Passer au contenu

Sunlin Chou (Intel): “La taille des puces sera un jour inférieure à 30 nanomètres”

Pour le vice-président du groupe Technologies et fabrication d’Intel, seules de nouvelles technologies permettront aux industriels de maintenir leur rythme de fabrication.


Décision Micro & Réseaux : Quel est votre rôle au sein d’Intel ?

Sunlin Chou : J’ai la responsabilité de la fabrication des processeurs au niveau mondial, fonction qui implique notamment l’amélioration de nos techniques de production afin de rester compétitif. Pour réaliser cet objectif, outre les investissements en R&D, nous utilisons le principe de la copie exacte : il s’agit de dupliquer une usine complète sur plusieurs sites à travers le monde. Ce système, très souple, nous permet d’éviter de mauvaises surprises et de contrôler très précisément notre production.
Par exemple, si notre usine d’Irlande découvre une technique pour diminuer le taux d’erreur sur une ligne de production, nous l’appliquons à l’ensemble de nos usines en quelques jours seulement. En revanche, nous avons une R&D très décentralisée, constituée de trois principaux laboratoires de recherche répartis sur plusieurs sites : Intel Architecture Lab (médias Internet, gestion de l’information, etc. ), Microprocessor Research Lab (circuits, compilateurs, mémoires, etc. ) et, enfin, Components Research (lithographie, transistors, etc. ).
Ces trois sites regroupent environ 750 chercheurs dans le monde, et ils représentent 10 % du chiffre d’affaires d’Intel, soit environ 3 milliards de dollars (2,98 milliards d’euros) en 1999.Faites-vous de la recherche fondamentale, comme les Bell Labs ou le Parc de Xerox ?Non. Évidemment, nous regardons les travaux des différents laboratoires de recherche des universités avec lesquelles nous avons des accords de coopération. Notre cycle de développement nous permet de travailler seulement sur trois générations de produits à la fois, la première étant déjà en production, tandis que les deux autres se trouvent à différents stades de développement : soit à l’état de recherche, soit proches de la production (pathfinding, Ndlr
). Cela nous oblige à avoir un cycle de développement très court de deux ans. Malgré tout, il est pratiquement impossible que nous rations une quelconque avancée dans ce domaine. En revanche, nous pouvons écarter une technologie en amont, car déphasée avec notre cycle de développement.Qu’est-ce qui a changé dans la fabrication des semi-conducteurs ?Internet. Avec la nouvelle économie, nous sommes obligés d’être plus agiles dans notre manière de produire. Elle induit en effet une gestion des stocks en flux tendu et nous contraint à jongler avec les lignes de production de nos usines afin de nous ajuster à la demande du marché en termes de composants pour PC et ordinateurs portables, ou de mémoires Flash.Quels sont vos derniers choix technologiques ?En remplacement de la céramique, nous avons récemment opté pour une technologie fondée sur de la matière organique et des connexions en cuivre. Cela nous permet de manufacturer une grande partie de nos produits dans une seule usine, alors que, auparavant, chaque version des processeurs, qu’elle fût destinée à un portable ou à un PC, avait sa propre usine. De plus, la matière organique permet de réaliser des produits plus compacts, plus performants et moins chers. Ainsi, dans les mêmes usines, on utilise un processus identique pour fabriquer des composants simples ou complexes, mais aussi des cartes mères. Autant de composants élaborés avec cette technologie organique.Quand atteindrons-nous la limite de la technologie actuelle ?Selon les experts, la taille des puces sera inférieure à 30 nanomètres d’ici dix à quinze ans. Cette échelle posera de nombreux problèmes de manipulation et, donc, de fabrication. Mais la difficulté de la réalisation ne signifie pas que celle-ci est impossible. À l’inverse de la vitesse de la lumière, qui est constante, ces limites se fondent uniquement sur des spéculations. Or l’expérience nous apprend que plus on s’approche de ces limites, plus elles tendent à disparaître. Rappelez-vous la limite du micron, supposée infranchissable. Ce cap a été franchi sans difficultés majeures.Intel est-il impliqué dans cette recherche nanotechnologique ?Absolument. Les travaux en cours sur de nouveaux composants et de nouvelles structures indiquent l’imminence du passage sous les 30 nanomètres et repoussent encore plus loin la limite de la miniaturisation. Toujours dans cet esprit de recherche, nous avons créé, avec de nombreuses entreprises de notre secteur, le consortium EUV-LLC afin de travailler sur de nouveaux procédés de lithographie. Cette technique est utilisée pour graver les circuits fonctionnels sur une tranche de silicium. Les actuelles techniques de lithographie optique atteindront leur limite d’ici à quelques années. En effet, la taille des circuits est devenue plus petite que la longueur d’onde de la lumière utilisée. Si nous avons recours à une longueur d’onde plus courte, les équipements optiques absorbent la lumière et s’autodétruisent. Nous pensons que la technique EUV (Extended Ultra-Violet, Ndlr) est la bonne et nous permettra de tenir encore dix à quinze ans.

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Propos recueillis par Jean-Baptiste Su