Avec des terminaux à 200 euros de plus en plus beaux et aux performances largement suffisantes pour le quidam, la photo reste plus que jamais LE moyen pour les constructeurs de se différentier… et d’inciter les utilisateurs à investir dans des terminaux plus chers. La sortie du Huawei P20 Pro est l’occasion rêvée de comparer le haut de gamme du fabricant chinois, adoubé par Leica, au champion actuel de la compétition, le Samsung Galaxy S9 Plus. La question initiale paraît simple : lequel des deux est le meilleur en photo ? Mais vous allez le découvrir, la réponse n’est pas si simple à apporter !
Samsung Galaxy S9+, le champion du moment
Testé en début d’année 2018, le Galaxy S9 Plus est le référent de la photo dans le monde des smartphones : son autofocus (AF) est diabolique, notamment en basses lumières, son piqué d’image est bon et le rendu des couleurs est bien plus naturel que par le passé. Côté technique, le Galaxy S9 Plus inaugure le premier module caméra à ouverture variable : le module grand angle 12 Mpix ouvre ainsi à f/1.5 en basses lumières et f/2.4 en plein jour. Le capteur du module grand angle est un 1/2.55″, plus petit que le capteur du P20 Pro (lire plus bas) mais plus grand que celui de l’iPhone. Le module secondaire, équivalent à un 52 mm f/2.4 est encore plus petit (1/3.6″) mais fait une belle concurrence au 56 mm f/2.4 de l’iPhone X… avec un niveau de bruit inférieur.
Mais en usage « normal » le Galaxy S9 Plus n’est qu’une petite amélioration du Galaxy S8 Plus, qui n’est qu’une version améliorée du Galaxy S7, qui était déjà un appareil 12 Mpix avec capteur Dual Pixel ultra rapide. Comprendre : Samsung n’a fait que peaufiner son électronique sans chercher – contrairement à ce qu’il promet – à réinventer la photo. Il se contente de « copier » Apple dans l’approche grand-angle/petit téléobjectif et profite de son savoir-faire dans les semi-conducteurs (conception de processeurs et de capteurs d’image) pour coiffer Apple au poteau. Au contraire de Huawei qui cherche vraiment à inventer une nouvelle façon de capturer les images.
Huawei P20 Pro, à la pointe du visual computing
Si Samsung se contente de suivre Apple dans la conception générale de l’appareil – un module grand angle équivalent 26 mm et un petit téléobjectif qui double cette focale à un équivalent 52 mm – Huawei a choisi une conception unique. Le P20 Pro intègre ainsi 3 modules caméra agencés verticalement. En haut sied un module équipé d’une focale téléobjectif équivalente à un 80 mm f/2.4 qui sert un capteur CMOS RGB de 8 Mpix. En dessous, un très grand capteur CMOS RGB au format 1/1.7’’ embarquant pas moins de 40 Mpix profite d’une focale grand angle équivalente à un 27 mm f/1.8. Finalement, le dernier module embarque un capteur CMOS 20 Mpix dépourvu de matrice colorée RGB et qui voit donc en noir & blanc, servi par une focale elle aussi de 27 mm… mais plus lumineuse puisque le diaphragme ouvre à f/1.6.
En exemple d’usage, on note que le module grand angle 27 mm noir & blanc est celui qui s’occupe de la luminance lors de la prise de vue (d’où l’ouverture annoncée à f/1.6) tandis que le module principal, qui ouvre un peu moins, utilise ses 40 Mpix pour capturer de belles couleurs… sur des clichés de 10 Mpix. Le « zoom » optique x3 (de 27 à 80 mm) profite lui aussi de cette approche où la capture d’image est un savant calcul : le module téléobjectif shoote à 8 Mpix, mais il est épaulé par le gros capteur de 40 Mpix dans lequel le smartphone vient piocher des informations pour améliorer l’image et pousser la définition à 10 Mpix.
Ce qu’il faut retenir de cette cuisine à base de trois modules caméras, c’est qu’avec cette tambouille de capteurs de définitions et focales différentes, Huawei propose un grandissement x3 qui permet au P20 Pro d’être d’offrir le premier vrai téléobjectif 81 mm. Et cette combinaison de modules et l’énorme capteur 1/1.7 de pouce offre des performances inédites en basses lumières.
Avec le P20 Pro, Huawei est à la pointe du visual computing. Et si le résultat n’est pas encore parfait, la marque chinoise commence à prendre de l’avance sur les acteurs plus traditionnels.
Ergonomie matérielle
Dans le domaine des appareils photo, l’ergonomie matérielle, c’est-à-dire la prise en main, la qualité des matériaux, la forme, le placement des commandes, la qualité du viseur, etc. peut faire pencher la balance pour un modèle même s’il est un peu moins performant qu’un concurrent. Et les smartphones sont aussi concernés par ces considérations ergonomiques.
Dès les premières utilisations, on sent que le Galaxy S9 Plus ne fait que reprendre la forme de son frangin le Galaxy S8 Plus sans corriger ses deux affreux défauts. Le premier, ce sont des tranches trop fines (merci l’écran incurvé !) qui affaiblissent la prise en main. Le second, impardonnable, c’est le placement des boutons de volume et de ce satané Bixby sous le pouce droit, rendant l’ensemble encore plus bancal et causant quelques troubles d’usages lors de leur malencontreuse pression.
Côté Huawei, le choix d’un écran « normal » évite le premier problème et le groupement des boutons d’allumage sur la partie supérieure de la tranche droite esquive, là encore, les soucis du Samsung. On aurait pu imaginer un déclencheur mécanique sur la partie inférieure de la tranche droite -à la manière de ce que Sony faisait avec certains Xperia- mais son absence n’est pas handicapante.
L’ergonomie matérielle est donc clairement à l’avantage de Huawei.
Ergonomie logicielle
Puisque ces deux terminaux haut de gamme se revendiquent « photophones » il convient donc d’évaluer aussi leur logiciel de prise de vue par défaut. Car comme sur un appareil photo, l’ergonomie logicielle influe beaucoup sur le plaisir de shoot. Et dans ce domaine, un de ces terminaux peut se montrer pénible : le Galaxy S9 Plus. Outre cet horrible bouton Bixby (lire ci-dessus), la trop grande sensibilité de l’interface entraîne des changements intempestifs de modes de prise de vue. Combien de fois suis-je passé du mode photo automatique au mode super ralenti ou à cet affreux mode Emoji en réalité augmentée ? Sans parler des noms étranges de certaines fonctions comme « alimentation » (vous voulez dire « nourriture », Mr Samsung ?) ou encore « Mise au pt directe » (parce que vous faites la mise au point indirectement maintenant ?).
A contrario, l’interface de Huawei a beaucoup évolué au fil des itérations et est bien plus agréable à lire et à manipuler. La bascule entre les modes façon Apple/Samsung offre une forme d’inertie qui simule une sensation presque « physique », la police de caractères Leica et sa plus grande taille rendent les inscriptions plus lisibles et les mentions sont toutes dans un français parfaitement compréhensible. On préfèrerait une autre position pour le bouton de zoom et il serait appréciable que les mentions des variables (ouverture, ISO, etc.) en mode Pro basculent dans le sens de lecture quand on tient l’appareil à l’horizontale, mais c’est un détail. Huawei a eu l’intelligence de mettre les fonctions « annexes » comme le HDR, le panorama, etc. dans la catégorie « Plus » ce qui est plaisant car cela évite de se retrouver par inadvertance dans un mode complètement exotique.
Par le passé, nous avons déjà tiré à boulet rouges sur l’interface logicielle de l’application photo de différents terminaux de Huawei et la marque chinoise a petit à petit corrigé le tir pour offrir, avec ce P20 Pro, une très bonne copie.
Là encore, c’est le P20 Pro qui remporte le point.
Réglages « pro »
Chacun des deux terminaux profite d’un mode Pro dans lequel on peut profiter d’une interface garnie de paramétrages. Si l’interface générale de Huawei est globalement meilleure que celle de Samsung, le mode Pro du Samsung Galaxy S9 Plus profite d’un petit avantage : en plus des piliers photographiques que sont les ISO ou le temps d’exposition, le Galaxy S9 Plus propose une ouverture variable f/1.5 ou f/2.4, ce qui est une première dans le monde des smartphones. Un tout petit avantage, parce que le gain de plage de netteté face au P20 Pro est quasi nul et le mode f/2.4 sert surtout à limiter la casse côté qualité optique à f/1.5 où le piqué est franchement mou.
Le P20 Pro dispose lui d’une définition d’image en RAW de 40 Mpix qui peut être utile dans de rares occasions. Pourquoi rares ? Tout simplement parce que si ses 40 Mpix permettent de produire une belle image à 10 Mpix – le P20 Pro fait des moyennes de groupes de pixels pour améliorer la qualité d’image – la photo native en RAW n’est pas de très bonne qualité et demande beaucoup de travail (test effectué sous Adobe Lightroom Classic CC) pour récupérer un peu de détails. Rarement utile, assez fastidieux et gourmand en mémoire : en RAW + Jpeg il faut compter 85 Mo de stockage, 76 Mo pour le RAW et environ 9 Mo pour le Jpeg.
C’est ici l’égalité entre les deux terminaux.
Autofocus
Si Huawei a bien progressé, ici le match est clairement à l’avantage du S9+ : en hautes comme en basses lumières, avec le module principal ou secondaire, le Galaxy S9 Plus est toujours le plus rapide. Tout le temps. Il faut dire que Samsung a fait de la vitesse de mise au point la signature de ses modules caméra depuis le Galaxy S7 et le développement du capteur Dual Pixel. Un point avalé par Samsung.
Qualité d’image : module principal grand angle
Egalité : c’est le résultat que nous avons obtenu après avoir retourné les images de test dans tous les sens. Aucun des deux modules principaux grand angle des deux terminaux ne se détache, la faute à des forces et faiblesses très différentes et parfois changeantes. Au Samsung Galaxy S9+ nous reconnaissons une qualité d’image plus homogène, des couleurs plus maîtrisées et certains détails rendus parfois plus finement. Mais le terminal de Samsung souffre de défauts optiques et d’une plus grande sensibilité au flare.
Le P20 Pro profite d’un calcul d’image – on part de 40 Mpix pour aller à 10 Mpix avec le soutien des autres modules caméra – aux rendus plus aléatoires, parfois excellents, parfois un peu trop lissés. L’optique (et son traitement numérique) est de meilleure qualité, sans jamais aucune perte de précision – avec 2 Mpix de moins que le Galaxy S9 Plus, le P20 Pro offre souvent des clichés plus piqués, avec plus de détails fins !
Attention toutefois à bien désactiver le mode Photo IA du P20 Pro qui n’est pas plus malin que mon défunt chien (qui était adorable mais bête) puisque, pour lui, une belle couleur « intelligente » c’est un gros filtre Instagram ultra saturé avec du vignettage appliqué à la truelle.
En clair : au Galaxy S9 Plus une meilleure régularité dans la gestion des couleurs, au P20 Pro quelques éclairs de génie colorimétriques et un meilleur piqué (mais parfois moins naturel). Un point partout… donc à personne.
Qualité d’image : module téléobjectif
Huawei a clairement marqué un point en termes de puissance de zoom. Mais si le module 81 mm peut produire de très bonne images, il est aussi plus dur à manier que le 52 mm de Samsung, notamment sur des sujets proches où la mise au point est un peu plus hasardeuse. Ensuite, son piqué -c’est-à-dire la précision d’image- et l’impression de relief est moindre que celle du second module. Finalement, les algorithmes de traitement d’image – ainsi que la transformation des 8 Mpix natif du capteur en une image de 10 Mpix – lissent trop fort les détails.
Si la partition est globalement bonne côté Huawei P20 Pro et si sa puissance de zoom est unique, la qualité d’image globale, la précision optique et celle des couleurs est ici à l’avantage du Samsung Galaxy S9+.
Basses lumières
Dans le domaine des basses lumières, le Galaxy S9 Plus profite, on le sait, d’un AF redoutable. C’est dans ce domaine où il se démarque puisque lors de vos soirées, vous êtes assurés d’obtenir des clichés nets. Nets, mais plus bruités et moins fins que ceux du P20 Pro : si ce dernier est moins prompt à faire le point, son grand capteur format 1/1.7’’ enregistre davantage d’informations et produit, sur base de 40 Mpix, des clichés 10 Mpix sans trop de bruit numérique.
Autre avantage du P20 Pro : le mode « Nuit », un mode original qui consiste en une prise de vue de 4 secondes. Pendant ce temps, l’appareil va enregistrer de nombreuses images pour calculer la scène et ajouter une photo finale à la fin. En combinant toutes ces informations, le mode « Nuit » du P20 Pro produit des clichés ultra propres et avec une très bonne plage dynamique… et une plus grande fidélité des couleurs.
C’est ici à vous d’attribuer le point : les excités de l’obturateur qui veulent la photo nette, même avec un peu de grain, voteront Samsung. Ceux qui cherchent la meilleure qualité d’image et soignent un peu plus les compositions préfèreront Huawei. Egalité de notre point de vue.
Le point joker de l’audace
Si les modules caméra de Samsung sont très efficaces, nous tenons à saluer l’audace des ingénieurs de Huawei. C’est souvent grâce à cette audace, grâce à des essais – et parfois des échecs ! – que toutes les techniques ont avancé, se sont améliorées… voire ont été découvertes. En développant un système complexe à trois modules caméra dotés de trois capteurs et de trois optiques aux propriétés différentes, Huawei n’a pas cherché la facilité mais a tenté de répondre d’une manière ambitieuse au besoin de zoom optique qu’ont tous les smartphones.
Un point virtuel à Huawei pour son travail.
Note pour les vidéographes : il s’agissait ici d’évaluer les performances photo des terminaux phare des deux poids lourds d’Android : la vidéo est toujours à l’avantage de Samsung, avec une meilleure stabilisation des séquences.
Bilan : pas de K.O. chez les As de la photo
Rapide et efficace, le Samsung Galaxy S9 Plus est un champion… qui voit débouler un challenger pour lui prendre son trône ! Les deux terminaux sont au coude à coude et personne ne remporte réellement la palme tant leurs performances sont différentes. A Samsung la vitesse de l’AF et des couleurs maîtrisées, à Huawei une qualité d’image parfois supérieure (piqué) et un potentiel de zoom (x3 !) qui lui permet de réellement remplacer un compact en vacances. Si chacun des terminaux marque 3 points, cet affrontement de façade cache une vision photographique différente et il vous faudra identifier le type de photographe que vous êtes. Mais une chose est évidente : Huawei a largement plus progressé entre deux terminaux que Samsung entre le Galaxy S8 Plus et ce S9 Plus. Plus novateur, plus audacieux, Huawei a corrigé la majeure partie de ses défauts et cherche plus à se démarquer avec une approche plus photographique – héritée du partenariat avec Leica ?
Si nous accordons l’égalité, le prix de la maîtrise technique va à Samsung et celui de l’innovation – et de la beauté du terminal – à Huawei.
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