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Thierry Ehrmann, PDG du groupe Serveur : “Les capital-risqueurs doivent assumer leur rôle d’actionnaires”

Spécialiste des banques de données, Groupe Serveur croit en l’avenir des sociétés internet et va cofonder une Bourse européenne des valeurs moyennes.

Vous avez investi dans l’hebdomadaire News Bourse. D’autres prises de participations dans les médias sont-elles prévues et dans quelle logique ? Ce qui nous intéressait chez News Bourse ce n’était pas le support papier mais plutôt le fonds d’informations. C’est là que se situent les synergies avec notre activité de base, la production de banques de données. Nous recherchons de l’information d’agence qui puisse être vendue sous toutes ses formes, transformée et, de préférence, avec une qualité internationale ou mondiale. C’est ce que nous allons faire avec News Bourse : le transformer en banque de données. D’autres prises de participations sont prévues. La première concernera le rachat du pôle presse de Nart, qui édite notamment le Journal des arts et L’?’il. Nous menons aussi une réflexion de fond sur les magazines Futur(e)s ou Transfert. Mais dans tous ces cas, nous nous retrouvons face à une multitude d’actionnaires dont les intérêts divergent profondément. Mettez-vous en cause les capital-risqueurs ? Le drame de la nouvelle économie, ce sont ces tours de table énormes avec un nombre tout aussi important d’investisseurs dans des structures très légères. Cette situation empêche clairement toute tentative de recomposer l’actionnariat. Les capital-risqueurs raisonnent comme s’ils étaient sur un paquebot coté en Bourse et ils ont une lâcheté effroyable à dégager. Qu’ils assument leur rôle réel d’actionnaire, qu’ils montrent qu’ils sont capables de s’impliquer dans les sociétés qu’ils ont fondées ! Actuellement nous avons des dizaines de dossiers de sociétés internet cohérentes qui gagnent de l’argent mais qui ne trouvent pas de financement. Groupe Serveur va annoncer avant fin décembre de 7 à 8 investissements, où nous serons majoritaires pour éviter les problèmes avec les capital-risqueurs.Comment expliquez-vous la crise traversée par l’investissement aujourd’hui ? Les marchés financiers en Europe sont totalement plombés par l’UMTS pour des raisons politiques, financières, technologiques, culturelles. Après l’explosion du GSM, opérateurs et équipementiers ont considéré que les gens allaient passer du mobile à internet en oubliant la structure fixe, en oubliant l’ADSL [internet rapide par une ligne téléphonique classique, ndlr], la BLR [boucle locale radio] et le bon sens. France Telecom a fait un emprunt obligataire de 1,2 milliard d’euros (7,87 milliards de francs) uniquement pour le mois d’octobre : cela représente les fonds levés au Nouveau et au Second Marché depuis un an. Aujourd’hui, France Telecom a 1 euro de fonds propres pour environ 2 euros d’endettement. BT ou Deutsche Telekom sont dans la même situation. L’UMTS [la troisième génération de téléphonie mobile] est une chimère qui pèse 300 milliards d’euros. Quelles conséquences auront les déboires de l’UMTS ? Alors qu’internet suit une croissance exponentielle, l’Europe s’engouffre dans cette technologie. Les États-Unis ont 18 millions de lignes haut débit, l’Europe en a 4,5 millions mais possède l’UMTS ! Plus aucune aventure financière, quel que soit le marché, n’est possible, car les investisseurs déduisent de l’échec de l’UMTS qu’internet ne marchera pas. Faux : la perte de capitalisation des valeurs internet se situe à moins de 2 %, ce n’est rien par rapport à celle des opérateurs et des équipementiers. Il n’y a donc plus de marché pour introduire des valeurs internet ? Non, et ce sera encore pire avec Euronext : les sociétés cotées sur Next Economy feront entre 1 à 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires. On est en train de faire une Bourse de géants dans laquelle seules les sociétés qui ont déjà mangé toute la croissance vont être cotées. Elles n’iront plus en Bourse pour faire de la croissance mais pour avoir une valeur finale. Aujourd’hui, on ne peut pas appeler ” small cap ” une société qui a 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires. Nous allons donc nous associer avec Europe Finance et Industrie et la banque allemande DZBank pour créer une Bourse européenne des valeurs moyennes. Groupe Serveur détiendra de 15 à 20 % de l’organisme d’introduction, Euro Class, et sera majoritaire dans le gestionnaire des flux financiers, Euro Server, car c’est notre métier de base. Euro Class sera un marché pour les sociétés qui réalisent entre 15,2 millions d’euros et 150 millions d’euros de chiffre d’affaires. Les statuts seront constitués dès le mois de janvier. Si l’on ne crée pas ce marché, cela voudra dire qu’on laisse les capital-risqueurs s’occuper seuls des sociétés de croissance… Dans le domaine des banques de données, avez-vous d’autres projets, après Artprice qui est spécialisée dans l’art ? Il y a trois foyers d’information mondiale : les marchés de l’art, des matières premières et financiers. Ces trois marchés ne peuvent vivre que de manière mondiale et ce sont les seuls. Notre prochaine mégabanque de données concernera les matières premières. Il y a de bonnes chances pour que, comme Artprice, elle parte en cotation. Notre métier n’a pas beaucoup changé avec internet. La seule différence, c’est que le réseau force à baisser le prix de l’information, tout simplement parce qu’il s’agit d’un canal mondial.

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Propos recueillis par Thierry Del Jésus et Alain Steinmann