La smart city est une nouvelle forme d’utopie qui a émergé dans les années 1990 mais dont il n’existe pas de définition faisant consensus. Globalement, l’idée s’est imposée que la ville du futur deviendrait intelligente en étant pilotée par les données. Grâce aux nouvelles technologies, les services et les infrastructures publiques seront plus efficaces, plus sûrs, moins polluants et la vie plus agréable pour tous.
De très nombreuses villes se sont autoproclamées « smart city » en remplissant très partiellement ce programme. Plus rares, certains projets ambitionnent tout bonnement de construire des villes nouvelles à partir de zéro. C’est cette catégorie que nous avons retenue ici.
Songdo, Corée du Sud : la pionnière
C’est « la » smart city modèle et une des plus anciennes, puisque le projet a été initié en 2001. Ce quartier de 610 hectares est bien réel. Implanté dans la métropole et la zone franche d’Incheon en Corée du Sud, il a été construit sur un polder bâti sur la mer Jaune. Tout a été planifié et financé par des sociétés privées. Il sert ainsi de vitrine technologique à Cisco qui y gère les réseaux de connectivité.
Des capteurs sont placés partout pour réguler la circulation, adapter l’éclairage public ou encore la consommation d’eau et d’énergie en fonction de la demande. Un système de collecte de déchets vient même prélever les poubelles directement dans les sous-sols des immeubles pour les acheminer ensuite dans des centres de tri. Ce qui évite de faire circuler des camions. L’environnement est une priorité avec des pistes cyclables omniprésentes et de nombreuses stations de recharge pour véhicules électriques.
Le résultat, c’est un territoire hyperconnecté, surveillé, fluide et organisé au cordeau. Mais d’après tous les visiteurs étrangers qui s’y sont rendus, Songdo manque singulièrement de vie et de charme. Ce qui explique que ses résidences ne fassent toujours pas le plein.
Source : le site officiel
Quayside, Canada : la plus conceptuelle
Le projet de quartier intelligent Quayside à l’Est de Toronto est mené par Sidewalk, une filiale d’Alphabet. Energie solaire, traitement des déchets, capteurs, le plan de développement est impressionnant et promet de garantir des loyers bas pour ne pas en faire un ghetto pour riches. Les travaux pourraient commencer en 2021.
La particularité du concept est de mettre en place une ville modulaire qui s’adaptera aux usages des habitants suivant les jours de la semaine, les moments de la journée, la météo et les conditions de circulation. Chaussées, trottoirs et places pourront ainsi s’agrandir ou rétrécir à l’envie.
Mais Quayside suscite une forte contestation sur le Web. Les Canadiens s’alarment de voir une société comme Alphabet vouloir privatiser l’espace public. La collecte des données aussi suscite de vives inquiétudes avec la crainte qu’elles ne soient récupérées et exploitées par Google.
Source : le site officiel
Masdar City, Abou Dabi : l’écolo
C’est la plus écolo des smart cities. Ce projet de ville verte érigé en plein désert a été voulu par la famille régnante de l’émirat d’Abou Dabi. Une gageure dans un pays qui a bâti sa richesse sur le pétrole. L’idée est de parvenir à un modèle zéro déchet et zéro carbone avec le recours à des navettes autonomes, des énergies renouvelables comme le solaire, des habitations compactes et une architecture tirant le meilleur parti possible du vent et de la lumière.
Masdar City peine cependant à attirer entreprises et habitants. Et ses travaux commencés en 2008 ne sont toujours pas finis, alors qu’ils devaient être terminés dès 2016. Il faut dire que la crise financière de 2008 a freiné son développement et découragé les investisseurs.
L’objectif reste d’attirer 50 000 habitants mais pour le moment, ce sont surtout des étudiants locaux et étrangers de l’Institut des Sciences et technologies qui s’y pressent car ils sont payés. L’espoir demeure d’attirer des entreprises désireuses de se servir de Masdar comme d’un terrain d’expérimentation et d’une vitrine technologique.
Source : le site officiel
Xiongan, Chine : la gigantesque
Xiongan, c’est la ville rêvée de Xi Jinping. Le président de la république populaire de Chine souhaite désengorger Pékin en y délocalisant des administrations et des entreprises d’Etat. Il veut aussi en faire un modèle de développement écoresponsable au milieu d’une zone très polluée au sud-ouest de la capitale. C’est donc un concept de smart city verte comme Masdar, mais à une échelle bien plus impressionnante puisqu’elle est censée accueillir 6 millions d’habitants d’ici 2035.
Annoncés en 2017, les travaux ont commencé il y a quelques mois et les premiers résidents devraient arriver l’année prochaine. Un quartier témoin peut déjà être visité avec ses navettes autonomes, ses robots assistants et ses bâtiments à taille humaine. Mais ce qui fait peur, c’est l’omniprésence de la vidéosurveillance et l’intention de recourir de façon systématique à la reconnaissance faciale pour accéder aux services publics. Car Xiongan promet d’être aussi la reine de la data et ses bâtisseurs ne devraient pas reculer devant les principes de vie privée pour exploiter toutes ces données.
Source : le site officiel
Malgré une débauche de moyens et un volontarisme impressionnant, le succès de ces projets pharaoniques de smart cities est loin d’être assuré. Car on ne décrète pas sur plan le plaisir de vivre dans une ville. Ces projets ont toutefois le mérite de servir de démonstrateur technologique et de se soucier de l’environnement. Ils nous alertent aussi sur les dangers de la privatisation de l’espace public et d’une surveillance accrue de la population.
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