La troisième itération sera-t-elle la bonne ? Annoncé en décembre 2018 dernier au Snapdragon Summit, le Snapdragon 8cx se dévoile un peu plus lors de ce Computex de Taipei. C’est dans une suite d’un grand hôtel que Qualcomm nous a invités à découvrir sa troisième puce dédiée aux ordinateurs portables sous Windows 10 ARM. Troisième puce certes, mais « la première à avoir été développée de A à Z pour le PC », nous indique Miguel Nunes, directeur produit chez Qualcomm en charge de la « bête ». Car il ne s’agit pas d’un simple overclock de puce de téléphone : le 8cx intègre 4 « gros » cœurs Prime Core et 4 « petits » cœurs à basse consommation énergétique. Deux fois plus gros qu’une puce Snapdragon traditionnelle, le bébé dissipe 7W. « C’est beaucoup pour un téléphone, mais c’est deux fois moins que notre puce concurrence cible ».
Contrairement à ce qui a été dit lors du Snapdragon Summit ou du CES, cette fois « l’ennemi » est nommé : toutes les mesures de performances auxquelles nous avons assistées étaient faites face à l’Intel Core i5 8250U (génération Kaby Lake-R), une puce livrée de base pour fonctionner à 15 W (selon sa fiche technique, elle peut être configurée entre 10W et 25W selon les besoins des fabricants, mais elle est souvent laissée telle quelle). Loin d’être dépassée, il s’agit d’une puce gravée en 14 nm à 4 cœurs physiques (8 cœurs logiques) fonctionnant de 1,6 GHz à 3,4 GHz (turbo simple cœur) embarquant 6 Mo de cache unifiée. Impossible cependant de comparer les deux puces sur la base de leurs fréquences ou des cœurs : l’Intel est un x86 classique et le Snapdragon cx est une puce ARM. Et surtout, Qualcomm n’a communiqué aucune fréquence officielle.
Mais on sait cependant comment ce nouveau Snapdragon se situe par rapport à ses prédécesseurs : « C’est le Snapdragon le plus puissant jamais conçu », détaille Mr. Nunes. « Son Adreno 680 (sa puce graphique, ndr) est 3,5 fois plus performant que celui embarqué dans le Snapdragon 835 (première génération, Adreno 540) et 2 fois plus performant que celui du Snapdragon 850 (seconde génération, Adreno 630) ». Un gain de performance qui n’aurait pas d’impact négatif sur la consommation énergétique : « Grâce aux optimisations et au process de fabrication en 7 nm, le Snapdragon 8cx est jusqu’à 60% plus économe que le SD 850 (gravé en 10 nm, ndr) », se félicite Mr. Nunes. Côté processeur central (CPU), Miguel Nunes affirme que le « Kryo 495 est deux fois plus performant que le Kryo 385 » du Snapdragon 850.
Deux fois plus performant qu’un Snapdragon 850
La puce 8cx serait donc, selon Qualcomm, deux fois plus performante que la mouture précédente… et on veut bien le croire. Car si nous n’avons pas pu récupérer une des machines de présentation – étroitement surveillées, mais quand même manipulables par nos soins – la réactivité n’avait strictement rien à voir avec la « mollesse » que nous avons dénoncé lors de notre test du Lenovo C630. Le Snapdragon 850 qui le propulsait s’était avéré un peu plus pêchu que le SD 835, mais tout de même trop mou pour être agréable sur le long terme.
Par contraste, non seulement le Snapdragon 8cx est rapide dans une seule application (lancement, utilisation), mais il gère de plus très bien le multitâche. Relié à deux écrans 4K UHD rafraîchis à 60Hz et pilotant en sus l’écran Full HD du PC portable hôte lui aussi à 60 Hz, le Snapdragon 8cx a parfaitement jonglé avec plusieurs programmes en simultané – Excel avec un gros tableau, une vidéo Full HD en boucle, un gros Powerpoint en édition et un navigateur avec plusieurs onglets. Si la démo était bien sûr sous le contrôle de Qualcomm donc à prendre avec des pincettes, elle restait impressionnante, car équivalente voire supérieur à ce que l’on connaît, à l’usage, d’un PC sous le Core i5 cible. Le PC portable de votre serviteur motorisé par un Core i5 8550U lui a paru moins vif que le processeur de Qualcomm, qui semblait mieux gérer la bascule entre les applications !
Interrogé à ce sujet, des responsables de Qualcomm ont expliqué que « c’est la puissance de l’Adreno 680 qui fait la différence par rapport aux solutions graphiques embarquées par les Core. Ainsi que notre savoir-faire dans la gestion des tâches de fond »,un savoir-faire acquis dans le domaine du smartphone où la plupart des apps restent en mémoire tout le temps ou presque.
Support d’Unity et des benchmarks
Si ce Snapdragon ne cible pas les joueurs, il n’empêche que tout le monde peut avoir envie de temps en temps de lancer un jeu pour se divertir et que la partie graphique a son importance. « L’Adreno 680 est très puissant et nous allons vraiment pouvoir en tirer parti puisque nous supportons désormais le moteur de jeu Unity utilisé dans un grand nombre de titres », promet Miguel Nunes. Une démo de jeu 3D de Jet-Ski au rendu très flatteur tournait sans accrocs sur une des machines de test. « Avec le support complet de Direct X 12, tous les jeux modernes sont à sa portée ». Tous les jeux récents – dans des niveaux de détails modestes pour les « gros » jeux – mais pour les anciens jeux « qui s’appuient sur Open GL, il y a toujours des soucis de compatibilité ». C’est logique pour une plate-forme tournée vers l’avenir, mais si vous êtes un fan de Baldur’s Gate, attention : la compatibilité de votre vieux jeu n’est pas garantie.
Outre les jeux fonctionnant sous Unity, Qualcomm a annoncé – et démontré – la compatibilité de son Snapdragon 8cx avec le logiciel de mesure de performances 3D Mark et PC Mark. Des tests qui tournent, dans tous les cas ou presque, à l’avantage du nouveau fleuron de Qualcomm.
Un champion absolu de l’autonomie ?
Nous réaliserons nos propres tests – benchmarks et test d’usage – pour vérifier les prétentions de Qualcomm. Les performances sont tellement impressionnantes que nous préférons douter et attendre de tester nous même. Mais là où nous sommes presque sûrs que Qualcomm ne fanfaronne pas, c’est du côté des tests d’autonomie. En test « d’usage » puisque les benchmarks génériques ne fonctionnaient pas ou mal, le Lenovo C630 que nous avons testé s’avérait déjà difficile à épuiser – il n’était pas rare qu’il ne rende les armes qu’après 12 h d’utilisation.
Avec le Snapdragon 8cx, les chiffres sont simplement ahurissants : il tiendrait entre 17h30 et 20h00 (19h55 exactement) en lecture vidéo quand le Core i5 8250U rend les armes après 10h20-12h20 (Qualcomm a réalisé de nombreuses mesures et livrait les valeurs hautes et basses récoltées). En utilisation « applicative », la tranche haute est de 10h21 pour le Core i5 et 17h01 pour le Snapdragon 8cx, soit 70% d’endurance en plus. « La gravure en 7nm aide, c’est vrai », détaille un responsable des démonstrations « mais il faut aussi comprendre que notre processeur est vraiment très bon dans la gestion de la batterie grâce à notre savoir-faire dans les smartphones ».
Lenovo premier sur le coup, la 5G en bonus
Outre les plates-formes de test – des châssis de référence assemblés en interne – Qualcomm nous a permis de jeter un œil sur la première machine officiellement annoncée à la commercialisation : un Lenovo qui porte le nom de « Limitless », « Sans limites » dans la langue de Neil Armstrong. Un ordinateur dont le châssis rappelle beaucoup le Yoga C630 que nous avons testé – ce qui était un peu décevant au regard de la puce de compétition qu’il intègre. Mais sans doute Lenovo a-t-il joué la prudence pour un produit qui restera de niche tant que les puces Snapdragon ne feront pas leurs preuves.
Outre la possibilité de voir à combien était cadencé le processeur dans le prototype – le panneau « Système » affichait 2,8 GHz, mais il est impossible d’affirmer que cette valeur est juste et/ou qu’elle sera retenue dans le futur –, nous avons pu avoir un rappel quant à la partie modem. Car Qualcomm oblige, un modem est de la partie. Et pas n’importe lequel puisqu’il s’agit non pas du X50 de la première génération de smartphones 5G récemment annoncés, mais du X55 qui est la seconde génération de modem 5G chez Qualcomm. Une puce externe donc (le X24 pour la 4G est toujours intégré), mais qui a comme avantage, outre des performances améliorées notamment dans le domaine des ondes millimétriques, d’être active sur toutes les bandes, de la 2G à la 5G.
Si la 5G offre des débits et des latences jamais encore vus, il faut soit vivre en Corée du Sud, soit attendre qu’elle soit réellement déployée pour en profiter. Dans un premier temps, la présence d’un modem est selon nous un « bonus », qui se bonifiera encore avec le temps… si les réseaux se déploient suffisamment vite.
Dans ces premiers tests sous contrôle de l’entreprise et dans les quelques manipulations que nous avons pu faire, le Snapdragon 8cx s’est non seulement bien comporté, mais en plus il se paye le luxe de dépasser – théoriquement – un bon Core i5 de chez Intel, ce qui est un argument psychologique important. L’architecture semble cette fois mature et adaptée au monde du PC. Si la solution technique est bonne, alors Qualcomm aura réussi la première étape.
Mais la suivante semble encore plus dure : dans un marché du PC portable où Intel est incroyablement dominant et installé depuis 40 ans, il va falloir convaincre les fabricants de machines d’intégrer une puce que personne ne connaît. Sans aucun doute le plus gros défi pour Qualcomm.
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