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Spotify trompe-t-il ses abonnés en leur diffusant de faux artistes ?

Le service de streaming inclurait dans ses playlists les plus populaires des morceaux composés par de faux artistes sous pseudonyme. Commandés directement auprès de producteurs, ces oeuvres n’existent nulle par ailleurs et permettraient à Spotify d’encaisser directement les royalties.

Spotify produit-il ses propres morceaux sans jamais oser l’avouer ? Le service de streaming musical inclurait dans ses playlists les plus populaires des oeuvres commandées directement à de faux artistes. Ces derniers, exclusivement sous pseudonyme, ne sont présents que sur Spotify et nulle part ailleurs. Leurs morceaux cumulent des centaines de millions d’écoutes. 

L’argent ainsi récolté irait directement dans la poche de Spotify, qui en détiendrait les droits, et non dans celle des artistes que la société aurait commandité. Cette méthode permettrait également à l’entreprise de réduire la part des droits qu’elle reverse aux majors et aux labels. 

Une réaction tardive de Spotify met le feu aux poudres

Spotify avait été accusé de ces pratiques il y a déjà presque un an, en août 2016 par le site spécialisé Music Business Worldwide. Si elle avait provoqué de vifs débats à l’époque, l’affaire n’avait jamais été commentée par Spotify. Mais le 7 juillet dernier, la société réagit tardivement auprès de Billboard. « Nous n’avons jamais créé de faux artistes pour les mettre dans des playlists, explique ainsi un porte-parole de la société. Nous ne possédons aucun droit, nous ne sommes pas un label, toute notre musique est licenciée auprès d’ayants droit que nous payons. Nous ne nous payons pas nous même. »

Cette déclaration catégorique n’a pas manqué de faire à nouveau réagir Music Business Worldwide. Ce 9 juillet, le site a finalement décidé de publier une liste des faux artistes en question. Il s’était refusé à le faire en août 2016, pour protéger ses sources de l’époque, mais devant les déclarations de Spotify, il estime désormais que c’est le meilleur moyen de prouver ses affirmations. 

Des artistes inconnus, sans site, ni Twitter, ni Facebook

Cette liste de 50 faux artistes parait effectivement délirante quand on connaît la difficulté des vrais artistes à se faire connaître du public. Il faut généralement avoir le soutien d’une maison de disque pour mettre en place un plan de promotion et espérer qu’elle arrive à négocier auprès de Spotify la présence de l’une de ses chansons dans une playlist. Ces dernières sont en effet devenues le nerf de la guerre, elles sont le point d’entrée de la grande majorité de ses abonnés au sein du vaste catalogue de Spotify (plus de 30 millions de titres). Y figurer est généralement synonyme de succès garanti et des revenus qui vont avec. 

Dans cette liste on retrouve ainsi des noms inconnus de n’importe quel mélomane averti. Ces artistes ne sont présents que sur Spotify et aucun autre service concurrent. Ils n’ont pas de compte Twitter, Facebook, ni même de site Internet. Pourtant, si l’on prend l’exemple d’un certain Charles Bolt, ses deux uniques morceaux cumulent plus de 32 millions d’écoutes. Un ratio absolument improbable pour un artiste inconnu de tous. Au total, ces 50 artistes comptabilisent plus de 520 millions d’écoutes, soit l’équivalent de 3 millions de dollars de royalties. 

Capture d’écran

Des morceaux mis en avant dans des playlists populaires

Leur secret pour émerger aussi facilement ? Être inclus dans certaines des playlists les plus populaires de Spotify comme « ambient chill », « peaceful piano » ou encore « music for concentration ». Très appréciées, elles cumulent parfois plus de 2 millions d’abonnés qui recherchent une musique tranquille pour travailler. Certaines mauvaises langues n’hésiteront pas à les qualifier de musique d’ascenseur : le plus souvent une mélodie au piano, sans jamais de chant trop facilement reconnaissable. Ces artistes fourniraient ainsi de la musique au kilomètre pour alimenter ces playlists de Spotify. 

Capture d’écran

Un producteur européen a confirmé à Music Business Worldwide qu’il avait effectivement conclu un accord avec Spotify pour créer des morceaux sous un faux nom d’artiste. D’autres acteurs du music business ont également déclaré que la pratique était connue dans le milieu et constituait une tentative de la part du service de faire baisser ses coûts de licence. 

Une stratégie qui permettrait de reverser moins de royalties

C’est là que se trouverait la raison principale de cette initiative. Spotify ne voudrait pas se transformer en maison de disque, l’intérêt artistique de ces oeuvres est clairement limité. Mais en incluant dans ses playlists populaires des morceaux dont elle détient les droits, la société fait mécaniquement baisser le nombre d’écoutes des chansons produites par les majors et donc les royalties qu’elle doit reverser aux ayants droit. Celles-ci représentent en effet la grande majorité de ses dépenses et lui coûtent beaucoup d’argent. 

Au point qu’après plus de dix ans d’existence, la société n’est toujours pas rentable. En 2016, Spotify a généré plus de 3 milliards de dollars de chiffre d’affaires, mais a perdu dans le même temps 581 millions de dollars. A l’heure où l’entreprise est en pleine renégociation de ses licences avec Warner et Sony, cette polémique sur ces faux artistes risque fort bien de ne pas plaire à ces deux importantes majors.

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Jean-Sébastien Zanchi