Certaines start up réussissent là où d’autres échouent. Pourquoi? Une chose est sûre: ce n’est pas forcément une question de positionnement ou de secteur, ni de marché privilégié ou de mode, et encore moins de fatalité imputable à la conjoncture.Les six cas que nous avons sélectionnés, comparables deux à deux, le montrent clairement: l’alchimie du succès tient à bien d’autres facteurs, parfois ténus. Premier match : le B to C, ou l’internet à client grand public. D’un côté, le site Aufeminin. com tire son épingle du jeu grâce à une clientèle identifiée et à un plan simple: reproduire l’équivalent d’un magazine féminin en ligne. En face, le malheureux Unhomme. com a déjà disparu, faute d’avoir atteint sa cible. La deuxième comparaison – entre Progress TV et Canalweb – est plus technologique. Avec, pour défi, la vidéo en ligne, gourmande en bande passante, et qui doit foncer dans les tuyaux étroits et encombrés de l’internet. Progress TV affiche sa bonne santé et son bouquet de chaînes spécialisées, alors que Canalweb souffre et négociera un délicat virage entre le gratuit et le payant dès octobre prochain. Troisième et dernier comparatif: le B to B, ou vente entre professionnels sous forme de places de marché, présenté comme un nouvel eldorado. En haut, Web-Profils, qui met en contact des informaticiens en ligne – une denrée rare en ce moment -, va bien. En bas, IndustrySuppliers, place de marché dédiée à l’industrie lourde pour la recherche de sous-traitants, est à la peine faute de financement.
Mieux vaut gérer peu de fonds, mais avec finesse
Ces succès et ces échecs étaient-ils prévisibles? Les incubateurs, ou capital-risqueurs, le pensaient lorsqu’ils mettaient en avant leurs critères de sélection: qualité des hommes et de l’idée, connaissance du marché et de la stratégie à mener, maîtrise du business plan et de la stratégie. Bien vu, certes. Mais, à la lumière de nos six exemples, d’autres qualités semblent aussi indispensables.Premier constat, nos trois cas de réussite n’ont pas levé de fonds considérables, mais ils ont su les gérer avec succès. Des dépenses bien ciblées, un budget de communication modéré, des salaires raisonnables… Ces start up en forme gèrent leurs sous plutôt à l’auvergnate. Pas de flambage inconsidéré, et donc pas de démarrage trop ambitieux. Et pour cause: à l’origine, c’était l’argent des fondateurs. “Au début, en 1999, c’est mon mari qui créait et testait le site. Quelques amis sont venus nous rejoindre, puis c’est la qualité du site qui a provoqué le bouche à oreille. Les investisseurs sont venus ensuite”, confie Anne-Sophie Pastel, présidente d’Aufeminin. com. Même principe de gestion chez Progress TV, où Jean-François Reveillard égrène son credo: “Les contenus et la technique doivent s’accorder aux besoins ressentis. Il ne faut pas se laisser séduire par une technologie coûteuse, mais avancer pas à pas.” Enfin, chez Web-Profils, “c’est notre argent d’abord”, revendique Jean-Luc Gardie. La place de marché s’est financée avec les fonds d’“une dizaine d’investisseurs amis. Et nous nous connaissons depuis dix ans”.
Avoir des relations dans le secteur visé
Du coup – et c’est le deuxième point commun -, pas de tapageuse campagne publicitaire, mais du relationnel pour se faire connaître vite, et en ciblant bien. “Les premiers communiqués de presse, je les ai rédigés moi-même se souvient Anne-Sophie Pastel. Les journalistes se sont ensuite laissés séduire.” Jean-François Reveillard était déjà connu avec la banque d’imagerie médicale de Progress Image. Pour Progress TV, la chaîne consacrée à la médecine en devenait le prolongement logique. Si, de son côté, Jean-Luc Gardie avoue avoir, au début, sacrifié – parcimonieusement – aux événements et aux annonces de presse, il a vite rectifié le tir. “Après enquête chez nos clients, une moitié nous connaît par le bouche à oreille, et l’autre par la presse écrite rédactionnelle.” En fait, le coûteux recours aux agences de communication et à la publicité par affichage, à la radio ou à la télévision – celle qui “fait plaisir” – a été remplacé par l’économique carnet d’adresses personnel. Les fondateurs possédaient déjà un réseau bien ancré dans le secteur visé. Car – troisième point commun – tous ont une parfaite connaissance du marché. Anne-Sophie Pastel était responsable marketing d’une entreprise américaine de cosmétique et avait lancé un produit en Europe. Caroline Arnault, une pionnière de la vidéo médicale, qui a débuté sa carrière dans les équipes marketing de laboratoires pharmaceutiques, figure au conseil de Progress TV. Et chez Web-Profils, Jean-Luc Gardie cumule une double expérience de donneur d’ordres et de prestataire de services.
Deux “échecs” sur trois ont choisi la sous-traitance
Le quatrième point commun, quoique plus nuancé, est le choix des fournisseurs et la maîtrise de la technologie. Sur les six cas comparés, deux “réussites“ ont eu cette compétence, deux “échecs“ ont choisi la sous-traitance. “C’est la réactivité qui est en jeu. Le temps d’écrire un cahier des charges est équivalent au temps de sa réalisation, révèle Anne-Sophie Pastel. “Pour le traitement de l’image, la ma”trise de toute la cha”ne logicielle et de l’encodage IP est un atout”, confirme Jean-François Reveillard. “Nous gardons la mainmise de l’animation de la place de marché, et l’équipe conna”t aussi bien le côté acheteur que vendeur du métier. Mais nous avons préféré sous-traiter la conception du site et son hébergement”, nuance enfin Jean-Luc Gardie.Ces quatre facteurs ne sont que la partie émergée de l’iceberg de la réussite, que personne ne délimite exactement. A peine si l’on peut noter que le trait de caractère commun aux trois dirigeants interrogés est la modestie: ils n’ont pas la “grosse tête”. Dans l’entreprise, ils donnent de leur personne, ne négligent aucun internaute, à qui ils reconnaissent le droit d’avoir un navigateur exotique, un autre standard que le PC et un “vulgaire” modem RTC. En cas de difficulté, ils pressentent les risques et savent redresser la trajectoire. Jean-Luc Gardie avoue ainsi que son approche initiale du marché était imparfaite: “La facturation par société n’était pas viable, et nous l’avons remplacée par une facturation par compte.” Tous ont transformé une opportunité en réalité, en trahissant, si nécessaire, le sacro-saint business plan. Et si la chance faisait aussi partie du caractère?
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