Rares sont les éditeurs de l’importance d’Ubisoft à vouloir sortir des autoroutes battues des grosses licences qui empilent les récompenses et les suites comme des pièces dans un Tetris. L’éditeur français occupe de ce fait une place un peu à part. Avant l’E3, et même avant le colossal Watch_Dogs, nous avions eu droit à Child of Light, jeu si frais et si séduisant qu’il avait une saveur de titre indépendant. A l’orée des grandes vacances, l’éditeur nous propose un autre titre animé par l’UbiArt Framework, l’outil de développement créé pour les deux derniers Rayman : Soldats Inconnus : Mémoires de la grande guerre.
Quatre personnages pour se souvenir
Qu’on ne s’y trompe pas, le mot important dans le titre de ce jeu est Mémoires. Parce qu’il a été développé en collaboration avec la Mission Centenaire – qui célèbre les 100 ans du conflit, parce qu’il est parsemé de vraies histoires et aussi parce qu’il propose de suivre les destins croisés de quatre personnages, crédibles et humains.
Au centre se trouve Emile, père et grand-père de près de 50 ans, qui se trouve mobilisé après avoir vu son gendre Karl reconduit à la frontière parce qu’il est Allemand. On suivra également Karl de l’autre côté du Front, qui cherche à rejoindre sa femme et son fils, par tous les moyens. Vient ensuite Freddie, Américain, engagé volontaire pour venger la mort de sa femme. Laquelle a été tuée par un Baron allemand plus diabolique que nature. Enfin vient Anna, jeune étudiante belge qui fait médecine à Paris au moment où éclate le conflit. Elle s’engage autant pour apporter des soins aux blessés des deux camps que pour retrouver trace de son père, inventeur kidnappé par le général et baron allemand sus-mentionné.
Au service de l’histoire
Et il ne faut pas oublier Walt, chien-infirmier, qui aidera le joueur à avancer dans les niveaux en contribuant à résoudre les puzzles et en trouvant des objets. La difficulté n’est jamais un frein à la progression dans l’histoire, un système d’indices permettra même aux plus « tête en l’air » de ne pas rester bloqués. Ici, tout doit servir la narration historique, au point que certains pourraient reprocher à Soldats Inconnus de ne pas vraiment être assez dur, de ne pas être un jeu, mais plutôt une expérience pédagogique interactive.
Car même le gameplay, parfaitement ajusté et varié, est simplissime… pour ne pas dire transparent. Il sert à dérouler l’histoire, à tracer les contours fous de la Grande Guerre. Une grande guerre qu’Ubisoft surinvestit d’humanité, comme pour compenser parfois la réalité et rappeler ce que nombre d’autres jeux oublient : l’ennemi est un homme. Ainsi, plus d’une fois, le joueur se retrouvera à aider un personnage non joueur, qu’il soit français ou allemand, peu importe.
Du vidéoludisme pédagogique
S’il y a évidemment quelques touches rocambolesques dans cette histoire, pour entraîner le joueur et lier ses destins, les trames narratives, les voix off, les documents et éléments trouvés dans le jeu, les lettres échangées – il y en a eu plus de dix milliards pendant les quatre ans de guerre ! – tout installe Soldats Inconnus dans un réalisme historique indéniable.
Contrairement à ce qui pouvait être craint, le choix de graphismes en 2D proches de la bande dessinée s’avère particulièrement judicieux car ils servent le propos : enseigner l’histoire de la der des ders et de ses horreurs sans les montrer dans leur insoutenable violence. Même si les empilements de corps en BD ont parfois un effet saisissant et glaçant.
Au-delà des graphismes, le ton toujours juste, même au plus sombre, narre la violence inhumaine en montrant l’humain. Bien qu’édulcorée, la guerre de 14 se déroule sous nos yeux, manette en main. Les moments historiques s’enchaînent, toujours contextualisés : la bataille de la Marne, de la Somme, Ypres, le chemin des Dames et même la mutinerie de 17. C’est par ce soulèvement humain contre l’atrocité de la guerre que se termine Soldats Inconnus. Une fois encore avec une sensibilité et une dignité parfaitement mesurées, sans sombrer dans la facilité ou le happy end déplacé, pour honorer la mémoire de tous ceux qui sont tombés.
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