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Steve et Jerry, le duo emblématique

Janvier 2000 : le fondateur d’AOL, Steve Case, entrait dans l’histoire en poussant à la fusion le vieil empire des médias Time Warner. Aujourd’hui, c’est le patron historique de Time Warner, Gerald Levin, qui dirige la nouvelle entité.

La photo a fait le tour du monde : 10 janvier 2000, Steve Case explose de joie en donnant l’accolade à Gerald Levin, dont le sourire semble un peu plus forcé. Pour signifier son entrée dans la cour des grands de Wall Street, le fondateur d’America Online (AOL) a troqué ses fameuses chemises hawaïennes pour le costume-cravate du businessman. Soucieux d’afficher sa conversion au ” funky business “, le puissant PDG de Time Warner a, lui, choisi de raser sa moustache et de tomber la cravate. Tout un symbole… La convergence des tuyaux et des contenus n’existe pour le moment que par le look, mais elle tient sa tête d’affi-che : Steve et Jerry.Ce jour-là, à New York, ce n’est pourtant pas d’une fusion entre égaux dont il s’agit : aux yeux du monde, le grand gagnant est évidemment Steve Case, porte-drapeau de la nouvelle économie triomphante. Les actionnaires d’AOL ne détiennent-ils pas 55 % de la nouvelle entité AOL-Time Warner ? Quant à Gerald Levin, les observateurs sont unanimes : nommé Chief Operating Officer (autrement dit super-directeur général) pour sauver les apparences, le sexagénaire devrait rapidement céder son fauteuil au profit du numéro 2 d’AOL, Bob Pittman.

Homme d’expérience

Juillet 2001, brutal retour de balancier : ” Where’s Steve ? “(*), interroge ironiquement Fortune. La question ne passe pas inaperçue car le magazine appartient… à AOL-Time Warner. Le signataire de l’article, Marc Gunther, y répond sans prendre de gants : “Case s’est désengagé de la gestion au jour le jour pour consacrer son temps aux grandes échéances stratégiques, à ses bonnes ?”uvres et à sa famille. Aujourd’hui, l’homme qui dirige réellement AOL-Time Warner, c’est Jerry Levin.” A tout juste 42 ans, le richissime chairman (président) d’AOL-Time Warner aurait déjà choisi la préretraite ? À voir. L’homme qui voulait “construire un média global encore plus indispensable que le téléphone ou la télévision” n’en a sûrement pas fini avec sa ” vision “. Mais il joue à l’homme invisible depuis l’e-krach : plus aucun ” show ” devant la presse ou les analystes. En revanche, Steve a été vu portant à nouveau la chemise hawaïenne…à un pique-nique organisé par l’école de ses enfants.Un peu comme si l’ex-symbole de la net économie avait choisi de quitter le devant de la scène pour ne pas nuire au cours de Bourse de son groupe. Gerald Levin se retrouve donc en première ligne pour donner vie aux synergies et économies d’échelle qui ont légitimé la fusion AOL-Time Warner. Il faut dire que la ” convergence “, ça le connaît : il l’a expérimentée bien avant que le concept ne soit à la mode. En 1975, alors patron de HBO, c’est lui qui prendra la décision historique de faire distribuer la chaîne à péage par câble et satellite. Devenu vice-président de la maison-mère Time Inc., c’est encore lui qui, en 1990, sera l’architecte de la fusion entre le grand groupe de presse et le géant d’Hollywood Warner Communications. Propulsé à la tête de Time Warner, c’est toujours lui qui persuade en 1996 le flamboyant Ted Turner de lui vendre son groupe de télévision par câble (TBS), qui recèle, entre autres pépites, la chaîne CNN. Mais Gerald Levin n’en reste pas là : il a compris bien avant ses pairs qu’internet sera le mass media du XXIe siècle.En septembre 1999, il croise Steve Case, qu’il connaît à peine, dans un colloque à Paris. De retour aux États-Unis, le patron d’AOL lui téléphone pour lui suggérer une fusion ” d’égal à égal ” : Jerry répond banco, même si, au niveau boursier, c’est la souris AOL (4,8 milliards de dollars de CA) qui doit avaler l’éléphant Time Warner (27 milliards de dollars). La morale de l’histoire ? Un grand groupe de communication doit offrir le maximum de contenus, mais le meilleur contenu n’est rien sans un bon canal de distribution… L’avenir appartient aux mutants qui allieront richesse des contenus et puissance des réseaux de distribution. Jean-Marie Messier a retenu la leçon de Steve et Jerry pour fonder Vivendi Universal. Mais l’humilité du bâtisseur qui sait s’effacer derrière son empire lui fait encore défaut…
(*) Mais où est passé Steve ?

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JCF