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Ribeauvillé, le bon élève alsacien

En abandonnant peu à peu son statut passé d’usine-tournevis pour celui d’unité de haute technologie, le site de production du Haut-Rhin s’est aussi battu pour s’assurer un avenir européen.

Près de 28 hectares dans le vignoble d’Alsace, 1 000 salariés et une certitude : Sony restera le patron à Ribeauvillé. Face à la vague de cessions d’actifs programmée par le géant japonais pour faire face à la morosité de l’économie dans l’électronique, l’usine haut-rhinoise s’est mise à l’abri. “Nous sommes passés depuis deux ans de l’analogique au digital, et nous ne sommes pas un atelier mono-produit”, explique Roland Bentz, directeur des ressources humaines et des systèmes qualité de Sony Alsace, en guise de démenti énergique aux rumeurs de cession de son usine à Flextronics ou Solectron.

Industrialiser les prototypes

La fabrication de lecteurs CD, de magnétoscopes et de caméscopes, qui avait permis son démarrage en 1986 a cédé la place aux téléphones GSM et aux ordinateurs portables Vaio. La réorientation de la production s’est accompagnée de la mise en place, à Ribeauvillé, d’un centre de haute technologie chargé de l’industrialisation des prototypes et de leur adaptation aux marchés européens. “Nos équipes s’adaptent très vite à tout changement technologique”, poursuit Roland Bentz. Dans la gamme des Vaio, une référence n’a qu’une durée de vie moyenne de trois mois. L’usine se plie au cycle de vie accéléré du produit, caractérisé par deux semaines de production frénétique suivies de la transition vers un prochain modèle plus petit, performant ou sophistiqué.La téléphonie, où un produit s’efface après six mois à un an, connaît la même accélération : trois nouvelles références viennent d’être lancées simultanément en septembre.Un ballet incessant, orchestré par 150 ingénieurs, au service d’un peu moins de 800 agents en production.

L’adieu aux chaînes

En deux ans, la physionomie de l’usine a profondément changé. À l’intérieur de trois bâtiments totalisant 38 500 mètres carrés couverts, les chaînes de fabrication ont été démontées et remplacées par des îlots de production autonomes.La technologie CMS (Composants montés en surface) a supplanté le montage discret (soudé) des composants. La petite taille des produits à assembler ?” un GSM occupe moins d’espace qu’un magnétoscope ?” a engendré des gains de place qui rendent l’environnement plus agréable. Deux activités marginales ?” la production d’autoradios lecteurs de CD pour Volkswagen et celle de décodeurs numériques pour Canal Plus ?” complètent les activités qui se sont soldées l’année dernière par un chiffre d’affaires de 578 millions d’euros (3,79 milliards de francs), en hausse de 50 % depuis 1998. Enfin, une unité de service après-vente dédiée aux téléphones, aux ordinateurs et au marché encore marginal des chiens robots Aïbo complète depuis peu le portefeuille de Sony Alsace.

Priorité aux ingénieurs

La présence à Ribeauvillé d’équipes d’ingénieurs qui travaillent secrètement aux développements de gammes confirme la nouvelle vocation du site, qui se débarrasse de son statut “d’usine-tournevis “. Sharp, Ricoh ou Yamaha, les autres industriels japonais implantés depuis une douzaine d’années en Alsace, n’en ont pas fait autant. L’activité de recherche et développement intégrée chez Sony a justifié l’embauche de 63 ingénieurs et de 53 techniciens depuis mars 2000. Dans le même temps, aucun opérateur non qualifié n’était recruté : pour faire face aux pics de production, Sony fait appel à un volant de 300 à 400 intérimaires. Présenté comme le pilier de la pérennité de l’usine, le centre de haute technologie devrait à court terme proposer ses prestations à d’autres unités industrielles de Sony à travers le monde.

Services à louer

Plus tard, ce bureau d’ingénierie pourra louer ses services à des entreprises extérieures. Cette concentration technologique se justifie en termes économiques : “Dans la technologie numérique, l’achat de matières premières peut représenter jusqu’à 90 % de la valeur du produit”, affirme Pierre Netzer, responsable du développement des nouveaux produits, et qui revendique de plus en plus d’autonomie dans le choix des composants. “La rationalisation des fournisseurs est primordiale.”

Opération Ericsson

D’où une volonté renforcée depuis un an de choisir des partenaires de proximité : la politique locale d’achats profite déjà à des sous-traitants en plasturgie, en décolletage où à des fournisseurs de composants. L’avenir du site de Ribeauvillé s’inscrira dans le nouveau contexte stratégique du groupe, qui vient de décider de marier son activité dans les téléphones cellulaires avec le Suédois Ericsson. “Nous récolterons les fruits de ce joint-venture dans un an”, prévoit Roland Bentz, qui s’attend à voir arriver deux nouvelles gammes de GSM dédiées d’un côté à la communication, de l’autre aux loisirs. Le centre de haute technologie, auquel les designers de Sony Allemagne envoyaient jusqu’à présent les prototypes à industrialiser, travaillera avec de nouveaux partenaires issus de l’ancienne branche GSM d’Ericsson. Qui, du Suédois ou du Japonais, assurera la fabrication des futurs modèles ? “Nous serons un bon sous-traitant, respectueux des délais et des coûts de fabrication”, promet Roland Bentz. Shuji Minemura, vice-président “production et logistique” de Sony-Ericsson Mobile Communications, n’en doute pas : avant d’être appelé à Londres le 1er octobre, il dirigeait l’usine de Ribeauvillé. Un antécédent perçu comme un atout supplémentaire par léquipe alsacienne.

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Olivier Mirguet