Aucune donnée sur la consommation en services de télécommunications des grandes entreprises en France n’était disponible. L’Autorité de régulation des télécommunications (ART), qui ne veut pas se cantonner au seul rôle de gendarme, a donc demandé la réalisation d’une étude. Une centaine de grandes entreprises françaises ont été interrogées par le cabinet Pierre Audoin Conseil (PAC) sur leur consommation en télécommunications durant l’année 1999, et sur leur vision de la concurrence.C’est la téléphonie fixe qui pèse, de loin, le plus lourd dans la facture des entreprises (18,75 milliards de francs), suivie par les données (12,25 milliards, y compris l’accès internet). En troisième place se trouve la téléphonie mobile, avec 5 milliards, “en croissance de 50% entre 1998 et 2000 “, souligne Dominique Roux, membre du collège de l’ART.
La boucle locale focalise les critiques
Outre les dépenses, l’enquête de l’ART donne une photographie de la perception par les grands comptes de la concurrence dans les télécoms – autorisée depuis 1998, à l’exception des mobiles, qui ont connu une ouverture avant. Principaux constats, elle ne satisfait pas à tous les niveaux, et les grandes entreprises ne la font pas jouer de la même façon pour tous les types de services télécoms.Force est d’abord de constater que la concurrence est entrée dans les m?”urs. La majorité des grandes entreprises ont ainsi souscrit simultanément aux services de plusieurs opérateurs. C’est le cas de 65 % des sociétés interrogées pour la téléphonie fixe – à noter cependant une forte disparité selon les secteurs : 77 % pour la finance, 33 % dans le secteur public. Et 72 % des entreprises consultées – dont la totalité des organismes publics – font appel à plusieurs opérateurs de mobiles.Si elles font jouer la concurrence, les entreprises n’en sont pas pour autant pleinement satisfaites. En ce qui concerne la boucle locale, elles sont 54 % à l’estimer carrément inexistante, et 30 % limitée. Ce jugement rejoint d’ailleurs la réalité du terrain, où France Télécom demeure incontournable dans la quasi-totalité des cas, hormis les quelques zones où de nouveaux entrants ont déployé leurs propres boucles optiques. La boucle locale apparaît comme primordiale pour le développement de services tels que les réseaux privés IP, l’accès internet à haut débit, ou l’interconnexion de réseaux locaux. Les entreprises interrogées regrettent également que certaines zones à l’activité économique non négligeable soient ignorées. “Même une ville comme Antony, en région parisienne, ne réussit pas à attirer les opérateurs “, regrette Philippe Colman, directeur des télécoms d’Aventis Pharma (branche pharmacie du groupe Aventis, issu de la fusion des groupes Rhône-Poulenc et Hoechst). Par ailleurs, les grandes entreprises jugent que l’apparition d’opérateurs alternatifs n’a pas suffisamment joué sur les tarifs. 46 % considèrent qu’il n’y a pas eu de diminution de prix depuis 1997 dans les frais d’accès pour les lignes fixes, et 73 % qu’il n’y en a pas eu dans les abonnements. C’est sur les communications interurbaines que les progrès en matière de tarification ont portées (d’après 69 % des entreprises interrogées) et surtout sur les appels internationaux (86 %). A noter que les sociétés qui ne font pas appel à la concurrence pour ces types de communications sont conscientes de l’existence de solutions moins coûteuses chez les nouveaux opérateurs. Aujourd’hui, c’est plutôt les tarifs des appels fixe vers mobile qui préoccupent les entreprises. “Au début de la téléphonie mobile, les entreprises acceptaient de supporter des coûts élevés du fait des faibles volumes, indique Roger Deshayes, responsable des achats télécoms au Crédit Lyonnais. Maintenant, il faut que cela change, et parvenir à des tarifs en rapport avec les prix de revient réels.”En effet, dans la facture de téléphonie fixe, la partie générée par les appels vers les mobiles constitue une part importante et en forte croissance. Les prix restent élevés chez tous les opérateurs, d’où la perception d’une concurrence limitée voire inexistante dans ce domaine : c’est l’avis de 53% des entreprises interrogées.
Avis partagés sur les mobiles
Les entreprises du secteur industriel considèrent d’ailleurs que la situation ne s’améliorera pas tant que les trois opérateurs de mobiles continueront à s’entendre sur le coût de terminaison des appels vers les mobiles. En attendant, certaines entreprises contournent le problème en mettant en place des passerelles GSM et en souscrivant des offres spécifiques permettant des économies pour les appels vers les mobiles. Pour ce qui est de la téléphonie mobile en elle-même, les avis sont partagés : environ la moitié des entreprises considèrent la concurrence effective, tandis que 45% la trouvent limitée ou inexistante. L’absence de portabilité des numéros de mobiles est unanimement ressentie comme un frein à la concurrence. Le reproche d’une entente entre opérateurs réappara”t en ce qui concerne les politiques de constitution et de tarification des offres, y compris en dehors des frontières hexagonales (roaming), pour le transit des appels à l’étranger. Le roaming mobile reste trop cher. “A Schiltigheim, dans le Bas-Rhin, illustre Philippe Colman, nous employons des salariés français et allemands. Ces derniers font de fréquents déplacements outre-Rhin. Et l’appel depuis un mobile coûte 1 euro la minute, soit de dix à quinze fois le coût de la minute de l’Europe vers les Etats-Unis depuis un téléphone fixe !” Par ailleurs, les entreprises regrettent l’absence de possibilités de négociation avec les opérateurs pour certains services, comme par exemple l’envoi de messages courts (SMS). “Il faut compter 50 centimes le message, même pour de forts volumes, alors que dans les pays nordiques, ils sont à 10 centimes. Nous voudrions mettre en place des services à base de SMS, mais les coûts sont un frein “, regrette Roger Deshayes.Au manque de dialogue s’ajoute plus globalement l’absence de visibilité des développements en cours. Les entreprises souhaitent avoir une meilleure idée de l’avancement des projets menés par les opérateurs, sur les dossiers d’appel à commentaires déposés auprès de l’ART, pour pouvoir cadrer leurs projets.
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