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TikTok suspendu en Nouvelle Calédonie : le Conseil d’État annule le blocage, mais…

… la plus haute juridiction administrative valide le fait que le Gouvernement est bien autorisé, dans des circonstances et à des conditions bien précises, à bloquer un réseau social : une décision inédite qui inquiète déjà les défenseurs des droits.

Un blocage de TikTok annulé à postériori, mais autorisé dans son principe ? Ce mardi 1er avril, le Conseil d’État a estimé dans une décision publiée ce jour que la suspension de TikTok édictée par le Premier ministre en mai 2024, en Nouvelle-Calédonie, n’était pas légale. Mais la plus haute juridiction administrative valide pour la première fois le fait que les autorités sont bien autorisées à bloquer les réseaux sociaux dans certaines conditions. En formation solennelle, les juges administratifs analysaient au fond plusieurs recours formés contre la décision du gouvernement par des particuliers et des associations, dont la Ligue des droits de l’homme et la Quadrature du Net. 

Les faits remontent à mai 2024. Le 15 mai 2024, le premier ministre avait décidé de bloquer TikTok dans l’archipel, en proie à des émeutes qui ont fait plusieurs morts, en raison des « circonstances exceptionnelles ». Il s’agit d’une théorie jurisprudentielle qui autorise l’État, en cas d’événements graves et imprévus, à agir en dehors des clous de la légalité ordinaire.

Le Gouvernement avançait alors que le réseau social était utilisé par les émeutiers pour des rassemblements et des actions. La plateforme était « utilisée pour diffuser des contenus incitant au recours à la violence et se propageant très rapidement, compte tenu des algorithmes auxquels recourt ce réseau auprès de ses utilisateurs », notent les juges administratifs. Un tel blocage d’un réseau social, une décision inédite en France, avait été contesté en référé et au fond par plusieurs associations, qui estimaient que cette interdiction était excessive et attentatoire aux libertés fondamentales. 

Trois conditions à remplir pour un blocage d’un réseau social

Et pour la première fois, le Conseil d’État a expliqué, ce mardi 1er avril, que dans certaines circonstances, un tel blocage pouvait tout à fait être légal. Les autorités françaises sont bien en droit de suspendre un réseau social, mais seulement à trois conditions, explique la plus haute juridiction administrative :

  • la mesure de blocage doit être « indispensable pour faire face à des événements d’une particulière gravité »,
  • il n’existe pas de « mesures alternatives moins attentatoires aux droits et libertés » immédiates, et
  • l’interruption doit prise pour une durée limitée nécessaire à la recherche et la mise en place de ces mesures alternatives.

C’est cette troisième condition qui n’aurait pas été remplie. Le Premier ministre, en mai 2024, avait édicté « une interdiction pure et simple », « totale », « pour une durée indéterminée », notent les juges administratifs. Or, la durée du blocage du réseau social doit être fixée dès le départ, la durée décidée étant celle nécessaire à « la recherche et à la mise en œuvre, le cas échéant en lien avec le fournisseur du service, de mesures alternatives autres que l’interruption pure et simple ».

« Une victoire à la Pyrrhus »

Sans durée limitée, et sans recherche d’alternatives moins attentatoires aux libertés, comme « le blocage de certaines fonctionnalités », le Conseil d’État juge donc que « le blocage de TikTok en mai 2024 était illégal, car il a porté une atteinte disproportionnée aux droits et libertés ». 

Si l’avocat d’un des requérants, Vincent Brengarth, se félicite de la décision pour les associations, il dénonce sur son compte X « une victoire à la Pyrrhus ». La décision « admet la possibilité pour le Gouvernement, en cas de circonstances exceptionnelles, d’interrompre provisoirement l’accès à un réseau social », regrette-t-il. Un argument répété par d’autres spécialistes, qui craignent que des futurs gouvernements se saisissent de cette nouvelle jurisprudence, pour bloquer des réseaux sociaux. 

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Source : Décision du Conseil d'Etat du mardi 1er avril 2025