Non, ce n’est pas une erreur. Vous pouvez lire et relire le titre de cette chronique, je n’en démordrai pas : Roland, notre président, est enceinte jusqu’aux dents ! Certes, je savais que le syndrome de la couvade n’existait pas que dans Neuf mois, le film de Patrick Braoudé, mais de là à imaginer que ce requin de Roland, d’habitude plat comme une sole, se transforme en baleine…Voici les faits : la femme de Roland, Diane-Aude, 36 ans, est enceinte de Roland, 44 ans officiellement (mais 50 ans pour l’état civil, selon Babette, secrétaire de la DRH et infaillible fouille-m…). Or, notre cher président était jusqu’alors célèbre dans la boîte comme farouche militant anti-bébés : “Ça sent mauvais “,
“ça coûte cher “,
“ça prend la tête” et “ça ne sait pas parler “. Et puis, argument imparable : “Ce ne sont que des tubes digestifs réduits à leurs deux extrémités “. Ce bon sens patronal, qui fait la gloire de Roland, avait une conséquence fâcheuse : sa haine préventive de toute collaboratrice femelle. Ce qui se traduisait par une obstruction acharnée à l’embauche de tout mammifère susceptible d’accoucher. Charlotte, notre directrice générale adjointe, n’est passée au travers des mailles du filet qu’en jurant que jamais, au grand jamais, elle ne ferait une chose pareille ! Quant au principal avantage de la bébéphobie de Roland, il était évident : Roland sans descendant, c’était la certitude de n’avoir sur le dos qu’un seul exemplaire de cet emmerdeur ! Maintenant, nous cauchemardons tous en imaginant un Roland Junior, du genre précoce et surdoué (malgré son héritage génétique), venant bientôt multiplier par deux le potentiel de nuisance paternel… Bref, c’est la panique ! Et la couvade de Roland n’arrange pas les choses, croyez-moi. Et que je te prends 10 kg quand ma femme n’en a pris que 5, et que je me goinfre pendant les repas d’affaires en me ridiculisant auprès des clients éberlués, et que je me paie des vapeurs au moment de signer le seul partenariat qui nous sortirait de l’ornière… D’habitude, les femmes se débrouillent à peu près bien dans ce genre de cas, mais pas notre Rolande ! Elle ne se rase plus, elle arrive avec la cravate de travers, et va même faire pipi debout dans les toilettes des femmes, ce qui commence à faire jaser dans la boîte… Citons aussi la recrudescence de la réunionnite présidentielle : Roland-Rolande nous convoque à tout-va, et que faisons-nous pendant ces réunions urgentes ? Des listes de prénoms pour le futur enfant, en nous entrebattant pour trouver celui qui plaira au président-parturient ! Le sommet fut atteint lors du combat Charlotte-Romont. Nos deux numéros 2 se sont littéralement déchirés. Charlotte proposait Antoine, et ce plouc de Romont ne démordait pas de Kévin. Pour couler Charlotte, qui, en ce moment, ne veut plus coucher avec moi, j’ai posé cette question innocente : “Antoine, comme le fils de Didier Schuller ?” Roland, qui se voyait déjà trahi par son rejeton dénonçant le scandaleux financement de notre prochaine campagne de pub, est devenu livide. Il a insulté Charlotte, qui ne s’en remet pas. Mais pourquoi m’a-t-elle traité de Judas ? Décidément, elle nest pas douée pour les prénoms…
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