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Sophie Cluet (Inria) : ” Tous les chercheurs ont un pied dans l’industrie “

Récemment nommée à la tête de l’unité de recherche de Rocquencourt, Sophie Cluet est l’un des cinq directeurs généraux de l’Inria en charge d’une unité régionale.

Fraîchement nommée à la tête de l’unité de recherche de Rocquencourt, Sophie Cluet connaît bien l’Institut national de recherche en informatique et automatisme (Inria) où elle a effectué la majeure partie de son cursus informatique. Anciennement en charge de la R&D chez Xylème, éditeur de solutions de recherche et d’intégration de contenus multisources, elle revient désormais à la recherche publique, enrichie par son expérience du privé. Celle-ci l’incite à développer plus encore les échanges entre le laboratoire de recherche et les industriels.Comment avez-vous intégré l’Inria ?J’ai un parcours atypique, puisque après le bac j’ai arrêté mes études. En fait les trois années qui ont suivi mon diplôme, j’ai visité l’Irlande, le Japon et l’Asie du Sud-Est. Lorsque je suis revenue en France, j’ai travaillé comme secrétaire, charcutière, vendeuse en parfumerie, etc. Bref, j’ai exercé un peu tous les métiers. Puis j’ai repris mes études, à vingt-sept ans, en formation continue.Pourquoi avoir quitté cette société ?D’abord parce que j’ai rencontré Bernard Larrouturou, le président de l’Inria. Il m’a proposé le poste que j’occupe aujourd’hui. Ensuite, parce que j’aime bien apprendre. Au bout de dix ans, je commençais à me poser des questions sur la façon dont je pouvais évoluer. J’avais vraiment envie de changer de domaine. J’envisageais de faire un MBA ou quelque chose d’équivalent. La proposition de Bernard Larrouturou est donc arrivée à point nommé en me permettant, en quelque sorte, de me former sur le tas. Je pense que changer de métier, c’est toujours amusant, même si cela ne se fait pas sans inquiétude. Désirant, en outre, conserver un pied dans la recherche, je vais continuer à travailler pour Xylème à temps partiel, puisque je reste conseillère scientifique de la société.Comment voyez-vous votre poste au sein de l’unité de recherche de Rocquencourt ?C’est ce que j’essaie de définir pour l’instant. La fonction se divise a priori en trois points. D’abord, le directeur doit être un animateur scientifique. C’est pour cela que nous ne recrutons pas une personne sortant d’une école de commerce, mais un scientifique. Celui-ci doit être en mesure de coordonner les projets lancés au sein de l’unité. Mon deuxième rôle consiste à administrer le site ?” des ressources humaines à l’administration, en passant par les services généraux, la gestion financière, les moyens informatiques, les relations industrielles et la communication.Quel type de collaboration entre l’Inria et l’industrie pensez-vous préconiser ?Ce qui m’a toujours fascinée ?” et ce qui d’ailleurs fait de l’Inria une institution attrayante pour les chercheurs ?” est son implication dans l’industrie. Chaque unité de recherche dispose de son responsable des relations industrielles. Son rôle est d’organiser celles-ci avec les partenaires industriels, sachant qu’un grand nombre d’entre eux viennent spontanément chez nous pour trouver des idées. Nous travaillons depuis longtemps, en effet, avec de grands groupes industriels ?” comme PSA, Renault ou Dassault ?”, mais aussi avec des sociétés beaucoup plus jeunes.Quelles formes ces collaborations avec les industriels prennent-elles généralement ?L’une de nos vocations est, bien évidemment, de travailler avec eux. Mais il faut aussi que la problématique de l’industriel intéresse les chercheurs. Le type de problème posé doit relevé de la recherche. Il ne doit pas être restreint uniquement au domaine de l’application. Il doit soulever des questions prospectives et faire appel à des solutions innovantes qui n’existent pas sur le marché. Les chercheurs doivent trouver un intérêt scientifique aux interrogations des industriels. Cela dit, n’importe qu’elle entreprise ayant une problématique intéressante peut contacter une équipe de recherche. Tous nos thèmes sont inscrits sur notre site web.Qui finance cette collaboration ?L’Inria peut établir des contrats-cadres avec des industriels, définissant un périmètre de collaboration. Mais il ne fait pas tellement de développement de logiciels ou, s’il le fait, c’est très en amont et plutôt sur les outils utilisés par les industriels pour développer leurs applications. Ce travail là leur sera facturé. Il existe aussi des contrats tripartites qui engagent également l’Etat. Ces derniers entrent dans le cadre d’appels d’offres proposés par différents ministères et auxquels un ou plusieurs industriels peuvent répondre, en association avec des laboratoires de recherche publics. Certains d’entre eux bénéficient également d’un financement européen. Le programme cadre européen, par exemple, a pour ambition de regrouper plusieurs centres de recherche, des sociétés technologiques et des entreprises utilisatrices.A qui appartient la propriété intellectuelle des développements réalisés dans le cadre d’un contrat avec un industriel ?L’Inria est propriétaire de tout ce que réalisent ses chercheurs. Et la façon dont l’industriel exploitera les résultats de leurs travaux est préalablement définie dans le contrat. Xylème, par exemple, qui est une start up issue de l’Inria, a racheté la propriété de ses logiciels. La finalité d’un chercheur étant de publier, une fois que ses travaux sont publics, ils sont par définition accessibles à tous. Aujourd’hui, l’Inria dépose des brevets, mais ce n’est pas un objectif en soi. L’échange scientifique demeure un élément important de la politique de l’Institut.Quelles relations l’Inria entretient-il avec ses homologues étrangers ?Nous collaborons beaucoup. Mais je ne suis pas certaine que les structures mises en place au niveau européen en sont un moteur puissant. Cela nous aide bien sûr, mais je pense que l’envie des chercheurs pour publier, assister à des conférences et participer aux colloques est plus importante. Les structures européennes sont utiles surtout lorsqu’elles permettent ce type d’échange.Les échanges avec l’industrie vous apportent-ils le même enrichissement ?Je suis partie deux ans dans l’industrie et je reviens riche d’expérience. D’une part, j’ai appris à être modeste. D’autre part, je me suis rendue compte que ces échanges ne sont pas à sens unique. Lorsque des ingénieurs d’entreprises privées viennent travailler dans nos locaux pendant un ou deux ans ?” une année renouvelable ?”, l’intérêt est réciproque.

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Stéphanie Chaptal