Après avoir englouti World Online et LibertySurf, Tiscali peut bomber le torse, du moins en apparence. Car pour Hellen Omwando, analyste spécialiste des fournisseurs d’accès Internet et des portails au cabinet d’études Forrester, cette
stratégie de croissance externe ne résoud en rien le problème principal de Tiscali : trouver les moyens de gagner de l’argent.” Le modèle économique de Tiscali, basé sur les formules d’abonnement gratuit à Internet, comme celui de LibertySurf et Freeserve auparavant, n’est pas profitable et ne le sera pas à l’avenir “,
tranche Hellen Omwando. Exit donc le point mort de 2002 pronostiqué hier matin par Renato Soru, PDG de Tiscali, à l’annonce de
l’acquisition du FAI LibertySurf. Pour l’analyste de Forrester, la société italienne a simplement démontré sa capacité à négocier le rachat de ses concurrents. Rien d’autre.” Les critères d’appréciation de Tiscali ne peuvent pas se borner au nombre d’abonnés “, ajoute Hellen Omwando. Ainsi, si le nouveau numéro 2 européen de l’accès à Internet revendique 9,2 millions
d’abonnés dont 4,7 millions d’actifs, il est impossible de les comparer aux 7 millions d’actifs du service T-Online (Deutche Telekom) et aux 4 millions de Wanadoo (France Télécom). ” Les Bourses européennes tendent d’ailleurs à
valoriser les sociétés en fonction des revenus qu’elles sont en mesure de générer. ” Bref, il vaut mieux peu d’abonnés qui rapportent de l’argent que beaucoup d’abonnés qui ne dépensent rien. La lacune de Tiscali ? Il n’est que
fournisseur d’accès.
Concurrencé sur tous les segments
” De ce point de vue, Wanadoo et Yahoo ont démontré leur capacité à concentrer le trafic sur leurs portails, et en conséquence à attirer les annonceurs pour les campagnes médias grand public. Pour ce qui est du
marketing one-to-one, les publicitaires privilégient des sites très spécialisés. “Au final, Tiscali risque donc de connaître les mêmes problèmes que LibertySurf : un portefeuille d’abonnés séduisant, des membres actifs moitié moins nombreux, et, enfin, des annonceurs peu inspirés par l’achat d’espaces publicitaires
sur le portail transalpin. Sur les neuf premiers mois de l’année 2000, Tiscali revendique un chiffre d’affaires de 274 millions d’euros. Sur la même période, Liberty Surf peut se prévaloir d’un revenu de 38 millions d’euros. Des sommes conséquentes,
mais négligeables en regard des ressources de groupes comme France Télécom ou Deutech Telekom.” La baisse continue des recettes des communications locales pose également un problème pour des FAI du type Tiscali. Ce mouvement est perceptible à l’échelle européenne, et a d’ores et déjà provoqué la chute de World
Online “, note Hellen Omwando. Ennuyeux : ces recettes génèrent une bonne part du CA actuel de Tiscali.Les perspectives ne sont guères plus florissantes pour l’e-commerce. ” La marque Tiscali n’inspire pas confiance aux consommateurs. En revanche, Wanadoo est mieux placé. “Pour Hellen Omwando, Tiscali devra changer son modèle économique s’il veut survivre. Les liquidités de la société italienne ?” 1,9 milliard d’euros après le rachat de LibertySurf ?” pourraient fondre comme neige au soleil et
contraindre les dirigeants à chercher un partenaire. ” Je parie sur une reprise à terme
de Tiscali par T-Online ou Wanadoo, du fait de leur maîtrise du réseau téléphonique. “Les dirigeants de Tiscali ont précisé hier qu’ils envisageaient d’autres opérations de croissance externe. Peut-être vont-ils désormais se concentrer sur des activités complémentaires à la leur, mais génératrices de revenus.
” Notre objectif est de devenir l’AOL européen et, si cela passe par des acquisitions, nous le ferons “, a expliqué James Kinsella, directeur général de Tiscali. En tout état de cause, le feuilleton Tiscali est
loin d’être clos.
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