Depuis le début de l’ouverture du marché des télécommunications à la concurrence, les nouveaux entrants se battent, tant bien que mal, pour obtenir de l’opérateur historique des redevances d’interconnexion ou d’accès à son réseau les plus bas possibles, en conformité avec la législation applicable. C’est-à-dire que, pour assurer un équilibre équitable entre les intérêts légitimes des différents opérateurs susceptibles d’intervenir sur le marché, les redevances d’interconnexion et d’accès au réseau doivent respecter les principes de la transparence et de l’orientation en fonction des coûts.
L’ART, arbitre des négociations
Jusqu’à une époque récente, cette recherche était réalisée dans le cadre de l’approbation des offres d’interconnexion ou d’accès à la boucle locale, en ce qui concerne le dégroupage, au sein de l’ART. Mais aussi ?” toujours devant la même autorité?” dans le cadre du règlement de différends tels que ceux engagés par des sociétés comme Libertysurf, en ce qui concerne le service ADSL Connect ATM(1), ou comme MFS (MCI-Worldcom), en ce qui concerne les liaisons louées(2). Ces négociations et décisions se sont déroulées ou ont été obtenues dans le cadre d’un jeu entre les nouveaux entrants et l’opérateur historique. L’ART y a joué son rôle d’arbitre en établissant ses propres modèles économiques permettant de conférer à ces décisions une image d’objectivité qui n’avait pas été, jusque-là, remise en cause.
Une autorité contestée
L’opérateur historique, dans ce cadre de l’approbation des tarifs, considère que la plupart des éléments nécessaires sont couverts par le secret des affaires, empêchant ses concurrents de contester valablement ses hypothèses. Toutefois, dans le cadre du litige qui oppose France Telecom à 9 Telecom à propos des services à revenus partagés, l’opérateur historique a modifié sa stratégie en produisant deux rapports d’expertise comptable devant la cour d’appel de Paris(3).Se faisant, France Telecom fait d’une pierre deux coups. Le premier : être prêt à engager des expertises fines quand il en a intérêt pour faire modifier à la hausse les redevances d’interconnexion payées par ses concurrents ; le second : avoir réussi, dans le cadre de cette procédure, à remettre en cause le caractère d’objectivité difficilement construit depuis 1997 par l’ART. En effet, France Telecom a réussi à faire dire à la Cour lors de son verdict “qu’aucun élément objectif ne permet de résoudre la contradiction ainsi relevée entre les affirmations de France Telecom et les indications contenues dans la décision de l’ART “. Et que, donc, ” considérant que, contrairement à ce que prétend la société 9 Telecom Réseau, la compétence technique de l’ART n’exclut pas la possibilité pour le juge de recourir à une telle mesure [d’expertise] qui peut être prescrite en application de l’article 144 du nouveau code de procédure civile chaque fois que la juridiction ne dispose pas d’éléments suffisants pour statuer.”C’est ainsi que l’opérateur historique a, quelle que soit l’issue du litige, marqué un point important dans cette bataille des coûts bas, en infligeant un coup très bas à l’ART. Il a en effet remis en cause l’expertise technique de cette autorité indépendante, sur laquelle elle a construit petit à petit sa légitimité depuis sa création.(1) Décision n?’ 01-253 du 2/3/01
(2) Décision n?’ 02-147 du 12/2/02
(3) Cour dappel de Paris, 1re chambre, section H, 26/02/02.* Avocat à la Cour, cabinet Coudert Frères
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