Une équipe américaine regroupant des chercheurs du Centre de Communication et d’Informatique Photoniques (CPCC) et du Centre International de Recherche Avancée sur Internet (ICAIR) de l’Université Northwestern dans l’Illinois a franchi une étape significative dans le domaine de la communication quantique en réalisant de la téléportation quantique sur des câbles à fibres optiques déjà utilisés pour le trafic internet conventionnel. Cette percée majeure laisse entrevoir la possibilité d’intégrer ce type de communication à l’infrastructure existante, évitant ainsi la construction coûteuse de réseaux dédiés tout en ouvrant la voie à des échanges d’informations plus rapides et intrinsèquement sécurisés.
Cette coexistence entre données quantiques et classiques sur le même support physique était auparavant considérée comme improbable en raison de la fragilité des signaux quantiques. La transmission de photons uniques, porteurs d’informations quantiques, à travers des câbles saturés par des millions de particules de lumière classiques semblait être un obstacle insurmontable. Autant dire que les chercheurs ont réalisé une véritable prouesse expérimentale.
Téléporter des états quantiques pour transmettre de l’information
La téléportation quantique ne consiste pas en un transport physique en tant que tel de l’information. Elle repose sur le principe de l’intrication quantique, où deux particules sont liées de telle manière que leurs états quantiques – c’est à dire toute l’information et toutes les caractéristiques disponibles à leur sujet – sont corrélés, quelle que soit la distance qui les sépare. Au lieu d’envoyer physiquement l’information, on transfère l’état quantique d’une particule à une autre, comme si l’information était « téléportée » d’un point à un autre.
Dans la pratique, l’information quantique est encodée dans des photons uniques, tandis que les signaux classiques utilisent des millions de photons. La communication quantique, potentiellement limitée uniquement par la vitesse de la lumière, promet des échanges d’informations quasi instantanés et une sécurité renforcée : l’absence de transmission physique de l’information élimine en effet tout risque d’interception en cours de trajet, contrairement aux systèmes classiques.
Le défi principal consistait à éviter l’interférence entre les signaux quantiques, extrêmement sensibles, et le flux massif de données classiques. Les chercheurs ont résolu ce problème en identifiant des longueurs d’onde spécifiques où la diffusion de la lumière est minimale. En plaçant les photons quantiques dans ces fenêtres spectrales et en utilisant des filtres spéciaux pour réduire le bruit généré par les transmissions classiques dans les fibres optiques, ils ont réussi à préserver l’intégrité des informations quantiques. L’expérience, menée sur une distance d’une trentaine de kilomètres, a prouvé la faisabilité de la méthode : les résultats ont montré que la téléportation quantique, même en présence d’un trafic internet important, pouvait être réalisée sans perte significative de qualité.
Des clés quantiques pour détecter toute tentative d’interception
Une expérimentation complémentaire a eu lieu en Italie, où une collaboration entre Retelit (la principale entreprise italienne de télécommunications B2B), l’intégrateur de systèmes spécialisés dans les télécommunications, les solutions numériques et l’e-mobilité Telebit et ThinkQuantum (une entreprise dérivée de l’université de Padoue) a réussi à utiliser la distribution de clés quantiques (Quantum Key Distribution, ou QKD) pour sécuriser les données transmises sur des câbles en fibre optique. Cette méthode repose sur les principes de la mécanique quantique et permet plus particulièrement de générer et distribuer des clés de chiffrement de manière sécurisée. Elle assure que l’expéditeur et le destinataire sont conscients de toute tentative d’interception et interrompt alors la communication, rendant impossible tout vol de données.
L’expérimentation a été menée sur plusieurs kilomètres de fibres optiques entre Trévise et la localité de Mestre dans la région de Venise, démontrant que la QKD peut coexister avec les canaux de données classiques, en utilisant ici aussi des fréquences différentes sur une même fibre.
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La téléportation quantique doit encore sortir du laboratoire
Les chercheurs envisagent désormais d’étendre leurs expériences sur des distances plus longues et avec plusieurs paires de photons intriqués, afin de démontrer le concept d’échange d’intrication, une autre étape importante vers les réseaux quantiques distribués. L’objectif à plus long terme est de mener des expériences en dehors des laboratoires où les conditions sont contrôlées, pour valider la pertinence de ces avancées dans des conditions opérationnelles. L’adaptation de ces technologies à des réseaux de communication réels reste un défi majeur, car le passage à des câbles souterrains et sur de longues distances pourrait engendrer de nouvelles difficultés : l’intrication quantique est un phénomène fragile, sensible aux interférences et à la perte de cohérence.
Beaucoup de chemin reste encore à parcourir : rendre la communication quantique accessible à tous et transformer la façon dont nous communiquons et échangeons des informations va encore demander des efforts considérables, de nombreux obstacles restant à surmonter. On pense en particulier aux coûts associés à la fabrication de composants quantiques, aux sources de photons uniques, aux détecteurs ou encore aux dispositifs de contrôle…
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Source : Optica