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Surenchères sociales chez iBazar

Lundi 23 juillet, des grévistes bloquent la porte d’entrée d’iBazar pour protester contre la restructuration engagée par l’américain eBay, nouveau propriétaire du site d’enchères français. Reportage.

23 juillet, 14 heures, rue de Flandres, à Paris. Deux tables et une vingtaine de manifestants bloquent l’entrée de la start-up d’enchères en ligne revendue récemment à eBay, iBazar. Parmi eux, Guillaume Bouton, délégué du personnel, et Cyril Zeitoun, membre du Cesial, un syndicat indépendant.” Nous sommes en négociation avec la direction depuis le 20 juin, mais elle cultive la langue de bois. Nous n’avons avancé en rien, si ce n’est que les services techniques continuent à migrer toutes les données des sites européens vers le siège d’eBay à San Jose [Californie]. Quand la migration vers les Etats-Unis sera terminée, eBay n’aura plus besoin des salariés et pourra nous jeter dehors sans problèmes “, expliquent-ils.14 h 10, deux gardes privés entrent de force dans les locaux, puis se saisissent de bouteilles de gaz lacrymogènes et aspergent les manifestants, selon ces derniers. Pour Grégory Boutté, DG d’iBazar France, les gardes auraient été agressés par un manifestant et se seraient défendus… en aspergeant tout le monde.

Questions de points de vue

Convaincus de leur bon droit, le DG comme les manifestants attendent que la police viennent leur rendre justice. Mais la police ne vient pas.” On avait insisté sur le côté convivial de la manifestation. On avait apporté un petit déjeuner à 7 heures ce matin, et voilà la réponse de la direction “, s’indigne Cyril Zeitoun. Grégory Boutté regrette ce qui s’est passé et précise qu’il n’a pas donné ordre aux gardes de se servir de lacrymogènes.Pour lui, les manifestants opèrent cependant en toute illégalité : ” Il fallait bien envoyer des gardes, il y a des gens qui travaillent dans les locaux, et ils les empêchent de sortir.”” Faux, rétorquent les manifestants, les personnes qui sont entrées avant qu’on arrive ce matin peuvent aller et venir en toute liberté. “

Un plan social ” packagé “

A l’origine de la crise sociale, ” une accumulation de problèmes qui n’ont pas été réglés “.Comme souvent après un rachat, des revendications jusque-là tues s’élèvent : ” Avant le rachat, chacun avait l’impression de concourir à la construction de la société. Certains d’entre nous se sont donnés à fond, sept jours sur sept. Aujourd’hui, 45 salariés sur 90 sont concernés par un plan social totalement irrespectueux des valeurs humaines, sans compter tous ceux qu’on force à partir “, explique Cyril Zeitoun.Pour illustrer la situation, il expose son cas. Chef de projet technique, on lui propose un ” package “, une solution de licenciement clés en main, à prendre ou à laisser : s’il s’engage à opérer la migration technique pendant six mois en respectant un cahier des charges très précis, puis à partir ensuite, iBazar lui versera 317 000 francs. S’il refuse ou s’il n’honore pas son contrat à la lettre, il perd tout.” Mais je suis bien loti. On a proposé à un informaticien avec qui je travaille 40 000 francs. Les packages sont faits à la tête du client “, raconte-t-il.Ces fameux packages, uniquement proposés aux informaticiens, “o
nt été calculés en fonction de l’ancienneté et du niveau des salariés “, se défend Esther Ohayon, responsable de la communication.

Le droit de partir

Mais les manifestants ne l’entendent pas ainsi. Au programme des revendications, ils réclament pour tous les salariés la possibilité de quitter iBazar avec une indemnité de cinq mois de salaire. ” Tous les gens qui ne peuvent partir seront virés “, estime Cyril Zeitoun.Ils demandent également un vrai programme de reclassements, le paiement des heures supplémentaires qui n’ont jamais été prises en compte, ainsi que le paiement des primes initialement prévues dans leur contrat, tacitement annulées selon eux par la signature d’un avenant.Dans cette histoire, le problème de fond du management des jeunes pousses se pose à nouveau : la motivation par les stock-options et par la mise en place d’un sentiment d’appartenance au corps créatif de l’entreprise souffre difficilement le retour à la gestion sociale traditionnelle, surtout en période de licenciements.

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Mélusine Harlé