Le collectif Algos Victima, qui réunit sept familles françaises, a attaqué TikTok, ce lundi 4 novembre, devant le tribunal de Créteil, révèle Franceinfo. Le réseau social aux 21 millions d’utilisateurs en France est, selon leur avocate Laure Boutron-Marmion, responsable de la dégradation de l’état de santé mentale de sept adolescentes. Deux ont mis fin à leur jour, quatre autres ont tenté de se suicider, et une dernière a souffert de troubles alimentaires.
La plateforme de vidéos courtes diffuserait des contenus problématiques prônant l’automutilation, l’anorexie ou le suicide, estime le collectif. En septembre 2023, l’une des familles, dont la jeune fille s’était suicidée, avait déjà porté plainte au pénal contre le réseau social. La plateforme était accusée de « provocation au suicide », de « non-assistance à personne en péril » et de « propagande ou publicité des moyens de se donner la mort ». Pour ses parents, le contenu proposé par le réseau social a accéléré le passage à l’acte de la jeune femme.
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Une plateforme en apparence inoffensive
Et pour ces sept familles réunies autour du collectif Algos Victima, le schéma est resté le même. Leur enfant a été confronté à des contenus violents, faisant la promotion des troubles alimentaires, de l’automutilation et du suicide après avoir regardé des vidéos liées à l’alimentation ou à l’image de soi. Or, de tels contenus auraient dégradé leur santé mentale et physique en alimentant, voire amplifiant, leur mal-être, expliquent-ils.
TikTok a l’air d’une plateforme de vidéos de danse et de tutos, souligne l’un des pères d’une victime, cité par nos confrères. « À aucun moment, je me suis dit qu’il allait y avoir des vidéos qui allaient expliquer comment démonter une lame sur un taille-crayon pour se faire des scarifications. Ça me paraissait inconcevable », ajoute-t-il.
Pourtant la plateforme est censée, selon ses conditions générales, « proposer un environnement sûr et bienveillant » en diffusant « des contenus divertissants et positifs ». « Nous nous engageons à fournir aux adolescents et aux familles des outils et des ressources pour aider chacun dans son parcours de bien-être numérique », est-il encore écrit.
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Un problème de modération
Le collectif souhaite, avec cette action en justice au civil, qu’on reconnaisse que TikTok n’a pas suffisamment modéré les vidéos accessibles sur sa plateforme – de quoi constituer une faute grave, estime Laure Boutron-Marmion citée par nos confrères. En avril dernier, l’avocate avait fondé le collectif français. La spécialiste expliquait déjà, à nos confrères du Figaro, que « l’algorithme inonde ceux qui vont mal de contenus mortifères. Ces vidéos accentuent le mal-être d’adolescents déjà en souffrance. C’est comme une double peine. L’aspect addictif du réseau fait qu’ils peuvent entendre ces messages en boucle. Ils sont pris dans une spirale qui aggrave leur état ».
Un point de vue partagé par de nombreuses associations et politiques en Europe ou aux États-Unis. Au Royaume-Uni en 2022, TikTok avait été jugé après le suicide d’une jeune fille de 14 ans. Les magistrats avaient tranché en faveur des parents de l’adolescente, ce qui reste pour l’instant une exception. Car que cela soit en Europe ou aux États-Unis, les plateformes ne sont pas considérées comme responsables des contenus postés par les utilisateurs.
Une enquête de l’UE et une action collective aux États-Unis
Et si ces sociétés ont bien l’obligation de retirer les contenus « manifestement illicites » comme des vidéos terroristes ou des incitations à la violence, s’ils ont été signalés, ce n’est pas le cas des vidéos évoquant le mal-être ou le harcèlement. Or, ce régime juridique, très favorable aux réseaux sociaux, a été conçu dans un monde où l’algorithme des plateformes – qui décide de mettre en avant ou de suggérer tel type de contenu – n’existait pas encore, ou n’avait pas un rôle si important.
En Europe, TikTok est sous le coup d’une enquête de la Commission européenne, qui soupçonne la plateforme de ne pas respecter le règlement européen sur les services numériques ou DSA (et ses dispositions relatives à la protection des mineurs). Aux États-Unis, la plateforme, déjà objet d’une loi qui contraint la maison mère du réseau social à céder ce dernier, sous peine d’être interdite, a été attaquée par 14 États américains. Là aussi, le réseau est accusé de ne pas assez protéger les jeunes utilisateurs et de « cibler volontairement les enfants puisqu’ils n’ont pas encore la capacité de se protéger de ces contenus addictifs ».
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