L’utilisation de la téléphonie sur IP par les entreprises n’est pas encore à la hauteur des espérances des constructeurs et des opérateurs de télécommunications. Trop souvent associée à Internet, cette technologie pâtit de la mauvaise image du réseau public : qualité sonore incertaine, saturation, etc. “Utiliser Internet pour faire de la téléphonie sur IP est aberrant “, affirme Stéphane Parise, consultant indépendant pour le Centre international de Deauville (CID). Abritant les comités d’organisation d’événements, tels que le salon Communica ou le festival du cinéma américain, ce centre de congrès s’est engagé l’année dernière sur la voie IP, “même si cela comportait une petite part de risque à l’époque “. Stimulé, mais prudent, le CID comptait utiliser essentiellement la téléphonie sur IP pour des communications intersites, par la ligne spécialisée à 1 Mbit/s qui le relie à son bureau de la région parisienne. “Sur une ligne spécialisée, la qualité de service n’est plus un problème, reprend Stéphane Parise. Il faut juste être sûr d’avoir une bande passante suffisante pour transmettre à la fois la voix et les données. Le CID n’a pas augmenté son débit [il n’y a pas beaucoup de trafic de données, Ndlr] et n’a plus à payer ses communications téléphoniques intersites, étant donné qu’elles transitent sur la même ligne.”
Des équipements plus ou moins lourds
Contrairement à la plupart des entreprises intéressées par la voix sur IP, le CID n’avait pas pour objectif de réduire ses coûts téléphoniques, refacturés de toute façon à ses congressistes. Il s’agissait surtout de renvoyer une image high-tech à ses clients et de leur proposer une grande souplesse logistique : “Les centres d’appels provisoires dont ils ont besoin pendant un salon peuvent être dimensionnés à la demande, très rapidement. Une prise téléphonique ne peut pas être déplacée, un téléphone IP oui, puisqu’il s’agit d’un ordinateur. Ils disposent également de services comme la messagerie unifiée “, précise Stéphane Parise.
Pour Stor Informatique, une SSII de 60 personnes, située sur l'”le de la Réunion, la téléphonie sur IP était en fait le seul moyen de baisser une facture annuelle d’environ 270 000 F (41 161 ?). “France Télécom dispose encore du monopole de la téléphonie filaire à la Réunion, explique Antoine Bailly-Maitre, directeur administratif et financier de Stor Informatique. En passant à la téléphonie sur IP, nous prévoyons une économie de 50 000 F [7 622? ] par an.” La société s’est adressée il y a deux mois à l’opérateur XTS Network. Celui-ci lui a fourni un bo”tier de routage IP afin d’éviter de remplacer un PABX trop ancien pour assurer ce type de communication. Les appels en dehors de la Réunion sont désormais transformés en paquets IP, puis aiguillés automatiquement sur le réseau privé en fibre optique de Sita-Equant. Au CID, l’installation fut d’une toute autre envergure : le centre a acquis un nouveau PABX compatible IP de Matra Nortel, avec ses cartes et logiciels associés, deux serveurs de communication et les téléphones IP indispensables à ce type de solution. “L’investissement est lourd, mais toujours moins coûteux qu’une installation complète en téléphonie classique “, assure Stéphane Parise.
Le groupe Gyma, une entreprise agroalimentaire spécialisée dans les épices et condiments (350 personnes), gagne, quant à lui, la palme de l’équipement minimal : “Il nous suffit d’acheter une carte prépayée chez InterNext à 1 000, 2 000 ou 3 000 F, et de taper un code avant chaque appel pour téléphoner par Internet “, résume Jean-Pierre Lebreton, acheteur pour le groupe Gyma. Un système très simple, utilisé seulement par deux personnes du service achat (basé à Carpentras) pour appeler régulièrement le bureau de Gyma situé en Chine. “Les appels sont facturés 1,75 F ht la minute et 2,50 F ht pour les appels vers les mobiles chinois. Aucun opérateur ne propose de tels tarifs.”
Les appels sont routés par le PABX de Gyma vers la passerelle IP d’InterNext, ils sont ensuite dirigés sur le propre réseau d’InterNext, sur celui d’AT&T ou de Telia. En bout de chaîne, la passerelle de l’opérateur concerné se charge de retransformer les paquets IP en signaux classiques pour arriver jusqu’au correspondant, qui n’a donc pas besoin d’avoir d’équipement spécifique. La solution choisie par le CID implique, en revanche, que l’interlocuteur utilise lui-même un téléphone IP.
Une qualité de service difficile à maîtriser
Si le CID est totalement satisfait de la qualité d’écoute de son système, Stor Informatique et le groupe Gyma notent quelques faiblesses de temps à autre. “Des grésillements de-ci de-là, qui peuvent être assez gênants, précise Antoine Bailly-Maitre, de Stor Informatique. Si un appel ne peut pas passer, il est routé automatiquement sur le réseau de France Télécom, et XTS Network s’engage à prendre le coût de la communication en charge.” La SSII n’a souscrit aucun abonnement auprès de son nouvel opérateur (seules les communications sont facturées), et n’hésitera pas à abandonner la téléphonie sur IP en cas de défaillances chroniques.
Également prudent, le groupe Gyma n’envisage absolument pas d’étendre le système aux autres services de l’entreprise : “Étant donné le manque de certitudes sur la qualité de service, la téléphonie sur IP n’est valable que pour des besoins très ciblés, par exemple pour des appels vers des destinations peu courantes. Elle peut être très utile pour une PME spécialisée dans l’export “, estime Jean-Pierre Lebreton.
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