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SIP : quand la téléphonie hérite d’Internet

SIP (Session Initiation Protocol) introduit une approche radicalement nouvelle de la téléphonie IP. Il standardise le dialogue permettant d’établir les communications et y introduit une notion jusque-là inexistante : l’indication de présence.

La téléphonie sur IP aura longtemps buté sur un obstacle majeur : l’interopérabilité. Bien qu’utilisant tous une infrastructure de transport et des méthodes de numérisation standardisées, les systèmes de téléphonie IP des constructeurs se sont révélés incapables de dialoguer entre eux et de s’échanger des instructions dans un langage commun. C’est à ce besoin d’interopérabilité qu’entend répondre le protocole SIP. Contrairement aux protocoles plus ou moins propriétaires utilisés par les équipementiers en téléphonie pour acheminer aussi bien les demandes de connexion que les services associés (renvois et redirections d’appels, conférences à trois, etc.), SIP n’est rien de plus qu’un message texte destiné à circuler sur les réseaux TCP/IP en utilisant le système d’adressage classique d’Internet, les serveurs de noms (DNS).Imaginé par l’IETF, SIP introduit un changement radical dans la conception des réseaux de téléphonie. Une ambition qui n’est sans doute pas étrangère à ses difficultés de déploiement actuelles qui favorisent, pour un temps encore, la mise en ?”uvre de réseaux de téléphonie IP utilisant le protocole H.323. L’effet le plus visible de ce changement structurel est la possibilité de faire disparaître la numérotation téléphonique classique : dans un réseau de téléphonie SIP, les numéros sont remplacés par des adresses Internet du type sip://[email protected]. Un changement de système d’adressage qui permet d’adapter à la téléphonie l’un des principes fondateurs d’Internet : la transparence entre l’émetteur et le destinataire. Mais il ne s’agit en aucun cas d’une révolution. En effet, l’une des particularités de SIP est de pouvoir s’adapter à tous les systèmes existants (adresses de type e-mail, alias téléphoniques H.323, numéros de téléphone classiques compatibles E.164). Le changement le plus radical est sans aucun doute lié au fait que SIP substitue un mode point à point client serveur au modèle pyramidal sur lequel sont conçus les réseaux de téléphonie existants. Dans la pratique, deux téléphones SIP connectés à un même sous-réseau Ethernet peuvent établir directement une communication, sans faire appel à un tiers. Là encore, et bien qu’il soit le protocole de la téléphonie IP par excellence, SIP n’impose rien. Capable de fonctionner aussi bien sur un réseau TCP qu’UDP, il peut facilement être exploité au sein d’un autocommutateur téléphonique plus classique. Les constructeurs (Cisco, Siemens et 3Com notamment) commencent à ajouter des passerelles SIP à leur catalogue afin d’adapter leurs protocoles propriétaires au nouveau standard. De son côté, Microsoft a rendu son client de téléphonie logiciel pour Windows XP compatible avec SIP, et s’apprêterait à en faire de même pour Windows Messenger.

Un standard qui va au-delà de la téléphonie

Sur le papier, le rôle du protocole SIP est assez limité. Il n’est en effet que l’un des composants d’une architecture de téléphonie IP. Ainsi, il n’a en charge que la gestion des requêtes d’établissement des communications, laissant de côté aussi bien la réservation de la bande passante que le transport ou la méthode de numérisation de la voix elle-même. Il ne définit pas non plus quelle route devront suivre les données vocales échangées entre deux interlocuteurs. Mais cette limitation volontaire fait en réalité toute la force de SIP et permet son utilisation dans de nombreuses applications plus ou moins directement liées à la téléphonie. Car au-delà du simple routage, le protocole SIP apporte la notion de présence, illustrée dans le monde de la donnée par le fonctionnement des messageries instantanées. Par des protocoles propriétaires, les clients de messageries instantanées notifient à un serveur d’inscription qu’ils sont en ligne et ce pour quoi ils sont disponibles (messages urgents, conversations, etc.). C’est exactement le rôle que remplit, mais de façon standard cette fois, le protocole SIP. Lorsque le téléphone SIP (logiciel ou matériel) est connecté au réseau, il signale de la même façon sa présence à une passerelle spécifique pour que celle-ci mette à jour l’annuaire LDAP qui indique où il se trouve et les communications autorisées ou les services disponibles. Les applications de ce mode de “présence” dépassent largement, aux dires des promoteurs de SIP, le cadre de la téléphonie classique. On pourrait ainsi imaginer d’étendre le principe aux jeux en réseau ou à des services de messagerie multimédia unifiée et interactive.Cependant, si des expériences sont réalisées par l’opérateur américain Denwa et bientôt par MCI WorldCom, les difficultés de déploiement des réseaux SIP restent nombreuses. En premier lieu, leur architecture maillée, à la façon d’un réseau de routeurs, est complexe. En second lieu, il faut aussi tenir compte de l’existant.L’interface standardisée SIP-I pour connecter un réseau SIP et un réseau téléphonique analogique (PSTN) n’est pour l’instant utile qu’aux opérateurs qui peuvent utiliser SIP pour accélérer la configuration de leurs centraux téléphoniques logiciels (softswitchs de class 5 SS7) et qui ont, de ce fait, mis en ?”uvre le protocole sur leurs routeurs et actualisé leurs annuaires. Le prix des téléphones SIP, souvent supérieur à 500 euros, constitue un autre obstacle à sa généralisation.Restent les qualités intrinsèques de SIP et les nombreuses applications qu’il autorise. De quoi convaincre les instances chargées du pilotage de la téléphonie mobile de 3e génération qui viennent de franchir le pas, faisant de SIP le protocole officiel de communication multimédia pour les futurs réseaux de téléphonie mobile à haut débit.

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Paul Philipon-Dollet