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Tim Cook accuse Facebook de favoriser la violence et la division de la société

A l’occasion d’une conférence sur la vie privée et la protection des données, le patron d’Apple a rappelé les valeurs de son entreprise, les dangers de certains modèles économiques et, en filigrane, la responsabilité que les entreprises technologiques ont quand elles changent le monde.

Lors d’une courte et percutante intervention d’ouverture, dans le cadre de la conférence européenne Computers, Privacy & Data Protection (CPDP), Tim Cook a, hier, en fin de journée, ouvert un feu roulant contre Facebook, sans en citer bien entendu le nom.

Dans un incessant va-et-vient entre les positions et la vision de son entreprise et la réalité d’un monde ébranlé, Tim Cook a appelé à une prise de conscience, à une action, tout en rappelant qu’Apple n’a d’autre ambition que de vendre des produits qui améliorent la vie de ses utilisateurs tout en protégeant leur vie privée. 

Apple en défenseur de nos vies privées

Il a ainsi parlé à nouveau des nutrition facts for privacy, ces informations que les développeurs doivent renseigner pour leurs applications et qui figurent sur l’App Store. 

Une volonté de transparence que Tim Cook fait remonter à son prédécesseur. Steve Jobs, dont les propos étaient d’ailleurs cités en introduction d’un document publié hier pour expliquer quelles données personnelles sont exposées et comment Apple les protège.

Apple – Citation de Steve Jobs, en introduction du “A Day in the life in your data”, publié par Apple, le 28 janvier 2021.

Avant sa disparition en octobre 2011, le fondateur d’Apple avait à plusieurs occasions exprimé sa position, expliquant que le respect de la vie privée est une question de choix. Il faut informer les utilisateurs, ce qu’on leur prend et leur donner le choix, éclairer leur réflexion.

Apple, depuis, et Tim Cook, évidemment, marchent dans ses pas. Les nutritions facts et la future App Tracking Transparency, qui fait tant grincer les dents de Facebook et des publicitaires en ligne, sont des illustrations de cette volonté.

Mais lors de son allocution, le patron du géant de Cupertino ne s’est pas arrêté là. Il a porté le fer dans le camp adverse, dans celui de Facebook. Il a ainsi condamné des modèles économiques qui font passer la récolte de vos données avant le respect des libertés individuelles, rappelant que dans ces cas, c’est « l’utilisateur qui devient le produit »

« Comme je l’ai déjà dit, si nous acceptons qu’il est normal et inévitable que tout, dans nos vies, puisse être agrégé et vendu, nous perdons bien plus que nos données, nous perdons notre liberté d’être humain. », a-t-il rappelé, avant de lâcher un message assez peu subliminal à l’intention des législateurs européens et américains qui éventuellement l’écouteraient : « Mais pourtant, nous entrons dans une nouvelle saison pleine d’espoir, un temps de prévenance et de réforme ».

Le temps du mépris

Mais Tim Cook est allé plus loin : « si une société est construite sur le mensonge envers ses utilisateurs, sur l’exploitation des données, sur des choix qui n’en sont pas, elle ne mérite pas nos éloges. Elle mérite notre mépris », a-t-il ainsi affirmé.

Tim Cook critique ainsi les algorithmes qui recommandent des groupes extrémistes à ses utilisateurs, poussant des millions de personnes dans les bras de groupes séditieux, dangereux et violents. 

D’ailleurs, le patron d’Apple a pointé du doigt les fausses informations diffusées sur les vaccins et en a tiré la nécessité d’une action forte. « En cette période de désinformation omniprésente et de théories du complot alimentées par des algorithmes, nous ne pouvons plus fermer les yeux sur une théorie technologique qui veut que tous les engagements soient bons et que plus l’utilisateur passe de temps, mieux c’est », a-t-il martelé, avant, une fois encore de jouer du contraste – un peu idyllique – de la position d’Apple qui permet de limiter les temps d’écran, encourage les utilisateurs à créer, à apprendre, à s’exprimer. L’occasion était trop belle et a permis à Tim Cook de repréciser l’approche de son entreprise, les valeurs qui l’animent – et qui semblent compatibles avec une rentabilité financière record.

« Chez Apple, nous avons fait notre choix il y a bien longtemps. Nous croyons qu’une technologie éthique est une technologie qui travaille pour vous. C’est une technologie qui vous aide à vous endormir et non qui vous tient éveillé. Elle vous dit quand vous en avez eu assez, elle vous donne de l’espace pour créer, ou dessiner, ou écrire ou apprendre, pas à rafraîchir une fois de plus. C’est une technologie qui disparaît à l’arrière-plan quand vous faites une randonnée ou allez nager mais qui est là pour vous prévenir quand votre cœur bat trop vite ou qui vous aide en cas de mauvaise chute. Et avec tout cela, toujours, c’est la vie privée et la sécurité qui passent avant tout. Parce que personne n’a besoin d’abandonner les droits de ses utilisateurs pour fournir un bon produit ».

Le temps de l’action

Tim Cook n’était pas – uniquement – là pour mettre en valeur son entreprise. Il était visiblement aussi présent pour asséner des coups, rappeler une urgence, et faire réagir. Il a ainsi élargi le débat et mis les utilisateurs et dirigeants face à leurs responsabilités.

« Nous aurions dû arrêter de prétendre il y a bien longtemps que cette approche n’a pas un lourd prix, celui de la polarisation, celui de la confiance, celui de la violence », a-t-il asséné, avant de ponctuer son interlocution par cette phrase choc : « Un dilemme social ne peut pas être autorisé à provoquer une catastrophe sociale ». Une fois encore, le nom de Facebook n’a pas été cité, mais la cible était évidente.

Hier, Mark Zuckerberg déclarait qu’Apple était sans doute « un de ses principaux concurrents ». Il a semble-t-il trouvé à qui parler. Toutefois, Tim Cook ne lui répond pas directement, il place le débat sur une échelle supérieure. A l’en croire, Facebook n’est pas un concurrent d’Apple, c’est un danger pour la société.

Source : Conférence CPDP

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Pierre FONTAINE