C’est donc décidé, France Télécom restera quelques mois de plus dans le capital du fabricant de puces franco-italien STMicroelectronics (STMicro). L’opérateur y détient 11 %, valorisés environ 3 milliards d’euros. Ce qui constituait l’une des priorités du gouvernement il y a quelques semaines à peine ne mobilise plus ni les états-majors, ni les services du ministère des Finances.” Le débat sur la cession par France Télécom de sa participation dans STMicro était lié au désendettement de l’opérateur. Or, pour diverses raisons [baisse de la redevance UMTS, opérations de cession immobilière, émission d’obligations convertibles], le bilan de l’entreprise s’est améliorée et France Télécom se sent moins intéressée par une telle opération. Le sentiment d’urgence n’existe plus “, déclarait-on fin novembre dans l’entourage de Laurent Fabius.Les actionnaires de STMicro disposent donc d’un délai supplémentaire pour trouver une solution satisfaisante pour tous et qui respecte les objectifs de l’Etat français : le maintien de l’équilibre franco-italien dans capital de STMicro et la protection contre toute tentative d’OPA sur l’entreprise.
Retour sur succès inespéré
Il en est un que ces tumultes mercantiles laissent indifférent, c’est Pasquale Pistorio, le président de STM. A la question, récurrente, sur l’éventuelle évolution de son actionnariat, il offre cette réponse : “C’est au conseil d’administration de décider. C’est ainsi. Chacun à sa place.” Et celle de ce truculent italien… est ” aux fourneaux “, sans cesse entre deux avions, bourlinguant aux quatre coins du monde, visitant ses clients et ses sites de production…Surtout ne pas souffler, ne pas s’arrêter. Le marché ne le pardonnerait pas, qui plus est, au moment où l’industrie des semi-conducteurs traverse la plus mauvaise période de son histoire. Qu’importe, le président de STMicro conserve son optimisme : l’objectif d’une part de marché mondial de 5 % pourrait bien être atteint bien avant 2007. Un passage obligé pour cette entreprise hors du commun qui, en moins d’une quinzaine d’années, s’est hissée au niveau des plus grandes entreprises mondiales du secteur.Chronologie. 1986, Pasquale Pistorio, alors président de SGS Microelettronica rencontre Jacques Noels, son homologue à la tête de Thomson Semiconducteurs, une division de Thomson CSF. Les deux hommes sont inquiets. Ils partagent la même analyse : le marché évolue très rapidement, les investissements en production et en R & D deviennent de plus en plus lourds, alors que les résultats sont déficitaires. Il est clair que, avec une part de marché mondial de 1,7 % et 1,5 %, la France et l’Italie n’ont plus la taille critique pour jouer dans la cour des grands.Proposée par Pasquale Pistorio, l’idée d’un rapprochement s’impose d’elle-même, d’autant que les deux profils sont complémentaires, tant du point de vue géographique ?” forte présence de Thomson aux Etats-Unis et de SGS en Asie ?” que du point de vue des compétences industrielles. Le projet est soumis aux actionnaires : Thomson pour la France et la Stet en Italie.” Nous avons obtenu leur bénédiction “, se souvient Alain Dutheil, désormais président de STMicroelectronics en France. En avril 1987, l’affaire est entendue. Les deux groupes fusionnent. SGS Thomson est née. Dans le même temps, politiques et industriels s’affairent, conscients du retard pris par le Vieux Continent sur la concurrence internationale. Jessi, le premier programme de recherche à l’échelon européen voit le jour. Cette lucidité des pouvoirs publics prend tout son sens sous le gouvernement Rocard en 1988, et ceux d’Edith Cresson l’année suivante et de Pierre Bérégovoy en 1992.
Du quatorzième au sixième rang mondial
La tourmente engendrée par la guerre du Golfe pousse le gouvernement Cresson a recapitaliser le nouvel ensemble. C’est l’époque des grands assemblages industriels.” Il y a eu une vraie volonté de pousser ce dossier et le ministère de l’Industrie a su convaincre les politiques en France comme leurs homologues italiens “, rappelle Alain Dutheil.En 1993, les injections successives liées à la recapitalisation s’élèvent à 800 millions de dollars. Et de nouveaux actionnaires arrivent, plus puissants, plus riches aussi : CEA Industrie et France Télécom s’installent au conseil d’administration. Ils se partagent, encore aujourd’hui et à parité avec l’IRI et le ministère du Trésor italien, près de 56 % du capital.Le reste est sur le marché. SGS Thomson, devenue entre-temps STMicroelectronics, se classe aujourdhui au sixième rang mondial des fabricants de semi-conducteurs. En 1987, elle occupait la quatorzième place. Beau parcours.
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