Elon Musk, le CEO de Tesla, a annoncé lors du Battery Day une avancée majeure en matière de batteries. L’objectif assumé du Californien ? Etre en mesure, à terme, de construire les batteries qui équiperont ses véhicules. Il s’agit d’un projet colossal, qui vise non seulement à rendre Tesla moins dépendant des fournisseurs de cellules mais aussi à améliorer les performances actuelles des batteries de façon substantielle.
Depuis des mois, ce projet secret est connu sous le nom de « Roadrunner ». Mais avant de s’intéresser à son contenu, il est nécessaire de se pencher sur le contexte de cette annonce. Pourquoi Elon Musk a-t-il choisi ce moment précis pour dévoiler ses plans et quelles sont les conséquences économiques d’une telle décision ?
Avant toute chose, il convient de préciser que malgré ses allures de fête d’ados immatures à bord de véhicules aux tarifs indécents, le Battery Day est un événement dédié aux actionnaires et non au grand public. Il a pour but de rassurer les investisseurs sur les objectifs de Tesla à moyen terme et sur les moyens dont le constructeur se dote pour les réaliser.
Pourquoi cette annonce ? Pourquoi maintenant ?
L’audience à laquelle s’adresse Elon Musk explique en partie les raisons de son annonce. En effet, ce Battery Day intervient alors même que Tesla commence à être contesté sur un terrain de l’autonomie qu’il dominait jusqu’à présent de la tête et des épaules. Aujourd’hui, la Model S n’est plus la voiture référence sur cet aspect. La routière californienne a été dépassé par la Lucid Air en version Grand Touring (832 km annoncés) mais aussi par la Xpeng G7 (706 km). Et que dire de la Mercedes EQXX, le récent concept-car dévoilé par l’Allemand… avec 1200 km d’autonomie revendiqués.
En outre, ces dernières années, le marché automobile s’est tourné massivement vers les véhicules hybrides et électriques. Et si tous les modèles produits ne sont pas à même de contester les performances d’une Model 3, ils sont en revanche tous portés sur une même ressource : les batteries. C’est là l’autre raison à l’origine du projet Roadrunner. En effet, devant la demande accrue de cellules, Tesla ne veut être ni dépendant d’une éventuelle pénurie de batteries, ni victime d’une hausse de leur prix. Contrôler la fabrication et l’approvisionnement de ses accus c’est une autre manière d’affirmer son indépendance.
En attendant l’aboutissement de ce projet, Elon Musk en patron prévoyant, n’a pas manqué de préciser publiquement, quelques jours avec le Battery Day, qu’il augmentait ses achats de cellules auprès de Panasonic, LG et CATL. Preuve s’il en est qu’une batterie signée Tesla, ce n’est pas pour tout de suite.
Un projet ambitieux en cinq actes
Si l’augmentation de l’autonomie est le but le plus palpable, il n’est pas le seul. Le projet Roadrunner vise aussi à réduire le coût des batteries. Dans sa présentation, Elon Musk ambitionne de réduire le coût du GWh produit de 69% et le coût du kWh installé dans la voiture de 56%. Quant à l’autonomie réelle, elle est bien sûr dépendante de chaque type de véhicule… mais l’objectif visé est une hausse de 54% à volume égal de cellules.
Pour parvenir à ses fins, Tesla a présenté un processus en cinq étapes agissant sur tout la chaine de production. Les évolutions concerneraient :
- La conception des cellules
- La fabrication et la production des cellules
- Le changement de matériaux des anodes
- Le changement de matériaux des cathodes
- L’intégration des cellules dans les véhicules
La conception des cellules
À l’heure actuelle, les cellules des batteries sont constituées d’un film d’électrodes enroulé sur lui même. Ce rouleau d’électrodes est tassé dans un conteneur qui ressemble grosso modo à une pile. La fabrication des cellules nécessite également qu’on y place un film de séparation, tel un intercalaire, entre chaque couche, réduisant ainsi l’espace utile. Cette description correspond parfaitement à la batterie 2170 qui équipe la Tesla Model 3 par exemple. C’est également le système utilisé par l’ensemble des véhicules électriques, qui empilent ce type de cellules dans le plancher des véhicules pour constituer leur bloc batterie.
L’objectif de Tesla est de parvenir à fabriquer un nouveau type de cellules, les 4680 (46 mm de diamètre pour 80 mm de haut), basées sur une architecture très différente. Cette prochaine génération de batterie, dont la fabrication a déjà débuté, va donc supprimer ce film intercalaire et permettre d’intégrer un plus grand nombre d’électrodes. C’est non seulement un gain en termes de volume mais c’est aussi un « boost » technologique puisque les électrons pourront se déplacer plus vite au sein d’une cellule dans la mesure où ils ont moins de chemin à parcourir.
L’autre conséquence de cette innovation c’est de permettre également une recharge plus rapide et plus efficiente. En d’autres termes les Superchargeurs de Tesla pourraient devenir encore plus efficaces. C’est également une avancée majeure dans la mesure où Tesla anticipe les besoins des futurs Megachargeurs, les stations de recharge de ses camions Semi.
La fabrication des cellules
La fabrication des cellules propriétaires est sans doute la clé de voute de cette stratégie. À ce jour, Tesla fait appel à trois fournisseurs différents de batterie : LG, CATL et Panasonic. En fabricant ses propres cellules, l’objectif est évidemment de réduire le coût des batteries dans le processus de fabrication.
Sur cet aspect, le souhait de Tesla est de modifier le processus d’élaboration des couches d’électrodes. L’entreprise californienne travaille sur une technologie de « batteries sèches » pour le futur. Le nouveau processus d’élaboration fait l’impasse sur la partie la plus laborieuse de l’opération, celle qui consiste à utiliser de l’eau et des solvants. Cette partie est encore à l’étude et Tesla rencontre des difficultés dans sa tentative d’industrialiser cette technique à grande échelle. Et pour cause, l’entreprise ne souhaite pas seulement augmenter ses capacités de production. Comme pour l’assemblage de ses véhicules, la volonté est d’automatiser intégralement la chaine de production.
En matière d’industrialisation, les objectifs fixés par Tesla semblent très ambitieux. De 10 GWh en 2018, la production annuelle devrait atteindre 100 GWh en 2022 avant de passer à 3 TWh en 2030 dans les futures « Terafactory ». Quant à l’approvisionnement, Elon Musk a rappelé que Tesla était déjà impliqué dans l’extraction de lithium au Nevada et qu’elle était sur le point de construire une usine de cathodes aux Etats-Unis.
Le changement de matériaux sur les anodes
La troisième étape dans la stratégie de Tesla concerne un élément clé des batteries : l’anode. Sur ce point, le compte-rendu d’Elon Musk n’a pas été aussi détaillé que sur le reste. Le patron de la marque s’est contenté d’aller à l’essentiel expliquant que le souhait de Tesla était d’utiliser du silicium dans la composition de ses futures anodes. Pourquoi Tesla aime le silicium ? Tout simplement parce c’est l’un des éléments les plus présents sur l’écorce terrestre et que sa capacité de stockage est neuf fois supérieure à celle du graphite, l’élément qui est présenté comme son principal concurrent.
Le souci principal du silicium, c’est sa volatilité. Tesla travaille donc à la mise au point d’un processus pour le rendre plus stable et donc plus facile à industrialiser. Cette étape est indispensable pour modifier la composition des anodes.
Le changement de matériaux des cathodes
Après les anodes, Tesla envisage également de travailler sur les cathodes. La méthode employée est la même que pour les anodes. Remplacer un matériau jugé problématique par un autre plus avantageux et moins cher. Pour comprendre la problématique des cathodes, il convient de se les représenter. Celles-ci ont une structure en bâtons. De manière prosaïque, ce sont des plaques collées les unes aux autres. Des plaques qui nécessitent une grande stabilité pour maintenir les ions. Si la structure de la cathode est instable, la batterie perd plusieurs cycles. Or le nombre de cycles est important puisqu’il correspond tout simplement à la durée de vie d’une batterie.
Jusqu’ici, Tesla comme ses concurrents utilise du cobalt, très stable mais dont les conditions d’extraction et l’impact écologique sont catastrophiques. Le remplaçant tout désigné du cobalt selon Tesla, c’est le nickel, qui a de très bonnes propriétés… mais qui nécessite d’être stabilisé.
C’est la raison pour laquelle, Tesla, comme d’autres, ne parvient pas à supprimer totalement le cobalt de ses cathodes mais le remplace progressivement par du nickel. Bien évidemment la logique n’est pas uniquement environnementale : l’autre avantage de cette opération, c’est que ça réduit aussi le coût de production des cathodes.
Tesla n’est évidemment pas le seul à envisager la solution du nickel. C’est également parce que le constructeur ne veut pas subir une hausse du prix de ce métal, due à une forte demande qu’il a diversifié sa fabrication de cathodes en fonction des véhicules. Globalement, plus les véhicules auront de l’autonomie plus leur cathodes seront chargées en nickel. C’est le cas du Cybertruck et du Semi.
L’intégration des cellules dans les voitures
Voilà la partie la plus mystérieuse du plan de Tesla. Le constructeur souhaite radicalement changer la manière dont sont intégrées les batteries dans ses voitures électriques. Concrètement, cela revient à changer l’architecture de la voiture et à développer une nouvelle plate-forme.
À l’heure actuelle, les constructeurs auto intègrent les batteries de manière assez basique, dans le plancher, sous les sièges et parfois sous le coffre. La force de Tesla, c’est de maitriser sa chaine de production et de pouvoir modifier certaines pièces de ses voitures selon ses besoins. La marque californienne veut donc mettre au point une nouvelle technologie, dite de batterie structurelle. C’est à dire qu’une même pièce du véhicule servirait à la fois de structure pour la voiture et de réserve pour les batteries.
S’il fallait donner une image très triviale, on pourrait prendre l’exemple du pare-choc. En construisant lui même son pare-choc, Tesla serait capable de le modifier de sorte qu’il intègre des cellules de batterie collées sur sa paroi. Il servirait donc à la fois à habiller la voiture, à parer les chocs et à loger quelques cellules de batterie.
Quels avantages pour le futur de Tesla ?
Les bénéfices d’une telle stratégie sont multiples pour Tesla. Chaque étape de ce processus en cinq étapes ne vise pas seulement à augmenter l’autonomie, il permet également de réduire le coût de chaque opération. En d’autres termes, les futures batteries de Tesla ne permettront pas uniquement un gain de 54% d’autonomie, elles seront également moins chères à produire (le coût du kWh produit serait inférieur de 56%). Théoriquement, si le projet Roadrunner porte ses fruits, Tesla pourrait à la fois :
- Rendre ses véhicules plus abordables
- Rendre ses véhicules plus performants en autonomie
- Permettre à ses voitures électriques de se recharger plus vite
Les batteries Tesla, c’est pour quand ?
Elon Musk a évoqué une période nécessaire de 3 ans pour parvenir à mettre en place ce procédé. En d’autres termes, il n’est pas certain que les modèles actuellement disponibles bénéficient un jour de cette nouvelle technologie de batteries. En effet, celles-ci semblent davantage taillées pour le Cybertruck, le Semi ou encore le Roadster et c’est la raison pour laquelle si la date de 2022 est évoquée, c’est bien 2025 qu’il faudrait prendre en compte pour une production à grande échelle.
Enfin, ce n’est sans doute pas anodin, Elon Musk a choisi le Battery Day pour annoncer l’arrivée d’une voiture 100% électrique à 25 000 dollars dans le catalogue de Tesla. Qu’elle s’appelle Model 2 ou autrement, celle-ci sera l’aboutissement de ce travail réalisé sur les batteries et l’incarnation de l’oeuvre de Tesla dans le processus de démocratisation de la voiture électrique.
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