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Sincèrement !

De start-up en holdings, journal de bord d’un cadre de la nouvelle économie. Il se confie sous pseudo pour parler?” et parfois crier ?” plus librement…

En affaires comme en amour, ce qui compte, c’est le non-dit. Vous pouvez proclamer business plan ou grands serments en embouchant la trompette, mais… taratata ! On ne nous la fait pas ! La satisfaction de nos besoins personnels primera toujours sur notre moi social. Exemples : Jean-Marie Messier poignardant Pierre Lescure après lui avoir fait d’officielles risettes, Chirac et Jospin se haïssant après 5 ans de concubinage poli, et les petits actionnaires d’Alcatel se syndiquant en nid de vipères après avoir gentiment avalé mille couleuvres. Concrètement, ça veut dire quoi ? Qu’il faut toujours se méfier des gens qui commencent leurs phrases par l’un de ces deux mots terribles : “sincèrement”, et “franchement”. Dès que l’un de vos proches (femme, maîtresse, collègue, patron) les emploie, sortez votre revolver. Et tirez sans sommation, si l’autre vous en laisse le temps. Car entre le “sincèrement” et la balle qu’il destine à vos omoplates, le délai est toujours très court. Exemple : Charlotte, notre directrice générale, dont les réflexes ne sont plus à vanter. Ils lui ont encore une fois valu la vie sauve devant le “respect sincère” que lui manifestait avec insistance Fabrice L., un de ces nouveaux Rastignac débarquant soudain dans notre bel organigramme, où les greffes sont toujours très mal vues. Nous venons d’absorber une société dirigée par ce wonder boy, que le boss tient à garder avec les meubles. La boîte de ce “génie de mes deux” (dixit Charlotte) est spécialisée dans les casinos online, où des dizaines de milliers de moutons ne demandent qu’à se faire tondre. Le patron veut faire du jeu en ligne l’activité numéro 2 de notre empire, après la création de contenus (terme convenant au foutoir conceptuel de notre groupe attrape-tout). Charlotte se sentait menacée par l’ascension programmée de ce Fabrice L. au sein de notre direction. Et celui-ci eut la maladresse d’aggraver son cas en tentant de la rassurer : “Franchement, Charlotte, je vous assure que je n’acterai rien sans votre aval, car je respecte sincèrement votre autorité et vos compétences.” Ah, le malheureux, que n’avait-il pas dit ! Utiliser dans une seule phrase “franchement” et “sincèrement” équivalait à un suicide. En plus, Charlotte a très mal pris l’allusion à ses compétences. Car elle n’en a qu’une : la connaissance de ses propres incompétences. “Moi je dis que j’ai du flair et de la volonté, et que ça suffit largement. La compétence, c’est bon pour les sous-fifres ! Et mon flair, il me dit que ce bouffon me prend pour une pomme, mais il va s’y casser les dents…” Elle l’a coincé en comité de direction pour une sombre affaire de CV vaguement falsifié : le pauvre type s’était prétendu diplômé de HEC, alors qu’il avait réussi le concours d’entrée mais n’en était pas sorti (arrêt de ses études avant le diplôme pour raisons de santé, précisa-t-il, preuves à lappui). Charlotte, assassine : “Moi je veux bien, mais pourquoi nous avoir menti ? Qui ment sur un détail peut mentir sur le reste…” Roland, notre boss : “En effet. Vous comprendrez donc, mon cher Fabrice, que nous ne pouvons malheureusement pas, etc.” Conclusion : “Charlotte, merci pour ta clairvoyance et ta compétence. Tu es vraiment la meilleure ! Et crois-moi : je parle sincèrement…”

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La rédaction