Si vous avez acheté un ordinateur portable il y a deux ans ou plus et que vous y avez consacré plus de 600 euros à l’époque, il y a 99 % de chance que le processeur qui le propulse proviennent de chez Intel. Car outre sa domination dans le marché du PC de bureau, Intel jouissait aussi d’une situation de quasi monopole dans les PC portables. À AMD des miettes dans le segment des machines d’entrée de gamme, à Intel… tout le reste !
Les temps changent…
Le vent a commencé à tourner en début d’année dernière avec la transposition plutôt réussie de l’architecture Zen sur mobile par AMD. Depuis, l’éternel challenger d’Intel, qui a réussi à récupérer de 20 % à 30 % de parts de marché dans le monde du PC fixe grâce à son excellente architecture Zen et ses différentes générations de puces Ryzen, entend bien se faire une place dans les PC portables.
Si les Ryzen 3000 en 12 nm de l’an dernier ont commencé le travail avec quelques trophées à leur actif comme la première Surface propulsée par une puce AMD, c’est peut-être cette fournée de Ryzen 4000 qui pourrait réellement marquer un tournant dans les différents segments de PC portables.
Le pluriel est ici important : de l’ultraportable 15W au laptop gaming puissant capable d’intégrer un CPU 45W, AMD propose un Ryzen pour chaque gamme. Petite plongée technologique au cœur de ces puces hors norme qui ont mis un certain temps à sortir du chapeau d’un AMD qui revient de loin. De très loin…
Une histoire de temps long et de planification
Sans refaire le match de cette dernière décennie, il faut bien se rappeler qu’en 2014 AMD est un peu dans les limbes, dominé (ou plutôt écrasé) par Intel dans le domaine des CPU et bien distancé par Nvidia dans celui des GPU. Comme nous vous l’expliquions dans cet article, c’est l’arrivée de Lisa SU qui a permis à AMD de repartir. Sûrement… mais lentement.
« Les ingénieurs ont eu le temps nécessaire pour développer correctement l’architecture », nous expliquait Mark Papermaster, grand chef des technologies chez AMD, en fin d’année dernière.
« Nous avons pu définir nos priorités en examinant correctement les technologies qui étaient à notre disposition. Nous avons pu non seulement développer une architecture novatrice et avec un fort potentiel d’évolution, mais nous avons surtout pu établir une feuille de route sur quater à cinq ans, ce qui était une grande nouveauté pour AMD. Avant [l’arrivée de Lisa SU], AMD dispersait ses forces sur tout un tas de projets. Lisa a imposé une rationalisation avec un focus sur des secteurs clés, », concluait-il.
Le chef a défini les priorités, a géré avec les banques, et les ingénieurs ont eu le temps de poser leur cerveau pour sortir de leur chapeau un magnifique System on a Chip (SoC).
Parce qu’il faut bien le dire, les Ryzen 4000 — et les puces mobiles en général — ne sont pas de banals CPU, mais bien de vraies puces « tout-en-un ». Comme dans les smartphones, sauf qu’ici l’architecture est le x86, non l’ARM.
Ceci n’est pas un (banal) processeur
Qu’il s’agisse d’Intel avec ses Ice Lake ou d’AMD et ses Ryzen 4000, il est bon de rappeler que ces deux acteurs développent des puces intégrant bien plus qu’un simple « processeur central » (CPU).
Le CPU est bien au cœur de la puce, mais on y retrouve aussi une partie graphique (GPU), un contrôleur mémoire, un contrôleur d’énergie, les systèmes de gestion des entrées/sorties, les outils d’encodage/décodage vidéo, etc.
Les puces mobiles ARM de Qualcomm, Samsung, Apple et les autres intègrent aussi des modems ou encore des contrôleurs Wi-Fi. Mais mis à part ces « blocs » de communication — et l’architecture même du CPU — il faut bien se mettre dans la tête que les SoC des PC portables et les SoC des téléphones mobiles sont de plus en plus similaires.
Ce n’est pas pour rien qu’Intel est désormais à même de développer des puces d’un watt. Et que Qualcomm lance des SoC ARM capables de propulser des ordinateurs !
La génération Ryzen 4000 renforce cette similitude entre les deux mondes avec son procédé de fabrication hérité du monde de la téléphonie mobile : une gravure en 7 nm. Un chiffre qui n’a l’air de rien comme ça, mais qui est pourtant la principale source de puissance de ces puces.
« Renoir » 7nm : une densité de transistors x86 unique dans les PC portables
Contrairement à Intel qui est à la fois concepteur et fabricant de puces, AMD est devenu « sans usine fixe » — on dit fabless dans le jargon — à la suite de la cession de ses activités de fonderie en 2009. Ce qui lui a permis de jeter son dévolu sur le partenaire technologique de son choix. En la matière le Taïwanais TSMC, le champion des constructeurs de puces mobiles qui gère déjà la production des SoC des iPhone, par exemple.
Ce champion a un double atout : non seulement il dispose d’usines à la pointe en 7 nm (et le 5 nm est déjà en train de chauffer pour Apple notamment), mais surtout il produit pour tout le monde dans de très grands volumes. Comprendre que la qualité des puces et le rendement de la production — le yield — sont très bons.
Cela permet à AMD non seulement de profiter de prix de production assez bas, mais cela lui offre aussi un avantage technologique par rapport à Intel. Jadis archi leader de la finesse de gravure, le géant californien a pris du retard dans la course à la miniaturisation : pour l’heure, seules ses puces ultra-mobiles sont gravées en 10 nm, les puces hautes performances étant toujours bloquées en 14 nm+++ (oui, il y a bien trois « plus »), les usines n’ayant pas toutes fait le saut de finesse de gravure.
Face aux 12 nm des Ryzen 3000 et aux 10 nm et 14 nm des puces d’Intel, les 7 nm de TSMC confèrent aux Ryzen d’AMD un avantage de poids : une plus grande densité de transistors, la plus importante dans le monde de l’informatique x86.
Cette première génération de SoC mobiles en 7 nm appelés « Renoir » profite ainsi de deux fois plus de transistors dans une surface 25 % inférieure à la génération « Picasso » incarnée par les Ryzen 3000 en 12 nm !
En chiffre, cela donne 9,8 milliards de transistors répartis sur 13 couches pour une surface utile de 156 mm². Un « cœur » d’à peine 12,5 mm de côté intégré sur un « package BGA » de 25 x 35 mm assurant la connexion et le maintien sur la carte mère.
CPU : une avalanche de cœurs taillés pour le mobile
La réduction des transistors de presque 50 % a permis à AMD de doubler le nombre de cœurs CPU. Alors que les processeurs les plus puissants de la génération précédente intégraient 4 cœurs physiques pour 8 cœurs logiques (4 cœurs/8 tâches) les fleurons de la génération Ryzen 4000 affichent jusqu’à 8 cœurs physiques pour 16 cœurs logiques.
Ce qui se traduit, dans les tests (benchmarks) fournis par AMD — à prendre avec des pincettes, donc — par une explosion des performances.
Explosion par rapport à la génération précédente évidemment, mais aussi par rapport à ce que propose Intel. Ce grand nombre de cœurs permet ainsi de démultiplier les performances dans les applications de créations (rendu d’image 3D dans Blender), dans la compression d’image (transcodage vidéo h.265 avec HandBrake) ou même la compression de fichiers (7-zip).
À cette plus grande densité de transistors qui apporte un plus grand nombre de cœurs s’ajoute aussi des améliorations intrinsèques de l’architecture des cœurs CPU. A fréquence égale, ils sont 15 % plus performants que ceux de la génération précédente. Le tout en étant incroyablement moins énergivore : pour chaque watt d’énergie dissipé, un Ryzen 4000 déploie deux fois plus de puissance qu’un Ryzen 3000.
« Notre but était de mettre le moteur d’un SUV dans une Prius », explique Scott Swanstrom, un des ingénieurs responsables du design de Ryzen chez AMD.
Il faudra évidemment attendre les premières plates-formes de test dont l’envoi a été retardé par la mise à l’arrêt des usines en Asie le mois dernier pour cause de pandémie.
Mais sur le papier, la partie CPU est ce que nos amis anglo-saxons appellent un game changer, le genre de puce qui offre tellement d’avantages qu’on en vient à en faire un élément incontournable au moment de choisir son PC portable. Et ce dans (presque) tous les segments, comme nous le disions plus haut, les Ryzen 4000 se déclinent en différentes puces allant de 15 W (modèles U), en passant par 35W (modèles HS) et jusqu’à 45W (modèles H).
GPU: un peu moins de cœurs, mais plus de puissance
La partie graphique est toujours confiée à des CU (Compute Unit, unités de calculs) RX Vega issues, comme leur nom l’indique, de l’architecture Vega et non de la dernière génération graphique RDNA2. À la lecture des spécifications des SoC, on se rend même compte que leur nombre a même un peu diminué : selon les références, les Ryzen 4000 perdent de 1 CU à 3 CU dans leur GPU intégré. Pourtant les performances seraient bien en hausse grâce à un savant cocktail de gravure en 7 nm, d’améliorations de conception et de fréquences en hausse. Et pas qu’un peu : AMD revendique jusqu’à 59 % de performances en plus par rapport aux CU des Ryzen 3000.
Si l’on en croit les mesures de performances comparatives qu’AMD nous a communiquées, la partie graphique d’un Ryzen 4800U (le plus puissant des U des Ryzen 4000), intégrant 8 CU, serait au final 27 % plus puissante que celle d’un Ryzen 3700U (le plus puissant des U de la génération précédente).
De quoi jouer à tous les jeux en 1080p30 comme le promet AMD ? Nous l’espérons, mais pour avoir rencontré les ingénieurs de l’entreprise à Austin et avoir joué avec un prototype, la promesse devrait être tenue pour les puces U les plus puissantes.
AMD a-t-il enfin trouvé sa martingale énergétique ?
La consommation énergétique des puces mobiles d’AMD a toujours été supérieure à celle d’Intel. Une faiblesse causée par le passé par un mélange de supériorité d’Intel dans les domaines de la finesse de gravure, de la meilleure intégration logicielle (OS et logiciels tierce-partie) et matérielle (accompagnement des constructeurs, etc.).
S’il est trop tôt pour prononcer la première victoire d’AMD dans ce domaine, les documents que nous a partagés l’Américain ainsi que les ingénieurs que nous avons pu rencontrer semblent tous indiquer que l’entreprise pourrait bien réaliser l’exploit avec ces Ryzen 4000.
La pierre angulaire de cette baisse de la consommation énergétique est, encore une fois, la gravure en 7 nm qui permet de réduire la taille des transistors. Le process de gravure serait ainsi responsable de 70 % de la baisse de consommation énergétique de la puce ! Mais il faut aussi mettre au crédit d’AMD des améliorations du ratio de performance par watt et de design de l’architecture qui représentent 30 % des gains de consommation énergétique.
Au cœur de ces améliorations d’architecture se cache un système de contrôle énergétique plus pertinent. Il est notamment en charge d’accélérer le changement des niveaux d’énergie des différents composants.
Des changements qui doivent être faits aussi rapidement que possible, mais au bon moment, car chaque changement d’état du processeur coûte de l’énergie.
Avec ses Ryzen 4000, AMD prétend avoir dans les mains le processeur qui lui permettra d’égaler voire de dépasser Intel dans le domaine de l’endurance de la batterie. Ce qui serait du jamais vu dans l’histoire commune des deux protagonistes.
Si elle tient les promesses affichées dans les nombreuses présentations PowerPoint qui nous ont été confiées, la génération « Ryzen 4000 » d’AMD marquera durablement l’histoire de la guerre entre Intel et AMD en faisant de 2020 l’année où Intel a perdu son leadership dans un marché qu’il domine outrageusement depuis plus de vingt ans. Il reste à voir la réponse d’Intel dont certains ingénieurs nous confiaient au CES, sourire aux lèvres qu’ils avaient « du très lourd » en préparation…
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