L’irruption du canal Web dans le dialogue entre l’entreprise et ses clients est la meilleure et la pire des choses. Si, d’un côté, le Web fait gagner en flexibilité, de l’autre, il complique fortement l’unification des contacts avec les clients. Initialement habituées au face-à-face, au courrier, au téléphone et au fax, les entreprises doivent désormais absorber le canal Internet. Et, celui-ci couvre un vaste champ d’application, qui comprend la consultation, la commande et le support via un site Web, ainsi que le chat, l’e-mail, la conavigation ou le callback. Il faut alors orienter chaque demande vers l’opérateur ad hoc, et, le cas échéant, déclencher un workflow qui commandera une suite d’actions menées par plusieurs intervenants.En pratique, chaque entreprise cherche, d’une part, à centraliser les demandes de contacts, quelle que soit leur origine, et d’autre part, à enrichir sa base de clients. Les deux démarches sont liées, puisque le traitement réservé à une demande de contact dépend des échanges précédents, et que, à chaque contact, on doit présenter l’historique d’un client. Sur cela viennent se greffer des demandes complémentaires telles que la personnalisation du site de vente en ligne, l’élaboration de campagnes marketing, la supervision du centre de contacts ou l’exploitation d’un datawarehouse.
Unifier des contacts disparates
C’est l’origine hétérogène des contacts qui entrave l’émergence de logiciels prenant en charge tout type d’interaction. Dans l’idéal, l’infrastructure technique devrait orienter chaque demande indépendamment du média employé (téléphone, e-mail, fax, rencontre, courrier, etc.). Un tel “moteur universel” est d’autant plus nécessaire lorsqu’il s’agit de synchroniser deux médias entre eux : le téléphone et un bouton de rappel d’une page Web, ou le téléphone et la conavigation.Historiquement, il existe déjà plusieurs moteurs de routage des contacts dans l’entreprise, chacun étant dévolu à une tâche spécifique. Le PABX en possède un, grâce à son module ACD, tout comme la plate-forme chargée des e-mails, ou l’outil de chat. On en trouve aussi dans les logiciels de CTI pour le couplage du téléphone et de l’informatique, ainsi que dans certains outils de CRM. Or, la collaboration entre ces moteurs est complexe, car il s’agit de jongler entre plusieurs files d’attente : appels téléphoniques, e-mails, courriers, fax, etc.Certains éditeurs renoncent à l’automatisation : “Le téléacteur se déclare indisponible sur chaque file d’attente pour répondre aux demandes de contacts”, préconise Fabrice Jacquinet, responsable avant-vente chez PeopleSoft. Mais des solutions assurent déjà une intégration plus poussée. C’est le cas chez Com6, Easyphone ou VocalCom. Leurs solutions associent CTI, gestion des canaux Internet et CRM. Ce dernier reste cependant souvent rudimentaire et dédié au centre de contacts, sous la forme d’une boîte à outils.Une telle offre cible, d’ailleurs, plutôt les petites structures. Si elle est employée par des entreprises plus importantes, son rôle se réduit à la gestion technique des contacts, tandis que la couche métiers est prise en charge par des logiciels de CRM plus sophistiqués. Or, dans le même temps, ces derniers intègrent une part croissante des couches techniques. Pivotal propose ainsi le module Interaction Engine, qui gère seul tous les types de contacts, y compris téléphoniques. Quant aux Oracle, PeopleSoft ou Siebel, ils progressent vers cette polyvalence. Siebel inclut des modules de chat, de gestion des e-mails et de conavigation. Son moteur de routage gère tous les contacts, mêmes téléphoniques, mais ne s’interface pas directement avec le PABX, savoir-faire qu’il emprunte à Genesys ou à Aspect. Ces derniers apportent aussi le support des canaux Web. Dès lors se pose la question du choix du moteur de routage maître qui devra s’interfacer avec tous les autres. Moins avancé, PeopleSoft 8 CRM n’intègre ni chat, ni conavigation, ni CTI. On s’appuiera donc sur l’offre de Cisco ou de Genesys (avec lesquels l’éditeur a passé des accords) ou sur des produits spécialisés ?” par exemple, dans les e-mails, une fonction qui n’arrivera chez l’éditeur qu’en fin d’année. Quant au français Coheris, il cumule CRM, CTI et e-mails. Mais le canal écrit et le canal vocal conservent leurs propres moteurs de routage, qui s’ignorent, tandis que le chat, la conavigation ou le callback sont fournis par Cisco ou Genesys.
De jeunes éditeurs qui ont étendu leurs offres
Dans cette course à l’offre globale, on trouve aussi des éditeurs plus jeunes, qui ont démarré en se spécialisant, avant d’étendre leurs offres. D’abord positionné sur le CRM analytique, E.piphany concurrence aujourd’hui les ténors avec une offre qui, comme celle de Pivotal, couvre, sans middleware tiers, la gestion de tout type de contact. Quant à Kana, il gère le CRM et tous les canaux, excepté la téléphonie. Il reste toutefois plus connu pour son produit dédié aux e-mails.Il reste néanmoins une place pour des outils spécialisés. “Les middlewares basés sur XML et sur les services Web devraient faciliter l’intégration de ces modules pointus”, souligne Marc Bada, directeur avant-vente de Pivotal. Une intégration qui n’est pas sans conséquence.Côté e-mails, le moteur de routage de Firepond ou celui de Kana pourraient très bien disparaître. Leurs éditeurs n’ont d’ailleurs guère d’états d’âme. “Il n’est pas rare que l’entreprise ait déjà choisi un moteur, devant lequel le nôtre s’efface”, explique Paul Simon-Thomas, directeur de Firepond. Il est vrai que la valeur ajoutée de ces produits réside dans leur capacité d’analyse du contenu des messages et dans la génération ou la suggestion de réponses pertinentes.Les plates-formes de vente en ligne ou de gestion de contenu constituent également un canal justifiant une offre spécifique. Quand un internaute consulte le site si l’information est transmise à un moteur de routage universel, un opérateur pourra le contacter via le chat pour lui proposer de l’aide. De même, s’il appuie sur un bouton callback ou envoie un e-mail, voire s’il remplit un formulaire, il faut l’identifier et connaître son parcours du site. Il peut aussi être intéressant de personnaliser les pages Web ou de donner la priorité à certains internautes, selon les informations remontées de l’outil de CRM. Ce transfert d’information requiert alors un effort d’intégration. BroadVision vient ainsi d’étendre sa plate-forme avec G-Plus Adapter, un connecteur vers Genesys, et avec les Integration services, pour raccorder des outils de CRM, via l’EAI de webMethods. Mais, là encore, les solutions globales se positionnent.Coheris, PeopleSoft ou Siebel embarquent ainsi l’équivalent d’une plate-forme e-business. Elle autorise, au minimum, un accès au logiciel via un navigateur Web.
Une démarche, dite de customer self-care
Un client accédera donc, dans le cadre d’une démarche, dite de customer self-care, aux données qui le concernent ?” l’historique de ses contacts, par exemple ?” et modifiera lui-même certains des services auxquels il est abonné (tels que la recharge d’une carte téléphonique prépayée).Parallèlement à la gestion unifiée des canaux entrants, il s’agit, si possible, de constituer un référentiel unique, en principe au sein de l’outil de CRM. Mais un tel projet est souvent contrarié par la dispersion des informations entre les outils gérant tel ou tel canal. Les sites marchands ou les outils de campagnes marketing intègrent ainsi leur propre base de clients. Il faut alors effectuer des synchronisations ou des réplications entre ces bases, via des outils d’EAI ou d’ETL. En parallèle, on constitue des bases décisionnelles, en filtrant les données de production. Ces datawarehouses stockent parfois tout l’historique de la relation avec le client, alors que le référentiel du CRM opérationnel contient les seules transactions en cours. De même, les profils des téléopérateurs, hébergés par les ACD des PABX ou par les middlewares plurimédias, peuvent être présents dans les bases CRM. Là encore, on devra gérer les redondances. D’autres données, liées à la supervision du centre de contacts, récapitulent la répartition des interactions avec les clients par type de média ou selon le temps moyen consacré à un contact.
Une répartition subtile des rôles des divers logiciels
La répartition des rôles entre les divers logiciels est parfois subtile : “Siebel voit la durée des appels, mais seul le middleware plurimédia connaît les temps d’attente”, note Philippe Mouret, responsable avant-vente chez Genesys.L’intégration des canaux ainsi que celle du CRM avec le back-office peuvent aussi être facilitées par l’adoption d’une infrastructure à base de serveurs d’applications standards. Les leaders historiques du CRM ne se lancent pas, pour leur part, dans de gigantesques travaux de réécriture de codes. Siebel conserve ainsi un serveur monolithique exécutant un code C++ compilé, mais accepte les clients Web et, bientôt, un connecteur JCA et les services Web.L’offre CRM de SAP est en cours de portage sur J2EE mais sur un serveur spécifique à l’éditeur. PeopleSoft couple, pour sa part, un moniteur transactionnel à un serveur J2EE chargé des accès Web. Cependant, d’autres (BlueMartini, Chordiant ou Coheris) adoptent J2EE pour leurs offres. Cela permet à Kana, entre autres, d’homogénéiser sa gamme bâtie à coups de rachats. L’architecture.NET, a, quant à elle, des adeptes (Epicor, Onyx ou Pivotal) parmi les spécialistes du CRM. Étant donné la maturité de.NET, la migration devrait se concrétiser à plus long terme.
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