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Siri accusé d’écoutes abusives : Apple est visé par une plainte en France

Apple est accusé d’avoir violé la vie privée de ses utilisateurs, dans une plainte déposée par la Ligue des droits de l’Homme en France. L’association s’appuie sur le témoignage et les copies d’écran d’un lanceur d’alerte, qui a travaillé pour un sous-traitant d’Apple en Irlande.

Des sous-traitants d’Apple écoutent-ils et retranscrivent-ils nos conversations, enregistrées à notre insu par l’assistant vocal Siri ? C’est ce que suggère le signalement et la plainte déposés en France par la Ligue des droits de l’Homme (LDH), jeudi 13 février, contre le géant à la pomme. Apple est attaqué pour violation de la vie privée, traitement illicite des données personnelles et pratique commerciale trompeuse, révèlent Le Monde et la cellule investigation de Radio France, ce vendredi 14 février.

À l’origine de la procédure : un ancien employé d’un sous-traitant d’Apple, Thomas Le Bonniec, explique avoir été embauché en Irlande en 2019 par Globe Technical Services, un sous-traitant d’Apple, comme « analyste d’annotation des opérations de données ». Dans les faits, il vérifie et corrige si besoin les transcriptions de conversations d’utilisateurs de Siri dans sa langue maternelle, le français. Il s’agit d’usagers « en train de parler à leur assistant Siri » ou « d’enregistrements captés à leur insu quand la machine se déclenchait par erreur », explique le lanceur d’alerte, cité par nos confrères.

Des enregistrements faits dans l’intimité de la vie privée, selon la LDH

« Il y a des enregistrements qui sont faits, alors même que vous êtes en voiture, donc avec plusieurs personnes, ce qui fait que personne ne sait ce qui est en train d’être enregistré. Mais ça peut être aussi dans l’intimité de la vie privée », précise la présidente de la LDH, Nathalie Tehio, au micro de France Inter ce vendredi.

Tous les jours, Thomas Le Bonniec explique qu’il doit traiter près de 1 300 enregistrements, pendant que d’autres collègues étiquettent les conversations avec des mots-clés. Si la plainte évoque plusieurs dizaines voire centaines de millions d’enregistrements, il est difficile d’avoir un chiffre précis pour les utilisateurs français – car la plainte, déposée en France, concerne les seuls usagers français.

« Nous demandons au procureur de la République d’enquêter, parce que nous n'(en)avons pas, nous, les moyens (…). Ce qui nous fait croire ce lanceur d’alerte, c’est qu’il a pris des captures d’écran et que de ce fait, on a un certain nombre de preuves qu’il y a des transcriptions où, manifestement, les personnes ne savent pas qu’elles sont enregistrées », précise la présidente de la LDH.

En 2019 déjà, The Guardian avait révélé un scandale d’enregistrements et de retranscriptions des conversations, y compris lorsque Siri n’était pas activé intentionnellement. À l’époque, Apple, le géant américain avait suspendu son programme de notation de Siri.

Pour la présidente de la Ligue des droits de l’Homme, l’affaire de 2019 a tout simplement perduré. Car à chaque fois, aucun consentement « éclairé » des utilisateurs n’aurait été sollicité et collecté avant tous les enregistrements qui sont, en soi, des collectes d’informations personnelles, estiment les auteurs de la plainte. Ce consentement est pourtant un prérequis imposé par le Règlement général sur la protection des données (RGPD), au sein de l’Union européenne, explique la LDH.

Les usagers ne se rendent pas compte « qu’il va y avoir (…) des centaines de salariés qui vont écouter et qui vont transcrire et vérifier les transcriptions »

En 2019, Apple avait expliqué que les données enregistrées par Siri n’avaient pas vocation à définir des profils marketing à des fins de publicité ciblée, mais à améliorer Siri.

Apple expliquait alors, dans un article de blog, avoir apporté des modifications pour garantir que Siri respecte bien ses engagements en matière de confidentialité. Parmi les nouveautés, le groupe s’engageait à ce que « seuls les employés d’Apple s(oient) autorisés à écouter des échantillons audio des interactions avec Siri », lorsque les clients ont choisi d’y participer. Le fait d’avoir des sous-traitants qui écoutent et corrigent les transcriptions ne semble donc pas prévu. Le géant américain indiquait aussi qu’il s’efforçait « de supprimer tout enregistrement qui est considéré comme un déclencheur involontaire de Siri ».

Contacté par 01net.com, Apple nous confirme ce vendredi, en référence à une autre procédure (collective) qui a lieu aux États-Unis pour des faits similaires, que le groupe ne conserve pas les enregistrements audio des interactions Siri, sauf si l’utilisateur y consent explicitement. Et dans un tel cas, ces enregistrements ne servent qu’à améliorer Siri, précise l’entreprise américaine, qui ajoute que les utilisateurs peuvent revenir sur leur décision à tout moment.

À lire aussi : Pas de vente des données : Apple rappelle ses engagements pour la confidentialité de Siri

Pourtant, les sons enregistrés comprennent « énormément de données très personnelles : des personnes évoquent leur maladie, leurs opinions politiques, leur appartenance syndicale, leur sexualité », explique le lanceur d’alerte, cité par nos confrères.

« Lorsque vous utilisez consciemment Siri (…) je ne suis pas convaincue non plus que le seul fait de dire : “c’est pour l’amélioration du service”, les personnes se rendent compte qu’il va y avoir (…) des centaines de salariés qui vont écouter et qui vont transcrire et vérifier les transcriptions », souligne la présidente de la LDH au micro de France Inter.

Ce vendredi, une autre décision doit être rendue sur le même sujet, cette fois aux États-Unis. De nombreux plaignants se sont regroupés au sein d’une procédure collective pour dénoncer des écoutes et des retranscriptions via Siri dans le pays, sur le terrain de la violation de la vie privée.

Pour mettre fin aux poursuites, le géant de Cupertino a proposé un règlement de 95 millions de dollars, sur lequel une cour américaine doit statuer ce vendredi. En janvier dernier, Apple nous précisait « avoir réglé cette affaire pour éviter des litiges supplémentaires et afin d’aller de l’avant ». Les données de Siri sont utilisées pour « améliorer » l’outil, répétait encore Apple, le groupe déclarant qu’il développait « constamment des technologies visant à rendre Siri encore plus respectueux de la vie privée ».

Note de la rédaction : cet article a été modifié après sa publication, ce vendredi 14 février, pour inclure les commentaires reçus d’Apple. 

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