Keynectis (*) a été lancée le 14 juillet dernier sous le nom de code Infrasec. La société, issue de la fusion entre PK7 et Certplus, regroupe sept actionnaires (dont la part est comprise entre 15 et 18 % du capital) :
Sofipost (filiale de La Poste et présente dans PK7), Sagem (présente dans PK7), Gemplus (présent dans Certplus), Bull, l’Imprimerie nationale et Euro Information (filiale du Crédit mutuel), et Dassault Multimédia qui détient 1 % du capital.
Keynectis emploie 30 personnes et vise un chiffre d’affaires de 5 millions d’euros. Elle s’est dotée mi-septembre d’un directeur général, Pascal Colin, ex directeur des activités des systèmes de sécurité gouvernementaux au
sein d’EADS.Thierry Dassault est président du conseil d’administration de la société. Il fut également administrateur de Gemplus durant la période tourmentée marquée par l’entrée du fonds américain, Texas Pacific Group (TPG) au
capital.01net. : Quelles ont été vos motivations dans la création de Keynectis ? Thierry Dassault : Il faut que la France soit indépendante dans le domaine de la cryptologie, et que nous évitions d’aller en ordre dispersé sur des marchés internationaux. Le but avec Keynectis est de créer
une entité française et d’avoir très rapidement des alliances au niveau européen et même mondial. Pourquoi ne pas imaginer que les pays de l’Amérique du Sud, ceux du Moyen-Orient, puissent être clients de ce type de cryptologie.Quelle sera la forme définitive de Keynectis ? Est-ce que ce sera une sorte d’agence nationale de la cryptologie ou une entreprise privée normale ? Keynectis va fonctionner comme une entreprise privée qui devra atteindre l’équilibre. On a un calendrier de 12 à 24 mois pour mettre en place une nouvelle IGC et faire migrer les clients Certplus. Certplus n’était
pas bénéficiaire car c’était un peu comme DisneyParis avec plus de 50 % de royalties pour Verisign et un train de vie sympathique que l’on qualifierait de bulle Internet qui n’a pas éclatée.Vous avec obtenu la sortie de Verisign du capital de Certplus, pourquoi avoir laissé Gemplus, pourtant contrôlé par le fonds américain TPG, dans le capital de Keynectis ? D’abord, Gemplus est au même niveau de participation que les autres. C’est eux qui ont négocié avec Verisign pour qu’ils sortent de Certplus. Et la contrepartie financière n’est pas des moindres. Gemplus a
compris la leçon, ils risquaient de ne plus remporter beaucoup de marchés publics s’ils restaient avec Verisign. Verisign prenait une grande partie du chiffre pour les royalties alors que Cerplus avait des problèmes. Et
ça c’est une technique bien connue de certaines entreprises américaines : on met l’entreprise en difficulté et on la rachète. C’est d’ailleurs ce qu’ils ont essayé de faire [voir cet
article, NDLR].Quelle est votre analyse du comportement de TPG dans Gemplus ? Je ne comprends toujours pas pourquoi ils sont entrés dans Gemplus. C’était un fonds spécialisé dans le rachat d’entreprises en difficulté. Donc, première question : pourquoi viennent-ils dans Gemplus qui est une
société qui se portait superbement bien ? Ensuite, à moyen terme, ils se mettent à jeter de l’argent par les fenêtres. Pourquoi engagent-ils des gens qu’ils payent très chers et qui sont complètement inefficaces, comme Antonio
Perez [ancien CEO de Gemplus, lors de son IPO, NDLR]. Pourquoi, continuent-ils avec Alex Mandl ?J’avais dit au comité de sélection que M. Mandl était peut-être bien pour développer le marché aux Etats-Unis, lui nous avait caché qu’il était en contact avec la CIA via In-Q-Tel [sur la nomination controversée
de Mandl voir cet
article, NDLR]. J’avais demandé à M. Bonderman [patron de TPG, NDLR], lors de la nomination de M. Mandl en septembre 2002, de faire en
sorte qu’on ait beaucoup de marchés gouvernementaux aux Etats-Unis. On n’a encore rien vu.Si TPG jette l’argent par les fenêtres, c’est qu’il a des garanties financières. Il faudra bien qu’ils rendent des comptes à leurs actionnaires. Donc pour moi, TPG doit être en mission.Avons-nous les moyens de contrecarrer les Etats-Unis dans la guerre économique autour des technologies de l’information ? Soyons clairs, les Etats-Unis je les admire, et de toutes les façons, c’est notre plus gros client d’avions privés Falcon. Maintenant, il ne faut pas être naïf ni parano comme l’ont dit Bernard Carayon
[auteur du rapport sur l’intelligence économique d’août 2003, NDLR] et Alain Juillet [haut responsable en charge de l’intelligence économique auprès du Premier ministre, voir cet
article, NDLR].Contrecarrer les Américains ? Non, être indépendant sûrement. L’exemple parfait, c’est Galileo. Le GPS est utilisé systématiquement pour les missiles de croisière, donc si on vous donne des coordonnées erronées à
100 mètres près, c’est une catastrophe. J’ai été un peu interloqué quand suite au lancement du projet Galileo, les Israéliens se sont mis sur les rangs, car je pensais qu’ils avaient confiance en leur allié américain. Eh
bien ce n’est pas le cas. D’autres sources me l’ont confirmé.Pourquoi cela ne serait pas la même chose pour l’IGC ? Avec Keynectis, nous avons des moyens et nous sommes en contact avec des sociétés qui sont dans des secteurs connexes. L’important c’est d’aller
vite, pas de recréer ce qui existe déjà ailleurs ou de croire que l’on va faire un truc meilleur.La France ne souffre-t-elle pas d’une capacité d’investissement insuffisante ? Une insuffisance qui ouvre la porte aux fonds américains ? Il était temps de montrer le véritable visage de ces fonds américains. D’abord théoriquement, ils sont là pour gagner de l’argent. Donc ça sabre, ça dégraisse, ça coupe à la fois des branches mortes mais aussi des
bourgeons comme la R&D de Gemplus, ça promet beaucoup et résultat, la boîte est démantelée et part aux Etats-Unis. C’est ça le risque.(*) Le nom de baptême de Keynectis fait référence au latin ‘ conectere ‘ (lier) et à l’anglais ‘ key ‘ (clé).
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