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Sébastien Crozier, un entrepreneur amer

Fondateur d’Internet Telecom, il estime avoir été dépossédé de sa société. La faute à un certain ” capital sans visage “.

L’esprit de consensus n’est pas le fort de Sébastien Crozier. L’aventure Wanadoo, à laquelle il prend part au sein de France Telecom entre 1994 et 1996, lui donnera l’idée de se lancer dans… l’internet gratuit. Mais Internet Telecom, une formule d’accès au web sous marque blanche pour les entreprises, personne n’en veut. C’est donc sur ses fonds propres, avec un camarade de Stanislas, que cet ingénieur ” soixante-huitard ” (il est né en 1968) démarre son projet.Surprise (pas pour lui), les clients prestigieux arrivent vite : Fnac.net, VNU net, puis Pinault Printemps Redoute, M6, TF1… La banque d’affaires néerlandaise ABN Amro, dès septembre 1999, mise 1,83 million d’euros sur Internet telecom. À côté de la fourniture d’accès à internet, la société s’attache dès lors à développer une gamme de services B to B ?” web call centers, portails interactifs ?” qui lui valent une expertise précieuse en matière de gestion de la relation client, secteur unanimement perçu comme porteur. Logiquement, l’expansion de l’activité réclame bientôt de nouveaux fonds. Crozier espère lever entre 7,6 et 15,2 millions d’euros, et la valorisation officieuse n’est pas loin des 150 millions d’euros.Mais la nouvelle donne boursière et financière viendra rompre le charme. Devant l’obstruction des marchés, des actionnaires suggèrent bientôt l’adossement à un partenaire, voire la cession pure et simple.Le fondateur se cabre. Les relations avec les bailleurs de fonds se tendent. ” Brillant, mais caractériel et procédurier “, selon un ancien associé, Sébastien Crozier s’entête à quérir des fonds. Mais il échoue à résoudre l’impossible équation : faire entrer de l’argent sans lâcher le pouvoir. ” Les valorisations proposées étaient ridicules, et les capitaux-risqueurs exigeaient en plus le départ des dirigeants, qui étaient majoritaires “, s’indigne un proche du dossier. Monsieur le président est sommé, en novembre 2000, de laisser les commandes à un manager.En janvier 2001, un mandat est confié à la banque conseil Nets Capital, avec mission de trouver un repreneur industriel. ” Quitte à lâcher le contrôle, je préférais que ce soit à un industriel, c’était mieux pour l’entreprise et les salariés [France Telecom a accepté de suspendre le plan social engagé. Internet Telecom compte 170 salariés, NDLR]. Mais Internet Telecom a été vendu car ce que j’appelle le “capital sans visage” a changé d’avis, sans raison objective. ABN [qui détient près de 20 % du capital, aux côtés de M6, 5 %, et des fondateurs] a été courtois, mais n’a pas réussi à faire plier ses petits camarades financiers. Nous aurons vécu le cycle complet de la finance sans visage, qui déstructure chaque jour notre économie. Auparavant, j’étais libéral sans y penser. Je crois aujourd’hui que certaines valeurs, certaines cultures nationales doivent être défendues “, confie Sébastien Crozier, qui fustige dans la foulée “l’argent provenant de paradis fiscaux, qui ont profité de l’e-krach pour s’introduire dans l’économie française. Çà dégouline de partout, et c’est sans foi ni loi”.La boucle est bouclée. L’ingénieur réintègre donc ?” pour combien de temps ? ?” son entreprise d’origine, France Telecom. L’homme de conviction qu’il est devenu s’attelle, lui, à la rédaction d’un ouvrage bilan de la net économie, et sapprêterait à entrer en politique…

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JMC