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Sécurité, fabrication, traçage : on vous explique comment fonctionne le bracelet électronique de Marine Le Pen

De Nicolas Sarkozy à Marine Le Pen en passant par le couple Balkany ou encore Pierre Palmade, nombreuses sont les personnalités publiques ou politiques condamnées à une peine de prison ferme agrémentée du port d’un bracelet électronique. Cette mesure destinée à remplacer l’incarcération est de nos jours largement utilisée par la Justice, mais comment fonctionne-t-elle exactement ?

Le placement sous surveillance électronique, matérialisé par le port d’un bracelet électronique, constitue une mesure de contrôle et d’exécution des décisions judiciaires et administratives qui a connu une évolution significative au sein du système pénal français depuis sa mise en place il y a presque 30 ans. Initialement envisagé comme une réponse à la surpopulation carcérale, son application s’est diversifiée, intégrant des objectifs de prévention de la récidive et de sécurité publique.

Aujourd’hui, la surveillance électronique comprend différentes modalités techniques et juridiques, allant du système statique traditionnel aux dispositifs mobiles de géolocalisation. Voyons ensemble comment fonctionne cette technologie, particulièrement médiatisée ces derniers temps par plusieurs personnalités publiques et politiques.

Un concept qui date des années 90

L’idée de recourir à la surveillance électronique en France émerge pour la première fois dans le rapport du parlementaire Gilbert Bonnemaison en 1989. Axé sur la modernisation du service public pénitentiaire, celui-ci évoquait la surveillance électronique comme un moyen principal de limiter la surpopulation carcérale. Cette proposition n’a cependant pas été immédiatement mise en œuvre ; la question est reprise en 1995 par un autre parlementaire, Guy-Pierre Cabanel, dans son rapport “Pour une meilleure prévention de la récidive“. Après avoir étudié les expériences étrangères (en particulier en Angleterre et au Pays de Galles dès 1989), ce rapport considérait la surveillance électronique comme un instrument efficace de prévention de la récidive et de lutte contre la surpopulation carcérale.

Le placement sous surveillance électronique est officiellement consacré en droit français par la loi du 19 décembre 1997, devenant une modalité d’exécution des peines privatives de liberté. Des résistances idéologiques ont toutefois accompagné l’adoption de cette loi, retardant le début des premières expériences pratiques en France de trois ans après sa publication.

En octobre 2000, une phase d’expérimentation de plusieurs années a finalement pu débuter sur quatre sites pilotes initialement retenus par le Garde des Sceaux de l’époque : les établissements pénitentiaires d’Agen, d’Aix Luynes, de Loos les Lille et le centre de semi-liberté de Grenoble. Chaque site pilote a pu choisir ses logiciels et appareils, ainsi que définir ses procédures et son organisation. L’expérimentation s’est ensuite étendue à une dizaine de sites en 2002, afin de préparer la phase de généralisation prévue à partir de 2004.

Une adoption rapide avec un glissement vers la surveillance mobile

L’expérience française du placement sous surveillance électronique statique (ou PSE) est considérée comme un acquis incontournable : le caractère novateur de cet aménagement de peine, qui permet d’éviter les effets néfastes de l’incarcération tout en maintenant les liens familiaux et l’activité professionnelle, a convaincu largement depuis sa première application. Les statistiques témoignent d’une adoption croissante par les juges d’application des peines : 90 placements étaient en cours au 1er janvier 2003, 304 au 1er janvier 2004, et 714 au 1er janvier 2005. À ce moment là, 5344 personnes écrouées avaient déjà été placées sous surveillance électronique depuis le début de l’expérimentation.

Bracelet Electronique Ancienne Version
L’ancienne version du kit du bracelet électronique © Dominique Pledran / Jean-Pierre Poussin

Parallèlement, la réflexion s’est orientée vers la surveillance électronique mobile ; le rapport du député Georges Fenech en avril 2005 aboutissant à la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive a ainsi fait du placement sous surveillance électronique mobile (PSEM) sa mesure phare. Le législateur a depuis lors multiplié les possibilités de recours à ce dispositif : la loi du 23 mars 2019 de réforme pour la justice, entrée en vigueur un an plus tard, a constitué une étape majeure en créant la détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE) comme une nouvelle peine alternative à l’emprisonnement (le placement sous surveillance électronique était jusqu’alors principalement une modalité d’exécution de la peine).

Une mise en œuvre qui suit une procédure bien définie

Lorsque la mesure est décidée, les personnes qui ne sont pas déjà détenues doivent subir les formalités d’écrou (sauf en matière de contrôle judiciaire). Le personnel de l’établissement pénitentiaire procède alors à la saisie informatique des données relatives au lieu et aux périodes d’assignation, conformément à la décision judiciaire.

Avant la pose du dispositif, une enquête de faisabilité technique est menée par le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP). Celle-ci vise à déterminer les équipements nécessaires, leurs paramètres (zones d’exclusion, d’inclusion, zones tampon) et l’emplacement optimal pour l’installation du récepteur au domicile.

Les opérations de pose et de dépose des appareils de surveillance électronique, ainsi que les contrôles et interventions techniques nécessaires au lieu d’assignation, sont effectuées par des personnels de surveillance dûment formés, sous la responsabilité du chef d’établissement pénitentiaire. Lors de la pose (qui doit intervenir une semaine avant le début de la mesure et ne peut avoir lieu un jour férié ou un dimanche), le condamné reçoit des instructions, notamment sur la mise en charge régulière de la batterie de l’appareil portable (le non-respect de cette partie constitue en elle-même une violation) s’il en est doté. Un document rappelant les dispositions légales, un guide d’utilisation et une cartographie des zones fixées lui sont également remis.

Le contrôle du respect des obligations s’effectue à la fois à distance (les déplacements apparaissent sur une carte) et sur place. Si une alarme se déclenche, par exemple en cas d’absence irrégulière, les agents de l’établissement pénitentiaire effectuent de premières vérifications par appels téléphoniques. Si l’absence irrégulière est confirmée, le parquet du tribunal de grande instance, le JAP compétent et le SPIP sont alors informés. Le parquet peut requérir l’intervention des services de police ou de gendarmerie pour constater l’absence en flagrance, mais l’engagement de poursuites pour évasion n’est pas systématique et est apprécié au cas par cas (des protocoles locaux définissent les procédures à suivre).

Du matériel spécifique très sécurisé

Le dispositif technique de placement sous surveillance électronique statique repose en France sur un système à émission continue constitué de trois éléments : un émetteur, un récepteur et un centre de surveillance. Suite à un appel d’offre réalisé en 2022 par le Ministère de la Justice, ce sont actuellement les sociétés G4S et Wordline qui s’occupent respectivement de la fourniture des différents équipements électroniques et des prestations relatives à l’hébergement du système d’information. La valeur totale du marché – renouvelable – s’élève à 182,7 millions d’euros HT (61,1 millions d’euros pour Wordline, 121,6 millions d’euros pour G4S), pour des prestations devant être assurées de décembre 2023 à novembre 2029.

Communément appelé bracelet électronique, l’émetteur OM247-PID – de quelques dizaines de grammes et principalement composé de plastique et de kevlar – est fixé à la cheville ou au poignet de la personne, de manière continue pour toute la durée de son assignation, grâce à un outil d’installation dédié. Étanche (ce qui permet de prendre sa douche avec) et anallergique, il est équipé d’une batterie et émet de manière régulière des signaux radio de présence d’une portée de quelques dizaines de mètres. Des signaux d’alarme spécifiques sont également envoyés en cas de rupture du bandeau ou de baisse de charge de la batterie.

G4s Om247 Outil Installation
L’outil d’installation du bracelet électronique OM247 © G4S

Placé sur le lieu d’assignation, le récepteur OM247-MU est constitué d’un boîtier relié à une ligne téléphonique fixe – un mode “cellulaire” est également utilisable chez les personnes ne disposant pas de ligne fixe – et alimenté par une prise électrique (il dispose d’une batterie de secours assurant une autonomie d’au moins douze heures en cas de coupure de courant). Si la réception des signaux devient trop faible ou inexistante pendant les horaires d’assignation, indiquant l’absence de la personne, c’est lui qui envoie automatiquement un message – chiffré – au centre de surveillance. Ce dernier, situé au sein d’un établissement pénitentiaire, regroupe enfin des équipements informatiques et de télécommunications permettant de centraliser les messages des récepteurs, d’identifier les alarmes et les personnes concernées ou encore d’effectuer des contrôles automatiques du bon fonctionnement des récepteurs.

Le placement sous surveillance électronique mobile utilise une technologie légèrement différente qui permet de savoir, à chaque instant et en tous lieux, où se trouve la personne. Le bracelet porté par la personne émet un signal radio qui est capté par un boîtier récepteur portable OM247-2 PIECE, porté à la ceinture lors des déplacements et qui sert de récepteur A-GPS (un mode dégradé de localisation par GSM est également possible si le signal GPS est indisponible). Celui-ci peut envoyer et recevoir des messages en 4G depuis et vers le centre de surveillance ; la personne surveillée peut directement lire sur un écran les SMS reçus et accuser réception. Un troisième récepteur placé au domicile complète le système, prenant le relais du boîtier portable pour le mettre en veille ou le recharger (ce qui prend 2,5 heures pour une autonomie d’une journée environ). Une version 2-en-1 baptisée OM247-SOLO, intégrant directement dans le bracelet électronique les fonctions offertes par le boîtier récepteur portable, est également disponible.

Bracelet Electronique G4s Om247 Pid Zoom
L’OM247-PID © G4S

L’efficacité des systèmes de surveillance électronique, notamment mobiles, dépend bien entendu de leur fiabilité et de leur sécurité. Des expertises techniques et des certifications sont donc menées par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) pour certifier ces systèmes et attester qu’ils résistent autant aux arrachages physiques (une fibre optique intégrée aux bracelets permet par exemple de détecter toute tentative de retrait, d’ouverture ou de sectionnement du bracelet) qu’aux piratages électroniques. L’inviolabilité du bracelet et la fiabilité du système sont ainsi notées par l’ANSSI selon de nombreux critères et hypothèses allant de la robustesse du générateur de clés cryptographiques à l’accès illicites aux données en passant par l’altération des communications entre les différents éléments du système.

Enfin, le respect de la vie privée de la personne sous bracelet électronique est également pris en compte. Les données enregistrées par le système comprennent l’identité, l’adresse, la situation professionnelle, les coordonnées des zones (exclusion, inclusion, tampon), les horaires d’assignation, les relevés de position réguliers et les alarmes déclenchées ; ces données sont conservées pendant la durée du placement et sauvegardées ensuite pendant dix ans.

Un basculement de la répression à la prévention

Sur le plan juridique, le placement sous surveillance électronique était initialement une modalité d’exécution des peines privatives de liberté en France. Il pouvait concerner les personnes condamnées à des peines d’emprisonnement inférieures ou égales à un an, ou dont la durée totale des peines restant à subir n’excédait pas un an, et pouvait également être prononcé à titre probatoire de la libération conditionnelle. La décision était prise par le juge de l’application des peines qui fixait les périodes et le lieu d’assignation en tenant compte des obligations du condamné (médicales, familiales, professionnelles, de formation…). Le placement sous surveillance électronique permet une réelle individualisation de la peine : les juges ont rapidement utilisé la souplesse du dispositif, accordant par exemple des permissions de sortie familiales les week-ends si les obligations sont respectées.

La loi de 2002 a étendu la possibilité d’application aux personnes placées sous contrôle judiciaire, sous réserve d’une obligation de résidence fixée par le juge d’instruction. La loi de 2004 a ensuite permis de prononcer le PSE dès le début – ab initio – et l’a intégré parmi les mesures destinées aux détenus en fin de peine. Cet assouplissement vers la liberté est considéré comme ayant une valeur pédagogique : il peut mener à une libération conditionnelle, le suivi socio-éducatif se substituant alors à la surveillance électronique.

La loi de 2019 a consolidé la place de la surveillance électronique : la détention à domicile sous surveillance électronique peut être prononcée comme peine principale pour des peines inférieures ou égales à six mois d’emprisonnement. La loi a également rendu l’aménagement des peines d’emprisonnement de moins de six mois obligatoire dès l’audience, sauf impossibilité, et encouragé celui des peines de moins d’un an.

Avec les évolutions législatives, notamment la loi de 2005 sur la récidive et les lois de 2008 et 2019, le bracelet électronique – particulièrement le bracelet mobile – tend désormais à être perçu et utilisé comme une mesure de sûreté post carcérale visant à protéger la société contre la récidive. Cela marque un basculement de la logique de répression vers une logique de prévention ; le placement sous surveillance électronique mobile est ainsi considéré comme une mesure en adéquation avec son temps, visant principalement à empêcher de nuire.

La mesure impose tout de même des obligations contraignantes. La personne ne doit pas s’absenter du lieu d’assignation pendant les périodes fixées, répondre aux sollicitations des agents de contrôle, et respecter les éventuelles mesures complémentaires. Un consentement du condamné est par ailleurs toujours requis pour la mesure ; son retrait peut intervenir à la demande du condamné ou en cas de manquement aux obligations, inobservation des interdictions, nouvelle condamnation ou inconduite notoire. La décision de retrait est alors prise après un débat contradictoire.

Une solution technique efficace ?

Le nombre de placements sous bracelet électronique a connu une croissance spectaculaire à la fin des années 2010 et au début des années 2020. Cette explosion est en partie attribuée à la politique portée par Emmanuel Macron, mise en œuvre par la loi de 2019, qui a notamment rendu obligatoire l’aménagement des peines d’emprisonnement inférieures à six mois et encouragé celui des peines inférieures à un an, souvent sous la forme de DDSE.

Aujourd’hui, le placement sous surveillance électronique concerne un peu plus de 17 000 personnes en France (17 578 personnes au 1er mars 2025). Ce chiffre est en progression constante depuis des années et prouve, s’il en était besoin, l’efficacité du dispositif. L’appréciation de ce type de peine peut varier d’un individu à l’autre, mais il reste néanmoins un outil incontournable et pédagogique du système pénal français. Le bracelet électronique a bien connu quelques bugs de jeunesse avec l’ancienne version conçue par Thales, mais rien qui puisse remettre en cause la fiabilité générale du concept, parti pour durer.

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