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Sortez vos cahiers de Web

Les élèves ont rapidement compris qu’ils pouvaient largement piocher dans le Réseau pour faire leurs devoirs. Plus vite que leurs enseignants ?

Jusqu’où ira le malaise des enseignants ? Un prof de lettres me racontait que des petits malins parmi ses élèves avaient appris à tirer parti des richesses du Réseau.Plutôt que de sécher sur leur explication de texte, ils allaient sur les sites spécialisés, et pratiquaient un copier-coller vaguement synthétique.
Du coup, il avait été lui-même obligé de se mettre à Internet pour repérer, et châtier en conséquence, les fraudeurs. Mais fraudeurs, dans quelle mesure ?Ça me rappelait les débats avec mes parents à l’âge d’apprendre les tables de multiplication. “Il y a des calculatrices, pourquoi apprendre par c?”ur ?” (mon père était vers 1976 possesseur d’une de ces petites merveilles qui coûtaient une fortune, mais savaient faire les quatre opérations et quelques autres. Elle lui avait permis d’abandonner sa table de logarithmes Bouvard et Ratinet, institution à couverture jaune, et sa règle à calcul, accessoire qui permet de reconnaître les savants dans les films des années cinquante).Réponse standard : “Et si tu n’as pas de machine, tu feras comment ?”. J’appris donc mes tables, et ne trouvais la réponse que quelques années plus tard, ou plutôt un élément de réponse.Dans l’hypothèse de la disparition de la voiture, ne devrait-on pas forcer tout aspirant au permis de conduire à apprendre à monter à cheval ?
Dans l’hypothèse de la disparition du livre, ne faudrait-il pas apprendre tous les textes par c?”ur ?
Dans l’hypothèse de la disparition de la roue… on fait quoi ? (Rassurez vous, la roue a été brevetée, on peut souffler)Croyez-vous que la majorité des enseignants au Collège de France soient capables de vous réciter correctement une table de multiplication par sept ?Bien entendu absurde. On ne se comporte pas au quotidien comme si ces choses allaient disparaître du jour au lendemain. Ou si on le fait, c’est avec de forts risques de finir sa journée aux urgences psychiatriques.Lorsqu’il fonda les prémices de ce qui allait devenir l’informatique, Alan Turing décrivit une drôle de machine. Elle possédait deux bras et baignait dans une sorte de soupe de matière où se trouvaient des briques de base. On lui transmettait des instructions, et à partir de celles-ci, elle piochait des éléments autour d’elles, et construisait d’autres machines.Ce drôle de mécanisme est un des éléments constitutifs d’un ordinateur, il est aussi représentatif d’un de nos modes de fonctionnement intellectuel.On n’apprend pas toutes les réponses à tous les problèmes. On apprend un certain nombre de méthodes et de connaissances de base qui doivent nous permettre de trouver l’information nécessaire pour résoudre les problèmes. Ces connaissances de base et ces méthodes sont en perpétuelle évolution.La manipulation des outils de recherche afin d’exploiter le réservoir de données que constitue Internet est en train de devenir, du moins en Occident, une de ces méthodes de base. Parce qu’on peut supposer que ce fameux réservoir est là pour rester sous une forme ou sous une autre.Attention, je ne dis pas que recopier des phrases trouvées sur des sites sans les comprendre soit une bonne façon de faire un devoir de français. Je dis que la forme du devoir de français ne peut plus être la même si, justement, une des façons de le résoudre est de recopier des phrases sans les comprendre. Idem pour les mathématiques ou le reste.La fracture numérique tant rebattue, elle n’est pas seulement entre ceux qui ont accès ou pas à l’informatique. Elle séparera aussi ceux qui savent exploiter linformation en réseau et ceux qui ne savent pas. Une fracture numérique entre profs et élèves par exemple ?Le premier qui me trouve la table de multiplication par sept en ligne a gagné un abonnement gratuit à 01 net.

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Renaud Bonnet