“Donner la définition d’un système distribué n’est pas facile. On a le sentiment que c’est un système dont la logique est répartie géographiquement, qui n’est pas centralisé, mais qui ne constitue pas non plus une collection de petits systèmes éclatés et autonomes. La “bonne” définition, malheureusement abstraite et difficile à percevoir en première approche, est la suivante : il s’agit d’un système dont la représentation logique se différencie de son implémentation physique. Le processus de traduction, permettant de passer de l’un à l’autre (mapping), en est la clé de voûte.
es systèmes distribués ont été très à la mode, sans d’ailleurs être bien compris, au début des années 90. Ce modèle possède bien sûr des avantages en termes de capacité d’évolution, d’optimisation de ressources, et de robustesse. Mais, il a aussi quelques défauts qui peuvent être résumés par la question suivante : pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ?
Le Web, héritier direct des systèmes distribués
À l’origine, le Web est un système distribué : en cliquant sur une URL, on recherche l’information qui peut se trouver sur tout serveur connecté à Internet. Pour l’internaute, la localisation physique de l’information est un problème secondaire (du moins, s’il n’y avait pas la fameuse erreur 404 !). Il peut se concentrer sur la navigation à travers une base logique d’information, base d’autant plus riche qu’elle fédère des centaines de milliers d’ordinateurs. Hélas, cela n’a pas duré. “À l’origine, la Toile était la Toile. Puis sont arrivés Yahoo! ou Lycos, qui créèrent des moteurs de recherche ou des portails. Vous allez à cet endroit pour trouver n’importe quelle information. Idéalement, cela devrait être vrai. Le problème avec les portails ? Ils vous inondent de pub. Ils ne sont jamais à jour. Fondamentalement, ils contrôlent le flux d’informations”, déplorent les auteurs du site de Gnutella.
Avec Napster, le premier choc culturel survient lorsqu’on démarre ce logiciel client : la fenêtre d’entrée à la connexion annonce gentiment qu’il y a (par exemple) 8 790 utilisateurs actuellement connectés (c’était en heures creuses !), que le nombre de fichiers téléchargeables est de 1 387 945, qui représentent modestement 5 867 000 000 000 octets en ligne ! Le deuxième choc se produit lorsqu’on lance une recherche sur un titre de musique relativement peu connu, qu’une liste de réponses arrive quelques secondes après et qu’il suffit de cliquer sur le morceau en question pour démarrer un téléchargement à partir d’un ordinateur totalement inconnu. Le troisième choc, le plus violent, arrive lorsque l’utilisateur voit, après avoir ainsi chargé quelques morceaux, apparaître une flèche dans l’autre sens lui indiquant que quelqu’un est en train de “vampiriser” son ordinateur en chargeant l’un des morceaux qui se trouve dans son répertoire partagé !
Napster autorise une mise à jour permanente
Techniquement, Napster n’est qu’un protocole permettant de mettre un répertoire central à jour de manière continue lors de la connexion de chaque client, puis d’autoriser les échanges de fichiers de client à client. C’est simple, mais tellement efficace que toute l’industrie du disque en tremble. Napster a finalement signé un accord avec Bertelsmann, ce qui a d’ailleurs conduit à rendre payant le site depuis le 1er décembre !Gnutella, en résumé, c’est “pire” que Napster. Il offre les mêmes fonctionnalités (mais n’importe quel type de fichier peut être mis dans la communauté !) en se passant toutefois des serveurs ! Au départ, il suffit de connaître l’adresse IP d’un site Gnutella. Le logiciel client se connecte puis échange des adresses qui elles-mêmes en fournissent d’autres. Puisque la progression est géométrique, on atteint vite l’horizon fixé à environ dix mille serveurs, sachant qu’il existe des passerelles entre des horizons différents.
Gnutella marque la révolution finale
C’est un mécanisme similaire qui permet la recherche sur une question donnée : la question se propage de proche en proche, chaque n?”ud (c’est-à-dire l’utilisateur) comportant un minimoteur sur le répertoire local partagé, un miniserveur de fichiers et un routeur se chargeant de la propagation aux autres, selon un modèle qui rappelle les concepts initiaux d’IP. Sur le plan technique, Gnutella est donc un système de partage de fichiers totalement distribué basé sur un protocole peer-to-peer (d’égal à égal). Ce qui fascine, c’est sa simplicité (il existe déjà de nombreuses versions dont une, remarquable, en Java) et son incroyable efficacité. En fait, le véritable produit, c’est la spécification ?” publique ?” du protocole. Cette technologie porte en elle un immense potentiel : l’utilisateur est l’arbitre de ce qu’il peut, doit, ou ne peut pas mettre dans la communauté. Cela est l’inverse du système d’un Intranet, par exemple, où le représentant central de la communauté décide du contenu des serveurs.
Qu’en est-il des entreprises ?
Imaginons le scénario suivant : une société de deux cent mille employés équipe les postes de son Intranet de Gnutella. Elle forme, ensuite, son personnel à un code éthique se résumant à : “Mettez dans la communauté ce que vous aimeriez y trouver, et n’y mettez pas ce qui encombre.” Puis, utilisez Gnutella ! En quelques jours, sans administrateur, sans webmaster, sans serveurs à installer et à administrer, et sans projets à monter et à conduire, la mémoire et les compétences de chacun peuvent être mises en commun. Chaque membre intègre donc le savoir et les compétences d’une centaine de milliers d’autres. Cela ne serait-il pas un avantage compétitif décisif ?”
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