiques et métier, etc. Pour les juniors, le poste d’administrateur système va ainsi représenter une porte d’entrée vers les métiers d’encadrement système, au même titre que celui d’analyste-programmeur pour le développement logiciel.
Ingénieur système, une évolution naturelle
Dans le contexte actuel, l’administrateur système ne peut guère prétendre qu’à des postes relativement ciblés. A l’Office national des forêts (ONF), le passage à une architecture client léger s’est accompagné de la constitution d’une équipe “Systèmes, réseaux, exploitation” d’une quinzaine de personnes. Dans la phase de transition actuelle, une centaine de serveurs Unix répartis un peu partout en France cohabitent avec des serveurs NT équipés de Metaframe, de Citrix, en cours de déploiement ?” deux cents prévus. “L’objectif consiste à passer à 100 % sur Metaframe, déclare le responsable de cette équipe de l’ONF, qui s’est également chargé de sa constitution. Pour l’heure, je cherche une personne ayant des compétences sur Metaframe avec une coloration Unix.” Pour l’administrateur, l’ingénieur système est une évolution quasi darwinienne. Expert de un, voire deux système(s) d’exploitation, il s’ouvre petit à petit à d’autres environnements et aux réseaux. Spécialiste, il devient polyvalent. Et, surtout, il prend des responsabilités : opérer des choix d’infrastructures et les faire évoluer, gérer les budgets, etc. En devenant ingénieur, l’administrateur se mue en gestionnaire et, parfois même, en chef d’équipe.
Une profession en mutation depuis deux ou trois ans
Les métiers d’administrateur et d’ingénieur système restent proches au point que le spécialiste de l’assurance-crédit Euler Sfac les qualifie tous deux d’ingénieurs système, ne distinguant que des débutants et des confirmés. La filiale européenne du fabricant de cosmétiques Shiseido vient de recruter un administrateur système ?” en fait, un véritable ingénieur système en devenir. “C’était indispensable, car nous sommes passés d’un seul serveur NT, en 1998, à sept aujourd’hui, raconte Dominique Caillon, directeur informatique Europe. Nous recherchions, dans un premier temps, quelqu’un d’opérationnel et d’intégrable à l’équipe. Quelqu’un qui connaisse NT, mais aussi deux langues, les télécoms, etc. Et, surtout, un candidat qui ne soit pas effrayé par la mise en place de notre futur réseau européen, par exemple.”Jean Banquier, responsable de l’agence infrastructures de la SSII Euriware, précise : “Ce métier change depuis deux à trois ans. Avec internet, bien sûr, mais aussi avec les nombreuses fusions d’entreprises. Les systèmes d’information sont devenus plus complexes, plus hétérogènes, et ils intègrent beaucoup de réseaux” Quant aux applications ?” souvent B to B ou B to C ?”, elles reposent sur des architectures n-tiers avec de nombreuses couches en jeu : systèmes et réseaux, sécurité, SGBD, serveurs d’applications, EAI, middlewares, etc. S’il est contraint de ne maîtriser que quelques-unes de ces technologies, l’ingénieur système doit absolument posséder de bonnes notions sur toutes.Outre ses compétences système de base (plutôt NT et Unix) et réseau, l’ingénieur connaît quelques systèmes traditionnels pour en assurer le suivi ou la migration. A la Samaritaine, le responsable production et système s’occupe au quotidien du grand système Hitachi en location et de sa communication avec les serveurs NT et Novell. En attendant sa probable suppression. On demandera aussi à l’ingénieur d’avoir des compétences liées à l’utilisation du système d’information. Chez Euriware, on apprécie que le candidat ait une connaissance des SGBD et une expérience en développement. Chez Shiseido, le savoir en matière de messagerie est requis.Enfin, s’il a pu être malmené par des informaticiens venus de la micro se présentant pour des postes d’homme système NT, le professionnalisme s’impose désormais. “Bien sûr, la compétence technique est indispensable, nuance Pascale Montrocher, DSI de l’Institut national de l’audiovisuel. Mais l’homme système doit aussi être réactif, ou encore savoir gérer le stress des chefs de projet.” Au-delà de la technique, l’homme système doit faire preuve de fortes qualités relationnelles pour s’intégrer à son équipe et travailler avec les autres départements informatiques, les utilisateurs et les fournisseurs. Des qualités d’autant plus importantes que les recrutements liés à l’exploitation et aux systèmes s’effectuent en grande majorité… en société de services. Chez Shiseido et Kodak, de forte dimension internationale, les ingénieurs systèmes doivent savoir s’adapter à d’autres cultures. Ces “têtes bien faites et polyvalentes”, comme Jean Banquier les qualifie, sont extrêmement difficiles à trouver. Cela a demandé six mois à Shiseido. Euriware, quant à lui, a rencontré deux cents candidats pour en recruter vingt.
🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.