Le système TIA, pour Total Information Awareness (en français : connaissance totale de l’information) est sans doute le plus ambitieux des programmes de surveillance imaginés aux Etats-Unis. Doté d’un budget de 245 millions de dollars sur trois ans, le projet est conduit par l’un des bureaux de la DARPA, l’agence de recherche de la défense américaine.Présenté comme un moyen innovant de lutte antiterroriste, il vise à combiner de multiples données, issues de la surveillance étendue de l’ensemble des moyens de communication, pour détecter, via des dispositifs d’analyse sémantique intelligents et automatisés, des comportements suspects.Largement plus puissant et plus tentaculaire qu’Echelon, le programme actuel d’écoute des échanges numériques, TIA aura la possibilité de tracer les appels téléphoniques ou les e-mails, aussi bien que l’utilisation des cartes de crédit, tout en couplant ces informations avec de multiples autres bases de données personnelles, parmi lesquelles les registres médicaux (et même vétérinaires) ou le suivi des déplacements (voyages, utilisation des transports…).Mais, comme si la nature ” orwellienne ” de ce projet ne paraissait pas suffisante, l’inquiétude qu’il suscite outre-Alantique doit beaucoup à la personnalité de l’homme qui en a la charge, John Poindexter. Amiral et personnage clé du contre-espionnage américain, Poindexter est l’ancien conseiller à la sécurité nationale de Ronald Reagan.Il fut largement impliqué dans plusieurs scandales au cours des années quatre-vingts (notamment l’Irangate, puis l’affaire des Contras, tous deux portant sur des ventes d’armes illicites et autres trafics de drogue). Cinq chefs d’accusation ont été reconnus contre lui, dont la destruction de plusieurs milliers d’e-mails prouvant son implication dans les scandales. Ironie du sort, ces messages, dûment enregistrés par les services de surveillance de l’époque, n’ont en réalité pas été détruits, et sont aujourd’hui consultables publiquement dont certains sur le site de CNN.Sans véritable raison apparente, Poindexter n’a pas été poursuivi et beaucoup s’étonnent aujourd’hui de voir ce personnage controversé à la tête d’un projet aussi sensible. Un sénateur, pourtant républicain, a d’ailleurs officiellement demandé vendredi dernier, au département de la Défense, l’examen du projet et les modalités du recrutement de Poindexter, tandis qu’un autre sénateur ?” démocrate ?” exigeait mardi le remplacement pur et simple de l’amiral.Le projet TIA a d’ailleurs initié une vaste campagne de rejet. Les organisations de défense des libertés individuelles se mobilisent. L’ Aclu (American Civil Liberties Union) lançait le 15 novembre une campagne destinée à contrer TIA, sur le thème ” Stoppons le plan du gouvernement pour saper notre vie privée “, incitant les internautes à s’impliquer pour faire barrage au projet. De son côté, l’ Epic (Electronic Privacy Information Center) tenait lundi dernier un meeting sur le sujet, destiné à informer ?” et surtout à alarmer sur lampleur potentielle du projet.
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