Question : quand le type qui écrit cette rubrique va-t-il se faire pincer ? Quand ce corbeau, dénigrant la boîte qui le salarie en révélant les petitesses et magouilles dont il est témoin, va-t-il enfin se faire coincer par ceux qu’il trahit ? En effet, depuis un an, je casse du sucre (et pas du Canderel) sur mes collègues et mes supérieurs dans les colonnes du Nouvel Hebdo, déversant sur eux ma sainte rage, et n’hésitant pas à leur planter chaque vendredi un nouveau couteau dans le dos, si ce n’est plus bas… Mais pourquoi répandre ma bile dans la presse ? Eh bien, dans le groupe de nouvelles technologies où j’officie comme directeur de la communication, slalomant entre les vipères qui me guettent et les couleuvres que j’avale, je ne peux que me taire. Si je me plains au boss, il me vire, et si je me plains à ma femme de ne pouvoir me plaindre au boss, elle me tue. Je l’entends d’ici : “Et mon train de vie ? T’es pas heureux dans ton job, tu ne veux plus gagner 10 000 euros par mois, tu nous vois bouffer des raviolis et nous fringuer chez Tati ? Et pourquoi pas rouler en Twingo ou en Mégane, tant que tu y es ?” Tu as raison, ma chérie : même en suivant des stages de pauvreté, ou une formation accélérée de Français moyen, nous n’y arriverions pas… Mais je ne peux pas non plus garder ma rage pour moi, sous peine d’attenter à mon équilibre mental : j’ai donc choisi la presse pour me défouler, via cette chronique anonyme. Ce n’est pas joli-joli, mais, croyez-moi, ça fait du bien… Pour ne pas me faire pincer, je change bien sûr les noms et transpose les situations regrettables dont vous vous délectez bassement chaque vendredi. Mon boss ne lisant que les pages saumon du Figaro (gros titres only), l’impunité m’est presque assurée. Quant à Charlotte, notre numéro 2, son cerveau de lectrice ne s’épuise que sur les pages pratiques d’Elle : “La presse économique, moi je dis que ça prend trop de temps à lire parce que ça fait réfléchir grave, tu vois, ça me déchire vraiment la tête”. Et que lit Romont, l’autre numéro 2 ? Golf Magazine, espérant ne pas passer pour ce qu’il est (un plouc). Chez nous, les seuls qui lisent Le Nouvel Hebdo sont les jeunes cadres, et là, petit malaise : celui qui vient de débarquer dans la boîte me soupçonne d’être l’auteur des “Carnets de Netego”. Aïe ! Il m’a démasqué, j’en suis sûr. Je sens bien ses regards insistants et la manière vicieuse qu’il a de tripoter devant moi la page After Hours… Ce petit gars brillant et sans complexe, qui se verrait très bien damer le pion à tous les ringards de la hiérarchie, aurait-il l’intention de me dénoncer ? Non, car si je me fie à ses lectures, il est plus intelligent que ça : il maniera plutôt le chantage pour me forcer à le soutenir dans sa conquête programmée du pouvoir. Mais je raisonne encore plus vicieusement que lui. Suivez-moi bien : si je dépends de lui, c’est qu’il dépend aussi de moi. Et ces lignes, dont je garde un exemplaire bien au chaud, scellent notre complicité en me donnant aussi de quoi moucher ce morveux. Comme vous, il a beaucoup à apprendre, notamment sur la technique du close combat au bureau. Comment sinstruire ? En lisant chaque semaine cette chronique, bien entendu…
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