On n’est pas là pour rigoler. Mais il pourrait quand même sourire un peu. Eh bien, non ! ce n’est pas le genre du directeur général adjoint. Lui, c’est le style tueur-net éco. Et moi, intello recyclé web, ten-dance bobo(1). Le président l’a chargé de ” finaliser ” mon embauche au poste (inespéré) de dircom…Le DGA dit et répète “finaliser“, mais avec une lenteur inquiétante, et un regard qui fouille le mien façon tire-bouchon s’acharnant sur un mauvais cru…” Vous êtes plutôt buzz(2) ou marketing viral(3) ? “, me teste- t-il. Aïe… Mais de quoi parle-t-il ? Silence ! Un (business) ange passe… Dans une seconde, je coule.” Plutôt marketing viral, mais je me soigne. “Il met quatre ou cinq secondes avant d’imprimer, puis se marre, interrompant miraculeusement l’interrogatoire en consultant nerveusement sa montre…Mon premier jour. Adrénaline online. Je n’en sais pas long et n’en mène pas large. Je suis salué avec un respect très vieille éco par les filles de l’accueil, prévenues de l’arrivée du nouveau dircom. Elles ont l’air sincère. Mais ce respect démesuré qu’elles semblent éprouver plus que moi pour moi-même me donne l’impression horrible de n’être qu’un vil usurpateur. À part ça, elles n’ont pas le look “business top-model” que j’attendais. Ni ce petit sourire que l’on voit chez leurs net cons?”urs dans tous les reportages TV… Étrange ! “Vous êtes attendu au comdir.” Mon premier comité de direction, dès le premier jour… Le président accueille le bizuth avec un sourire engageant. “ Notre nouveau dircom va se présenter lui-même.” Euh ! En me composant une expression de dircom- se-présentant-lui-même, j’improvise un speech d’une remarquable fausse modestie. Les autres m’écoutent avec une attention parfaitement imitée, mais sans sourire une seconde aux traits d’esprit qui me valent d’habitude les applaudissements unanimes de ma mère et de mes s?”urs. Le directeur de la veille technologique s’endort, le responsable de l’incubateur me couve d’un ?”il apitoyé, et celui de l’international me toise comme un Zoulou débarqué d’on-ne-sait-yahoù… Je termine mon speech, salué par un silence criant.Pour me donner une contenance, je demande niaisement des nouvelles du DGA, qui n’assiste pas au comdir. Silence hurlant. Tous les dir se mettent à observer avec passion le plafond…”Eh bien, me répond le président, comme presque vous tous ici,il n’était pas là depuis plus de trois semaines, et… bref, il n’y est plus. Il n’a pas tenu le rythme, et ensemble nous en avons tiré les conséquences. ” Oops ! “Le groupe accélère en vue de l’IPO(4). Ça va secouer. Je sais que d’autres parmi vous pourront aussi éprouver certaines difficultés. Qu’ils n’hésitent pas à me le dire. ” Hara-kiri, et bienvenue au parad-i…(1) Contraction de “ bourgeois” et de “bohême “. Concept imaginé par D. Brooks dans ” Bobos in paradise “.(2) Bruit orchestré autour d’une société pour accroître sa notoriété.(3) Bouche à oreille électronique.(4) “Initial Public Offering”, intro- duction en Bourse.
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