Elle a réjoui, interrogé, puis inquiété. Baptisée Snap Map, une nouvelle fonctionnalité de Snapchat permet de localiser ses amis, sans interruption. Le partage de sa position n’est pas nouveau. Il est intégré à de nombreux réseaux sociaux, dont Facebook, depuis plusieurs années. Cependant, c’est la première fois qu’une application aussi populaire – elle compte plus de 300 millions d’utilisateurs dans le monde – permet de suivre quelqu’un en continu.
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La fin de la vie privée en emojis
Parmi eux, les deux tiers ont moins de 25 ans. Près d’un quart ont moins de 17 ans. Sur Snapchat, on peut donc potentiellement suivre les trajets de millions de mineurs, partout dans le monde. Une situation qui a conduit des polices locales à publier des avertissements pour alerter les parents. Ironie de l’histoire, la fonction Snap Map découle du rachat de Zenly, une entreprise française qui avait mis au point un outil permettant aux parents de protéger leurs adolescents en suivant leurs déplacements.
Dans un premier temps, le succès n’a pas été pas au rendez-vous. Les fondateurs de Zenly expliquent à Numerama qu’ils ont ensuite misé sur une autre stratégie, pour « rendre cool la géolocalisation » et lever plusieurs millions d’euros. Exit la protection des adolescents, place à un monde coloré, plein d’emojis et plus rentable. En mai dernier, Snapchat finit par racheter Zenly pour 250 à 350 millions de dollars (220 à 310 millions d’euros), répliquant l’option de localisation en temps réel et l’univers enfantin dans son appli.
Désactiver, c’est tromper ?
En introduisant Snap Map, les équipes de Snapchat ne pouvaient pas ignorer le risque d’une levée de boucliers de la part des défenseurs de la vie privée. L’entreprise américaine a donc assuré ses arrières. Lors du premier lancement, l’utilisateur peut refuser la géolocalisation en activant un « Mode Fantôme ». Une posture parfaitement hypocrite. D’abord parce que malgré ce refus, il est impossible d’utiliser le service sans accorder à Snapchat l’autorisation de nous suivre en permanence. Cela aurait pourtant du sens dans la mesure où le but du « Mode Fantôme » est de profiter de la carte interactive sans dévoiler son emplacement. Il suffirait d’ajouter une ville manuellement, comme sur de nombreuses applis météo.
Ce « Mode Fantôme » est lui même problématique. En toute logique, son nom n’est pas étranger au logo historique de Snapchat. Sauf qu’associer ce terme à l’absence de géolocalisation implique qu’il s’agit d’une situation exceptionnelle, qui ne correspond pas à la norme – à l’image d’un mode « Turbo » dans un jeu de course. Autrement dit, Snapchat explique à des millions d’adolescents qu’être suivi à la trace est parfaitement normal.
https://twitter.com/jeremycoze/status/877997507518902272
Cela ne signifie pas que tous les moins de 18 ans – qui sont pour beaucoup sensibilisés aux problématiques de protection de la vie privée – accepteront la situation sans réfléchir. Ils sont toutefois nombreux à considérer qu’activer le « Mode Fantôme » revient à avoir quelque chose à cacher, allant jusqu’à se demander – avec plus ou moins d’ironie – si « désactiver, c’est tromper ? ».
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Etre un fantôme n’est pas un crime
Pour le moment, Snapchat propose d’activer le « Mode Fantôme » par défaut. Mais par essence, un mode n’est-il pas voué à devenir optionnel ? Snapchat aurait tout intérêt à renverser la situation, pour contraindre ses utilisateurs à l’activer manuellement. A la peine sur ses stories, où elle est dépassée par Instagram, l’entreprise mise probablement sur sa nouvelle carte pour solliciter de nouveaux annonceurs et maintenir la confiance de ses actionnaires. Comme c’est le cas sur Waze, on peut s’attendre à voir arriver des offres pour des boutiques ou restaurants se situant dans notre périmètre géographique. Une stratégie qui nécessite évidemment de connaître notre position.
https://twitter.com/ArgtSolene/status/878216176958144512
Peut-on être plus optimiste et croire en la volonté de Snapchat de protéger notre vie privée ? Tant que l’application interdira à ses utilisateurs de profiter de toutes ses fonctions si ces derniers n’offrent pas leurs données de géolocalisation, cela relèvera de l’utopie. En attendant, on ne peut que répéter aux 70 millions d’utilisateurs mineurs de Snapchat qu’être un fantôme n’est pas un crime.
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