Décision Micro & Réseaux : En cinq ans, vous annoncez 2,5 millions de développeurs Java et pourtant, Sun ne génère aucun profit avec Java. Comment expliquez-vous votre stratégie ?
Scott McNealy : Avec Java, nous essayons essentiellement d’augmenter le nombre d’appareils, cartes à puce, agendas de poche, téléphones, etc. , reliés à nos serveurs, afin d’accroître la demande pour ces derniers. Ainsi, à chaque appareil où Java est implémenté, nous fournirons des services de messagerie, de calendrier, d’annuaires, de commerce, etc. Mais nous voulons aussi éviter que les développeurs écrivent du code pour Microsoft. Car ils le feront sur NT et, dans ce cas, la planète entière est à la merci d’un virus destructeur et d’un redémarrage quotidien des machines. Avec des conséquences négatives pour la productivité et l’innovation. Tandis que Java permet à quiconque de jouer sur le marché des équipements comme des serveurs, sans avoir à payer d’énormes royalties à Redmond.
Amazon vient d’échanger ses serveurs Sun par des modèles d’origine HP. Pourquoi ?
Amazon s’est vu offrir l’opportunité de revendre des camions entiers de produits grand public HP, y compris les imprimantes, et à des prix très bas. Et on ne peut pas lutter contre ça, puisque nous n’avons plus de produits grand public à notre catalogue. Et un sous-produit de cet accord est l’achat d’ordinateurs HP pour leur usage interne. Mais autant que je sache, Amazon n’a pas rompu le contrat qu’il avait avec nous, et continue de nous acheter du matériel. Le contrat de service est toujours honoré et le compte Amazon nous rapporte de l’argent. Néanmoins, pour emblématique que soit cette signature, HP a emporté un contrat avec une seule start-up, alors que nous en avons signé 1 600 en un an. Même si HP fait un excellent travail pour cacher l’activité réelle de sa division serveur, je la soupçonne d’avoir une progression à un chiffre, voire négative, et de perdre des parts de marché. De toute façon, les chiffres seront connus dans le courant du mois, à l’occasion de la publication des résultats trimestriels de HP. Je sais qu’ils espèrent atteindre 15 % de croissance… contre 35 % pour Sun.
Intel vous a accusé d’avoir traîné les pieds dans le portage de Solaris sur Merced, rompant ainsi votre partenariat financier et technologique. Quelle est votre analyse ?
Pour porter les versions successives de Solaris sur leur plate-forme, nous avons dépensé des millions de dollars, avec une aide proche de zéro de la part d’Intel. Chaque sortie de Solaris s’est faite à la fois sur plate-formes Intel et Sparc. Malgré tout, le succès sur Intel dépend des applications, rares pour cette plate-forme. Nous avons donc rencontré les développeurs, avec à chaque fois la même réponse : “Intel nous demande de ne pas utiliser Solaris.” Et malgré la volonté affichée d’Intel, nous continuons à pousser Solaris sur Intel comme nous l’avons fait avant leur prétendu soutien. Solaris sur Intel est gratuit et continue d’avoir un succès fou. Et c’est normal, puisque de l’autre côté vous avez NT, avec 40 millions de lignes de bugs, qui n’est pas 64 bits, ne supporte pas 64 processeurs et ne dispose ni des extensions Linux, ni d’une machine virtuelle Java efficace.
Comment expliquez-vous l’échec des processeurs Java ?
Il y a trois ans, j’entendais partout que Java était trop lent. Nous avons donc proposé des processeurs spécialisés pour accélérer l’exécution des programmes. Et il se trouve qu’aujourd’hui, on ne parle plus de la lenteur de Java, et pour cause. La JVM HotSpot tire mieux parti de la puissance de calcul des processeurs généralistes. Ce qui fait que n’importe quel processeur est maintenant suffisamment bon pour faire tourner du code Java. Ce qui rend caduc le pico Java, excepté pour des applications spécifiques comme la carte à puce.
Sun a annoncé, à l’occasion de JavaOne, un nouveau programme de standardisation de Java. Qu’en est-il ?
Le Java Community Process ou JCP est désormais ouvert à plus de 245 entreprises et est chargé d’étendre la plate-forme Java au téléphone cellulaire, à la télévision interactive, aux jeux vidéo, etc. JCP est bien meilleur que le modèle utilisé par Apache ou Linux, puisqu’il assure la compatibilité des différentes implémentations de Java et intègre au sein même du langage des mécanismes de sécurité. Ce qui évite de se voir infecté par un virus sans le savoir.
Jini ne connaît pas un succès foudroyant. Ce protocole réseau a-t-il un avenir ?
Il y a quatre ans, tout le monde se posait la même question à propos de Java. Mais aussi à propos d’Unix, de NFS et des serveurs Sun. Depuis dix-huit ans et six mois, date de sa création, Sun suscite le scepticisme de la communauté informatique. À tel point que cela ne m’énerve plus maintenant. On lance des produits et on regarde comment le marché réagit. Bien sûr, tout ce qu’on a fait n’a pas rencontré le succès. La JavaStation a été un échec, mais la Sun Ray [une architecture pour client léger, Ndlr] est, au contraire, bien partie.
Mélange d’arrogance et d’innovation, Sun, à l’image de son PDG, suscite à la fois l’admiration et l’énervement. Le succès de ses serveurs Solaris est une base solide pour développer des partenariats, comme celui avec AOL, et des technologies, comme Jini. Reste ses positions parfois rigides, tel le refus de faire standardiser Java par un organisme normalisateur, ce qui bénéficierait pourtant à l’ensemble des utilisateurs.
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