Le meilleur moyen pour désengorger un réseau, c’est encore de ne pas l’utiliser ! Tout en bénéficiant de ses services, bien entendu. Ce paradoxe ne relève pas de l’impossible, puisque c’est le résultat obtenu grâce aux serveurs de cache. Placés aux points clés du réseau et auprès des utilisateurs, ils hébergent le contenu régulièrement consulté. Ils le délivrent ainsi directement, évitant aux données de traverser l’intégralité du réseau de l’entreprise. Au passage, cette sobriété en bande passante se traduit aussi par une amélioration des temps de réponse, le contenu étant transmis par le cache le plus proche de l’utilisateur.Appliquée à l’échelle Internet, cette logique améliore la qualité de service. Mais elle reste complexe à organiser, malgré l’apparition d’opérateurs de CDN (Content delivery networks), réseaux dédiés à la diffusion du contenu qui s’appuient sur des serveurs de cache combinés à des solutions de répartition de charge. Selon IDC, le retour sur investissement des serveurs de cache prendrait moins d’un an : d’une part, grâce aux économies réalisées en ne redimensionnant pas le réseau ; et, d’autre part, grâce à l’accroissement des revenus des sites Web.
Un bénéfice différent selon les flux
En théorie, toutes les données peuvent bénéficier du cache. En pratique, les pages Web dynamiques n’en profitent que partiellement. Difficile, en effet, de stocker un contenu qui n’existe pas encore, puisque la page est construite à la volée par le serveur. L’affichage peut toutefois être accéléré en stockant le modèle de document, souvent les éléments graphiques, ou le résultat des requêtes récurrentes. Seuls les traitements dynamiques traversent alors le réseau. Mais, c’est pour le Streaming (audio ou vidéo) et les gros fichiers (présentations PowerPoint et fichiers de CAO) que le cache est efficace. Leroy Merlin a ainsi réalisé 15 à 20 % d’économies de bande passante grâce aux serveurs de Network Appliance placés au sein de son Intranet qui relie sept pays. “L’objectif initial était d’assurer la montée en charge du site central, rappelle Mathieu Grymonprez, chef de projet chez Leroy Merlin. Grâce au cache dans chaque filiale, la plupart des requêtes sont desservies en local. Nous évitons ainsi de saturer les serveurs du siège et notre réseau international.”À l’instar de Leroy Merlin, la chaîne de télévision France 5 a moins cherché à économiser la bande passante qu’à assurer la montée en charge de son serveur en répartissant les accès sur différents points de la planète. “Les connexions devenaient trop nombreuses, et les serveurs tombaient régulièrement en panne, explique Pierre Mathieu, directeur délégué à l’Internet de France 5. De plus, la bande passante limitait les accès malgré une liaison à 1 Mbit/s étendue à 2 Mbit/s pour les pics de trafic. Nous avions le choix entre redimensionner notre site et la bande passante, basculer chez un hébergeur pour bénéficier de ses infrastructures ou opter pour un opérateur de CDN.” En choisissant l’opérateur Akamai Technologies, France 5 a joué la carte de la fiabilité : “L’infrastructure existait déjà, et nécessitait peu d’investissement hormis un abonnement mensuel. Les gains sur la diffusion des vidéos se mesurent à l’?”il nu, et nous avons doublé la vitesse d’affichage des pages.”Bien qu’Akamai ait développé depuis peu une offre de CDN pour Intranet, “la plupart des entreprises déploient et administrent leur propre réseau de caches”, estiment les acteurs du marché. C’est moins la complexité du réseau qui justifie ce choix que la maîtrise des infrastructures.Typiquement, Michelin, qui dispose d’un réseau maillé reliant 256 sites à travers le monde, ne fait pas appel à un opérateur de CDN pour autant. L’industriel a développé son propre réseau de caches. Un tel déploiement implique une analyse du trafic et des habitudes des utilisateurs afin de déterminer le placement des caches et d’élaborer les règles de distribution et de stockage du contenu. Les outils d’analyse de trafic livrés avec les caches permettent, par la suite, l’optimisation. Par ailleurs, “en entreprise, la plupart des infrastructures de diffusion de contenu sont centralisées, analyse Bruno Dambrun, directeur de CacheFlow. Un réseau en étoile irrigue plusieurs sites ou un autre réseau en étoile d’une filiale. L’entreprise n’est pas confrontée à la complexité du CDN, qui, lui, n’est pas géré de façon centralisée.” Le CDN s’applique au routage aléatoire d’Internet, faute de pouvoir y centraliser la diffusion de contenu.
Pas ou peu d’interopérabilité
CDN et réseau de caches partagent toutefois un point commun : leur incapacité à communiquer. De même qu’un opérateur de CDN ne sait pas échanger du contenu avec un autre opérateur de CDN, les différentes offres de caches du marché ne savent pas dialoguer entre elles. En théorie, ICP (Inter cache protocol) pallie cette lacune. En pratique, ICP est limité et consomme énormément de bande passante. Ainsi, ICP implique la mise en ?”uvre d’une infrastructure de caches en mode maître-esclave. Or, l’optimisation d’un réseau de caches passe souvent par un mélange d’automatisation, grâce à un dialogue d’égal à égal entre caches, et un mode distribué pour irriguer différents sites à partir d’un point central. L’administrateur détermine quel type de contenu doit être stocké par un cache donné selon des paramètres de volumétrie et l’endroit où se trouvent les utilisateurs.
Normalisation des échanges, en projet
Pour leur part, les caches dialoguent entre eux et s’échangent du contenu en fonction de paramètres similaires. “Les systèmes de cache hétérogènes sont rares en entreprise, estime Bruno Dambrun. Le ministère de la Culture vient d’abandonner ses caches Network Appliance au profit des nôtres, car maintenir les deux infrastructures était trop problématique. En revanche, le contenu diffusé sur Internet et celui utilisé en Intranet ne sont habituellement pas les mêmes, le problème de cohabitation entre réseaux de caches et CDN ne se pose donc généralement pas.” Cette normalisation des échanges entre caches et CDN figure sur la table de travail de la Content Alliance ( www.content-peering.org). En attendant, les sociétés Venation et Activia Networks, spécialistes de la répartition de charge, ont développé des solutions dialoguant avec des caches hétérogènes en intégrant les technologies propres à chaque fournisseur.
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