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Serveurs : 2001, une grande année technologique plombée par la conjoncture

La course à l’innovation remarquable menée par les constructeurs l’an passé a été mal récompensée par la chute des ventes.

Appelons un chat un chat : en 2001, les serveurs ont connu une authentique déprime économique. En volume, le marché mondial n’a connu qu’une croissance asthénique de 2,3 %, soit une performance dont la médiocrité renvoie, selon le cabinet Gartner Dataquest, aux calendes grecques (1996).En valeur, la chute atteint le chiffre inquiétant de 15 %. Parmi les grands constructeurs, tous ont régressé en volume, sauf Dell et, dans une moindre mesure, IBM (voir encadré page 7). Le marché hexagonal a, lui, progressé de 12 % en nombre de machines vendues, mais reculé de 7 % en valeur.La dégradation de la conjoncture économique dès le début de l’année et les événements du 11 septembre n’expliquent pas tout. Il était sans doute déjà écrit que 2001 ne serait pas une grande année pour ce marché. 1999 et 2000 avaient été, de l’aveu des acteurs du marché, des périodes à ce point euphoriques ?” respectivement pour cause de passage à l’an 2000 et de fièvre de l’internet ?”, que les lendemains devaient forcément déchanter. “Nous aurions, de toute façon, prévu une baisse pour 2001”, confirme Karen Benson, analyste chez Gartner Dataquest. ” En 1999, il y a eu des achats importants pour le passage à l’an 2000, analyse Christian Dubesset, directeur micro-informatique d’entreprise chez HP France. Les chiffres étaient impressionnants. Aujourd’hui, on est toujours dans le creux de la vague à cause des investissements massifs réalisés à cette époque.”

Le segment Risc/Unix a beaucoup souffert

En 2001, les directions informatiques ont levé le pied sur la dépense, surtout à partir du second semestre, conjoncture oblige. Elles ont plutôt opté pour des machines d’entrée et de moyenne gamme, afin de maintenir les infrastructures à niveau. Les serveurs Wintel bon marché (mono et biprocesseurs) ont ainsi eu le vent en poupe en 2001.A l’intérieur de nos frontières, ce secteur progresse de 22 % en volume et de 3 % en valeur. Un constructeur comme Dell, artisan de la guerre des prix en 2001, a surfé sur cette vague. Au niveau mondial, il affiche une croissance en volume insolente de 26 % et occupe désormais la deuxième place derrière Compaq. Il a même ravi à ce dernier le commandement aux Etats-Unis. A l’inverse, pour les mêmes raisons de frilosité des entreprises utilisatrices, le segment Risc/Unix a connu une année difficile. “Ce type de serveurs nécessite des investissements importants”, précise, en effet, Laurent Blanchard, directeur des solutions d’informatique d’entreprise de Compaq.En France, le marché Risc/Unix a littéralement dégringolé de 26 % en volume et de 15 % en valeur. Sun, leader de ce segment, a connu une année éprouvante. Dans l’Hexagone, on peut même parler de catastrophe, avec un recul de 41 % en volume et de 38 % en valeur !La chute de Sun s’explique par le marasme des start up internet et les difficultés des secteurs des télécoms et de la finance, dont le fabricant était un partenaire privilégié. “Ils avaient su capter en 2000 toutes les nouvelles dépenses, qui étaient nombreuses”, analyse Karen Benson. Le constructeur a dû aussi digérer la migration d’Ultrasparc II vers Ultrasparc III. Ahmed Mouldaïa, directeur général des ventes de produits chez Sun France, confie :“En 2000, notre croissance a été explosive. Nous payons aujourd’hui cette période, c’est mathématique.”Mais la morosité économique n’a pas empêché les constructeurs de faire preuve en 2001 d’une impressionnante vitalité technologique. Sun lui-même a conclu l’année en renouvelant son haut de gamme avec le Sunfire 15K. La machine a marqué la fin d’une longue attente pour les clients du constructeur, puisque son prédécesseur l’E10000 s’affichait déjà au sommet de sa gamme depuis plus de quatre ans. Le Sunfire 15K compte désormais soixante-douze Ultrasparc III à 900 MHz ainsi que deux interconnexions Crossbar, une dédiée aux données et l’autre aux adresses. Enfin, pour disposer d’une puissance plus importante, dix-sept de ses dix-huit cartes d’entrées-sorties peuvent être remplacées par autant de cartes biprocesseurs.

Les grands serveurs adoptent la partition logique

De façon générale, chez tous les constructeurs, l’heure a été au renouveau technologique dans le très haut de gamme Risc/Unix. A la clé, de tout nouveaux produits. Ainsi, le Superdome de HP, avec ses 64 processeurs, est apparu dès la fin 2000. IBM, lui, a frappé fort avec son p690 doté de seulement trente-deux Power4, mais aussi du système Dual corp. Celui-ci permet d’intégrer deux processeurs connectés à haut débit sur une même puce, et donc d’augmenter la puissance pure de l’ensemble. La nouvelle plate-forme utilise, par ailleurs, sa nouvelle technologie SOI (Silicon- on-insulator) sur cuivre qui autorise l’installation des composants sur un isolant de verre qui les sépare du silicium, limitant ainsi parasites et fuite d’électrons. Compaq, enfin, conserve en haut de sa gamme son ancien GS320 et a préféré parier sur un quadriprocesseur clusterisable, l’ES45.Ces grands serveurs ont en commun l’une des grandes innovations de l’année Unix : le partitionnement logique. Cette technologie, héritée directement des grands systèmes, permet de créer plusieurs machines virtuelles sur une même machine physique en exécutant plusieurs instances d’Unix, voire de systèmes hétérogènes. Il faut dire que les mainframes ont beaucoup inspiré les constructeurs l’année dernière. IBM lui-même a offert une cure de jouvence à son système âgé de trente-huit ans déjà.Pour ce faire, il a sorti une nouvelle gamme complète, les z900 équipés de zOS et zVM, successeurs de l’OS390 et de VM, et, en bonus, la possibilité d’accueillir Linux. Les technologies de partitionnement logique et dynamique de cet environnement ont, par ailleurs, enrichi les pSeries et iSeries, tout comme, dans le cadre d’eLiza, l’autodiagnostic, l’autoréparation et l’auto-administration. Autant de technologies au service du nouveau cheval de bataille des fournisseurs de ce secteur, la consolidation. En effet, tous prônent le remplacement d’un grand nombre de petits serveurs par un plus gros et plus puissant. Ce dernier hébergeant l’ensemble des applications dans ses différentes partitions (lire encadré).

Le prêt- à-l’emploi a fait une entrée remarquée

Cette démarche intéresse aussi le monde Wintel, en plein bond technologique en 2001. Tout d’abord, Intel a enfin commercialisé sa famille Itanium si longtemps retardée. Tant et si bien d’ailleurs que c’est sa deuxième version, le McKinley, qui a eu le plus de succès. Pour la première fois, le fondeur a aussi conçu ses processeurs pour les serveurs. Au programme, 64 bits, optimisation du multiprocessing, antémémoire de troisième niveau de 2 ou 4 Mo, architecture de parallélisation des instructions Epic, etc. Toutes ces évolutions permettent aux versions serveurs de Windows 2000 de donner le meilleur d’elles-mêmes. Elles ont aussi séduit les constructeurs Unix au point de leur faire abandonner, pour certains, leurs architectures Risc (Alpha pour Compaq et Pa-Risc pour HP).Enfin, les prix bas des processeurs Intel associés à des dimensions réduites et néanmoins de bonnes performances ont permis l’apparition de modèles prêts à l’emploi. Début 2001, les constructeurs ont, en effet, tous lancé des machines dédiées et des modèles rackables. A la fin de l’année, les premiers serveurs lames étaient annoncés. Fort d’autant de progrès technologique, le marché des serveurs touché durement par la conjoncture, peut espérer rapidement des jours meilleurs. Les constructeurs sont plusieurs à estimer que la fin de 2002 leur sourira enfin, même si la prudence demeure reine. En début d’année, le marché semble avoir déjà un peu repris des couleurs. ” Depuis novembre-décembre, un nouveau cycle de demande a commencé “, renchérit Karen Benson.

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Guillaume Deleurence, Emmanuelle Delsol et Jean-Marie Portal