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“Sous-traiter ne doit pas se faire à coup de serpe”

Selon Bertrand Kleinmann, vice-président du cabinet de consultants AT Kearney, le recentrage des grands équipementiers sur leur c?”ur de métier était inévitable. Mais en cédant plusieurs…

Selon Bertrand Kleinmann, vice-président du cabinet de consultants AT Kearney, le recentrage des grands équipementiers sur leur c?”ur de métier était inévitable. Mais en cédant plusieurs activités à des sous-traitants, ils risquent de perdre des compétences critiques.Comment expliquez-vous le recours accru à la sous-traitance des équipementiers télécoms ? Ce qui se passe pour cette industrie a déjà eu lieu dans beaucoup d’autres secteurs, comme l’automobile ou le textile. À moyen terme, les équipementiers de télécommunications n’auraient pas échappé à ce mouvement. Ce qui est plus spectaculaire c’est la vitesse à laquelle il s’opère. Je vois plusieurs raisons à cette accélération. Tout d’abord le secteur traverse une crise d’adolescence avec des entreprises qui ont voulu aller trop vite. Ensuite, il y a eu un rythme technologique extrêmement rapide notamment dans la téléphonie mobile autour de la norme GSM. Pressés par les marchés financiers, les équipementiers sont maintenant obligés de se demander où sont leurs c?”urs de métier et où sont les ressources rares. C’est la chaîne de valeur qui est en train de se reconstruire.Quelles sont les limites du processus qui conduit des entreprises à se séparer d’une partie de leur activité manufacturière, comme l’assemblage ? n fine, une entreprise se limite toujours à ce qu’elle peut faire. Elle doit se demander quelles sont ses compétences critiques. Nous avons mené une étude pour la SEP [Snecma Moteurs, ndlr] qui fabrique les moteurs d’Ariane et nous nous sommes rendus compte que cet exercice pouvait se montrer difficile dans son exécution. En ayant recours trop largement à la sous-traitance, une entreprise peut perdre au passage des compétences très importantes liées au design ou à la fabrication d’un produit. C’est un mouvement qu’il ne faut pas réaliser à la serpe.Les équipementiers sont en train de donner naissance à de grands fournisseurs. Cela peut-il changer quelque chose dans leurs relations ? e rapport de force en sera modifié. De grands acteurs sont en train de naître. Mais, au-delà de cette évolution, l’essentiel réside dans le fait que l’ensemble de la chaîne va être bien plus efficace, sur le plan économique et financier. Le corollaire de cette plus grande performance, c’est une réduction du nombre d’emplois.Comment expliquez-vous alors la timidité des marchés face à ces annonces ? Ces opérations sont souvent perçues comme des aveux de faiblesse. Elles manifestent, de la part de certaines entreprises, un besoin de se repositionner. Par ailleurs, les marchés perçoivent également les risques inhérents à l’exécution de ces mouvements. Ceci étant, il n’y a pas péril en la demeure. Beaucoup d’entreprises d’autres secteurs qui se sont déjà restructurés, comme la métallurgie, voudraient avoir un PER [ratio entre le niveau du cours de bourse et le bénéfice] de 20, comme Alcatel, ou de 30 comme Nokia. En amont, les opérateurs de télécommunications seront-ils contraints à leur tour de se décharger de certaines opérations ? es grands opérateurs maîtrisaient jusque-là l’ensemble de la chaîne. Ils commencent maintenant à s’émanciper de l’activité de diffusion, en cédant les towercast [les sociétés de diffusion, comme TDF]. Le partage des infrastructures dans le mobile est déjà une forme de reconstruction de la chaîne de valeur qui favorise l’apparition de nouveaux acteurs. Dans les services, si les opérateurs virtuels parviennent à se développer, ce sera une forme supplémentaire de déconstruction du marché.

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Thierry Del Jésus