A l’instar de l’industrie manufacturière, les grands des services informatiques ont adopté, pour la plupart, le concept de délocalisation. Pour certains pans de leur activité, ils affinent ainsi une organisation orientée autour de centres spécialisés et multiclients dans des pays où la main d’?”uvre est bon marché. Cette adoption du principe de délocalisation, dit offshore, est en partie liée à la pression actuelle des prix qui pousse les SSII à reconsidérer leur mode de fonctionnement. Pour celles-ci, un judicieux calcul du retour sur investissements des projets réalisés en offshore peut leur permettre de créer un avantage concurrentiel.
On exporte en général les activités à faible valeur ajoutée
Dans la pratique, ce sont plutôt les tâches à faible valeur ajoutée pouvant être effectuées au moindre coût qui seront délocalisées alors que la partie front office la plus proche du client sera gardée localement. Chez CSC, par exemple, le paramétrage des progiciels (SAP, Siebel …) est réalisé dans l’entreprise, seuls les développements spécifiques voire la tierce maintenance de l’application sont exportés. Si la maîtrise d’?”uvre d’un projet peut être délocalisée, la maîtrise d’ouvrage est toujours gardée au sein de l’entreprise. “Tout ce qui nécessite une forte interactivité avec le client, comme la direction de projet, se réalisera localement, et tout ce qui concerne les tests pourra être délocalisé. Mais ce n’est jamais aussi binaire”, tient à préciser François Mazon, directeur général de Cap Gemini Ernst & Young France.Selon CGE&Y, l’époque de l’artisanat de luxe dans les services est révolue. La SSII française a récemment réorganisé la structure de ses centres de développement en France et à l’étranger. Les étapes de recherche et développement, d’émergence et de déploiement d’une offre ne rentrent pas dans une logique de délocalisation. Ni d’ailleurs le conseil, les applicatifs stratégiques pour lesquels il faudra être réactif, et l’assistance technique. CGE&Y prône la stratégie de délocalisation pour la mise en production (marché de volume), là où se font les gains de productivité. Destination privilégiée : l’Inde et la région de Bengalore, la ” Silicon Valley ” locale. Ce pays attire depuis près d’une dizaine années les principaux fournisseurs de technologies, tels Microsoft, Cisco, IBM mais aussi les grandes sociétés de services. Outre CGE&Y, EDS et IBMGS, CSC y possèdent des centres de développement. Une démarche que connaît bien le monde des éditeurs de logiciels. Pour Hervé Couturier, vice-président de la recherche et du développement de Business Objects, qui sous-traite à la société indienne Apar, certaines de ses activités de R & D, “les tâches à faible valeur ajoutée et répétitives sont allouées dans des zones à plus faibles coûts. Par exemple, la maintenance de produits en fin de vie est une activité que l’on délocalisera volontiers”.Les entreprises américaines ont une longueur d’avance, l’offshore étant pour elles monnaie courante. Pour sa part, General Electric dispose aujourd’hui de trois centres dits offshore, au Mexique, en Inde mais aussi en Europe, selon ses types d’activités. Il n’est, en effet, pas toujours utile d’aller très loin pour profiter d’une main d’?”uvre bon marché : l’un des centres de développement de CGE&Y est situé en Espagne. Le Canada, où les salaires peuvent être 30 % moins élevés qu’aux Etats-Unis, est très convoité par les SSII.
EDS élargit la palette de ses services délocalisés
Chez EDS, la deuxième SSII mondiale qui dispose, entre autres, de centres en Egypte en Inde et au Brésil, la demande de délocalisation d’activités a nettement évolué depuis deux ans. “Nous choisissons le meilleur rivage, ce que nous appellons le Bestshore, partout dans le monde, en fonction du besoin des clients, de la gestion de la méthodologie et de la qualité”, explique Antoine Viale, directeur du développement Europe du Sud chez EDS France, qui précise que les centres offshore d’EDS existent depuis près de dix ans. Et d’ajouter : “Aujourd’hui nos clients cherchent de plus en plus à étendre ce type de prestations de développement délocalisées au help desk, au BPO (Business Process Outsourcing) et plus généralement aux services intégrés délivrés 24 heures sur 24. Le dernier grand contrat d’externalisation passé avec l’industriel Alstom, présent dans 14 pays du monde, montre qu’il y a vraiment des raisons d’envisager d’autres modèles économiques comme la délocalisation. Il faudra à Alstom des centres de développement et d’hébergement partout dans le monde et des solutions locales et d’offshore afin d’optimiser ses coûts.”De ce côté, justement, l’un des clients d’EDS, le Crédit suisse, a estimé les économies potentielles suite à la délocalisation de sa TMA : “Pour ses applicatifs commerciaux confiés à EDS en tierce maintenance applicative, l’établissement bancaire a estimé, en six ans, un gain d’environ quatre millions de dollars. Avec le choix du site du Caire, favorisé par le faible décalage horaire entre l’Egypte et la Suisse, et par l’absence de barrière linguistique”, précise encore Antoine Viale.En France, néanmoins, EDS en est à ses débuts en matière de stratégie offshore pour les grandes entreprises de plus en plus intéressées par ce modèle. Le distributeur Auchan en contrat d’infogérance avec EDS délègue à son centre européen de Tours, la supervision de ses 300 systèmes AS/400 dans le monde. Le Britannique Woolwich dépend du même centre pour le télémonitoring de l’ensemble de son système d’information mondial.
En France, 10 % des revenus de CSC viennent de l’offshore
Pour sa part, CSC, dans une logique de réduction des coûts, a commencé à développer des activités délocalisées au début des années quatre-vingt-dix via la gestion de centres de calcul mutualisés en Europe. C’est ensuite pour son métier d’éditeur de logiciel de l’assurance et de la banque que le numéro trois des services informatiques a poussé le concept plus loin. Depuis cinq ans, la société s’est évertuée à délocaliser la recherche et le développement, le support et, si possible, les développements spécifiques, autour de ses logiciels. Elle dispose par exemple d’un centre d’environ 150 personnes dévolu, à l’origine, à son logiciel pour l’assurance vie ” Graphtalk-AIA “, à Sofia en Bulgarie. Ce centre s’est depuis diversifié dans le développement d’applications spécifiques basées sur les technologies web (Java, C++) et SAP.Pour les projets d’intégration, CSC dispose de plusieurs centres dits ” low costs ” dans le monde ?” spécialisés par environnements technologiques?” en Australie, en Inde, au Canada, à Singapour, en Malaisie et en Afrique du Sud. En complément, la SSII s’appuie sur une stratégie de partenariats avec des sociétés locales comme Softtek au Mexique ou Infotech en Inde afin de développer son activité offshore.En France, la part du revenu global émanant de projets exportés est passée de 5 à 10 % du chiffre d’affaires en un an. Mais l’emploi de techniciens délocalisés ne signifie pas forcément pour CSC utilisation de ressources mutualisées dans des centres de développement éloignés. La société essaie dorénavant de globaliser la gestion des ressources humaines et de mélanger les profils dans ses équipes projets. “Il nous arrive fréquemment d’aller chercher tel ou tel type de consultant technique en Espagne parce qu’il est moins cher qu’en France”, précise Claude Czechowski, président de CSC Peat Marwick.Depuis quelques années, Accenture a également fait de la création de centre de services partagés un pan important de sa stratégie. Afin de s’assurer une grande flexibilité et réduire ses coûts, la société a implanté une vingtaine de centres de services dans le monde. Chacun est spécialisé par domaines technologiques. En fin d’année dernière, elle a par exemple ouvert deux nouveaux centres en Inde et en Tchéquie. Celui basé en Inde s’occupe du développement d’applications dans les environnements Unix, Microsoft et SAP. Le centre, situé à Prague, qui emploie 250 personnes s’adresse aux projets européens d’externalisation de processus administratifs et financiers. Deux projets français y sont actuellement gérés selon Accenture. Il est prévu que ce centre traite par la suite d’autres fonctions de l’entreprise telle que la logistique, la gestion de la relation client et l’infogérance.IBM Global Services n’est pas en reste. C’est notamment dans le domaine de la gestion et de la maintenance de portefeuilles d’applications que le constructeur utilise le concept d’offshore. D’après un document émanant de la société, les revenus générés par les ressources délocalisées ont atteint 30 % en 2001, au sein de cette ligne de services baptisée ” Application Management Services “. Une pratique que l’on ne semble néanmoins pas connaître chez IBM France, puisqu’on nous a certifié que la société n’avait pas de centres de ressources offshore.
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