Alors que le dernier Mario sorti sur 3DS fait l’objet de louanges quelque peu modérées par des micro-déceptions, voir notre test de Super Mario 3D Land, nous avons demandé à William Audureau, ancien journaliste pour 01net.com et auteur d’un très intéressant ouvrage historique sur Mario, suffisamment consistant pour démontrer son expertise dans le domaine, de nous fournir sa lecture de cet opus qui marque les premiers pas de Mario dans la 3D (relief) et aussi les 30 ans – excusez du peu ! – du personnage emblématique de Nintendo.
01net : Quelles sont les principales spécificités de Super Mario 3D Land ?
William Audureau : Pour faire simple, c’est un épisode en 3D, mais qui essaie de revenir à l’esprit des jeux des années 1980. Ce qui signifie : une caméra fixe et non plus libre, des niveaux assez réduits, des parties chronométrées, et des stages qui s’enchaînent les uns après les autres. Nintendo résume la démarche des développeurs par une volonté de « revenir à zéro », en faisant fi de tous les autres épisodes 3D.
De quel autre jeu de la série se rapproche-t-il le plus ?
Aucun ! C’est un mélange qui emprunte à quasiment tous les épisodes passés ! S’il fallait absolument le comparer à certaines aventures plus qu’à d’autres, il serait tentant de retenir Super Mario Bros 3 pour la plupart des monstres et pouvoirs, Super Mario 64 pour le cachet général et la possibilité d’évoluer sur plusieurs plans, et enfin New Super Mario Bros DS pour le positionnement très grand public et la facilité générale du jeu. En revanche, contrairement à ce que son nom indique, il n’a aucun rapport avec les Super Mario Land, les épisodes Game Boy, qui historiquement ont toujours été conçus par une autre équipe que celle de la série centrale des Super Mario Bros et Super Mario World.
Pourquoi Nintendo a–t-il décidé de donner une nouvelle direction à la série ?
Il y a deux explications, une officielle, l’autre moins. La première, c’est que le jeu a été pensé par Koichi Hayashida, qui n’est pas impliqué dans New Super Mario Bros sur DS et sur Wii, les deux derniers épisodes en 2D, mais dans le fabuleux Super Mario Galaxy 2, aventure en 3D complètement folle et vertigineuse.
A l’origine, il avait donc envisagé de concevoir un épisode de Super Mario Galaxy pour la 3DS. Mais son univers fourre-tout et ses niveaux souvent complexes n’auraient pas convenu à un jeu portable, qui doit être immédiat d’accès et permettre des sessions courtes, dans les transports notamment. Il a donc décidé de repenser complètement la formule des jeux 3D pour la rendre compatible avec une console nomade.
L’autre raison, moins officielle : Mario fêtant ses 30 ans cette année, un jeu permettant d’établir une passerelle entre ses épisodes 2D et 3D constituait un très bel hommage.
Les 25 ans de Mario, ce n’était pas l’an dernier ?
Officiellement, oui, c’est du moins ce qu’a décrété Nintendo en 2010. Mais on fêtait en fait les 25 ans du jeu Super Mario Bros, et non du personnage, qui date de 1981. Probablement pour des raisons de planning, Nintendo a préféré rendre hommage publiquement au plombier l’an dernier, pour mieux fêter officiellement les 25 ans de Zelda cette année. Mais dans l’absolu, Mario a 30 ans, et ce n’est pas par hasard que dans l’une des salles secrètes de Super Mario 3D Land les pièces d’or à collecter dessinent un 30… [Les esprits étriqués y verront un simple « 3D », mais il est vrai que l’appel du pied est assez flagrant, NDLR]
Si Super Mario 3D Land rend hommage aux autres épisodes, fatalement il ne doit pas être très innovant…
Et pourtant, si. Il s’agit même d’un épisode absolument unique sur plusieurs points : c’est le premier épisode en 3D avec une caméra fixe, le premier épisode en 3D dont les niveaux sont des parcours, et le premier épisode à jouer du relief et de la profondeur dans les séquences de plate-forme. Sans compter les nombreuses petites nouveautés, comme les ennemis champignons dotés d’une queue ou les serpents dont le corps se compose de points d’interrogation, les jumelles qui permettent d’explorer le niveau du regard, etc.
De manière générale, c’est l’épisode le plus référentiel et le plus nostalgique de toute la série : il est truffé de clins d’œil aux anciens épisodes, réinterprétés à sa sauce. En fait, c’est un peu comme si on retrouvait plein de fruits qui ont marqué notre enfance, mais réunis ensemble, avec une recette originale. Le sentiment global est celui du « ressouvenir », et pourtant la saveur est nouvelle.
Ce n’est pourtant pas la première fois que Nintendo fait des clins d’œil à son passé…
Non, évidemment. Mais jamais de manière aussi généralisée. Si l’on regarde Super Mario Sunshine ou Super Mario Galaxy, ce sont des épisodes qui étendent l’univers de Mario à des horizons nouveaux : les jeux d’eau pour l’un, l’apesanteur et l’espace pour l’autre. Ce sont des jeux qui sont dans la création, plus que dans la nostalgie.
A l’inverse, une compilation comme Super Mario 25th Anniversary, l’an dernier, ne proposait que de vieux jeux réédités à l’identique. Elle était complètement dans la nostalgie, absolument pas dans la création. Même New Super Mario Bros sur DS et Wii se veut un retour aux racines de la série. Aucun jeu n’avait entrepris à la fois de rendre hommage à trente ans de jeux Mario et de trouver une forme inédite pour l’occasion, en l’occurrence cette espèce de 3D en petit périmètre.
De ce point de vue là, Super Mario 3D Land est à la fois original, nostalgique et créatif. Avec lui, Mario fête admirablement ses 30 ans, il entre dans sa quatrième décennie et, après avoir dompté la plate-forme 2D, la plate-forme 3D, savoir jouer ainsi du temps et de son âge, on peut dire que Mario rentre dans la quatrième dimension. De ce point de vue, il est intéressant de voir comment Super Mario 3D Land, d’un côté, et Sonic Generations, de l’autre, tentent chacun à leur façon, très différente, d’essayer de résumer l’histoire d’une série en un jeu.
C’est également le premier Mario en 3D relief.
Tout à fait. On pourrait même aller plus loin, et dire que c’est le premier vrai jeu en 3D relief de la 3DS. Jusqu’à présent, Nintendo avait commis, il me semble, une erreur stratégique en insistant sur ce qu’apportait la stéréoscopie en matière d’immersion et de spectacle. Or ce n’est pas sur ce terrain-là, plutôt réservé à Sony ou Samsung, que la firme de Kyoto était attendue. C’était sur l’apport en matière de jeu. Et jusqu’à présent, entre Super Street Fighter IV, Raymand 3D, Ocarina of Time et Star Fox 64, la 3DS ne proposait que des rééditions, aucun jeu pensé dès l’origine pour faire du relief un élément de jeu.
Super Mario 3D Land est le premier, et il le fait très bien : outre une meilleure appréciation des distances, le relief a surtout permis aux développeurs de concevoir plusieurs séquences en trompe-l’œil, qui sont courtes, mais vicieuses, originales et ludiques. Là, on découvre quelque chose de nouveau, qui justifie la stéréoscopie.
D’une manière générale, faut-il acheter Super Mario 3D Land ?
Je crois que l’on peut poser la question autrement : serait-ce du gâchis que d’avoir une 3DS et de ne pas avoir Super Mario 3D Land ? La réponse est oui. D’une certaine manière, il peut même justifier à lui-même l’achat de la nouvelle console portable de Nintendo. Il s’agit du premier jeu à la fois exclusif à la console et qui en exploite de manière aussi intelligente et ludique les fonctions. C’est le jeu 3DS par excellence, simple et pratique, avec un découpage linéaire et des sessions courtes, mais avec aussi des niveaux ludiques et originaux.
En revanche, il est probable que les vétérans lui reprocheront d’être court et facile. Nintendo dit avoir voulu faire un jeu « compact » et, de ce point de vue, oui, Super Mario 3D Land se traverse très vite. Mais il ne faut pas se leurrer : s’il se finit en une ou deux séances, c’est aussi parce qu’il est bon et prenant.
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