Fondateur du mouvement GNU, à l’origine du logiciel libre dans les années 1980 et de la première version de la licence GPL en 1989, Richard Stallman était à Paris le 12 janvier dernier pour parler de sa biographie, parue aux Editions Eyrolles (1).
01net. : Votre biographie « autorisée », Richard Stallman et la révolution du logiciel libre, paraît chez Eyrolles. Quel message faut-il y voir ?
Richard Stallman : Il s’agit de ma biographie, pas d’un livre d’opinions. J’ai corrigé et modifié partiellement celle qu’avait écrite Sam Williams [journaliste américain, NDLR], en préservant ses citations et beaucoup de ses impressions. Plus de 20 % viennent de moi. Mais on y trouve aussi les idées du mouvement pour le logiciel libre.
Il existe quatre libertés essentielles auxquelles l’utilisateur d’un programme a droit [voir encadré ci-dessous, NDLR]. Avec elles, ce dernier a le contrôle du programme et donc celui de l’informatique. Si un programme ne respecte pas ces quatre points, il impose un pouvoir injuste aux utilisateurs. Nous l’appelons « privateur » parce qu’il les prive de cette liberté. Je suis contre ce genre de logiciel ! Notre but est donc de libérer les utilisateurs en remplaçant tous les programmes « privateurs » par du libre ou en les rendant libres. Un programme libre est le seul chemin conduisant à la liberté.
Selon vous, quelles sont les forces et les faiblesses du logiciel libre ?
Notre force est d’avoir développé des systèmes d’exploitation et des applications libres pour presque toutes les activités informatiques ordinaires. Notre faiblesse est que la plupart de leurs utilisateurs n’ont pas conscience de l’idée même de la liberté pour laquelle nous nous battons.
Ils connaissent notre logiciel libre sous l’expression « open source », terme qui a été conçu pour ne pas suggérer l’idée de liberté. De la même façon, ils pensent que notre système GNU [signifiant GNU is not Unix, NDLR] s’appelait Linux et a été développé par Linus Torvalds, qui n’est pas pour cette liberté.
Le « libre » va-t-il devenir une alternative aux grands éditeurs qui préservent jalousement leur code ?
Je ne connais pas l’avenir. Il dépend de vous tous. Si tu exiges la liberté et si tu luttes pour elle, nous pouvons construire ensemble un futur libre. Si tu penses commodité à court terme, tu seras victime de la colonisation numérique.
« La loi Hadopi nuit à l’égalité »
Vous avez sûrement suivi de près la « saga » Hadopi. Quel est votre avis sur le sujet ?
La Hadopi interdit la fraternité en attaquant la liberté. Elle nuit aussi à l’égalité, parce qu’une poignée d’organisations auront le pouvoir de dénoncer quelqu’un selon cette loi. Elle reflète donc la haine de Nicolas Sarkozy envers les droits de l’homme. Il a choisi de servir les entreprises du divertissement dans leur guerre globale contre la fraternité.
Quel peut être le modèle pour financer les artistes aujourd’hui ?
Le système actuel, fondé sur le droit d’auteur, ne rétribue pas de façon équitable la plupart des artistes, seulement les stars. Il finance aussi très bien les grandes entreprises. Cela ne justifie pas d’interdire aux gens de coopérer entre eux. Il faut donc remplacer le système.
J’ai proposé deux options. L’une est fondée sur un système de paiements volontaires. Les amateurs d’art aiment financer les artistes, mais avec les moyens actuels c’est peu commode. Je propose donc que chaque individu qui reproduit une œuvre ait un bouton sur lequel il pourra appuyer afin d’envoyer à ses créateurs 1 euro (ou une somme correspondant au pays).
L’autre solution serait un impôt à diviser entre les artistes, et uniquement les artistes, en fonction de leur succès, mais pas de façon linéaire. Je propose que l’argent perçu par chaque artiste augmente moins vite que son succès, l’inverse d’un impôt progressif. Ainsi, chaque star reçoit plus que les autres, mais pas dans les proportions du système actuel. Il pourrait donc financer plus d’artistes que le système qui prévaut en ce moment, avec moins d’argent.
Francis Muguet [un chercheur français, NDLR] a proposé un système qui reprend ce genre d’idées et qui fonctionne selon les relations juridiques actuelles. C’est le mécénat global (mecenat-global.org).
(1) Richard Stallman et la révolution du logiciel libre : Une biographie autorisée, de Richard Stallman, Sam Williams, Christophe Masutti. Editions Eyrolles.
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