Après l’éclatement de la bulle, le krach boursier et le coup de massue porté à l’économie ces dernières semaines, peut-on penser que la leçon a été dure mais profitable, et que le risque de récidive est désormais écarté ? Ce serait évidemment trop simple. Essayons de distinguer entre ce qui semble acquis et ce qui, à ce jour, n’est pas réglé.
Ce qui semble acquis
S’agissant des objectifs (ou plutôt des paris) en matière de rentabilité, la leçon de choses, semble-t-il, a porté. Que l’idée d’une “norme” de rentabilité des fonds propres à 15 % fut extravagante, beaucoup l’avaient noté. Mais ce que l’on n’avait pas vu, c’est l’impact de ce dérèglement intellectuel sur les comportements managériaux : pour se conformer à la mode, certains chefs d’entreprise ont habillé leurs comptes et sont allés parfois jusqu’au trucage pur et simple. Curieusement, il a fallu du temps pour comprendre ce fatal enchaînement. C’est fait. Le retour aux manuels de base s’impose également aux banquiers qui ont cru, un moment, que leur métier consistait à financer tout projet apparemment séduisant, pourvu que le client prenne un air dégagé, cravate au vent et sourire aux lèvres, sans l’ombre d’un chiffrage sérieux. Là aussi, la mémoire est revenue : qui dit crédit dit sélection. Donc acte.
Ce qui n’est pas réglé
Indispensable, le retour à la sagesse et à la bonne gestion ne suffira pas. Pourquoi ? Parce que la crise a révélé l’émergence de problèmes nouveaux. Premier problème : la mesure de la valeur d’une entreprise. Naguère, ses actifs étaient principalement matériels : bâtiments, machines, outillage, véhicules. Aujourd’hui, la part des actifs immatériels ?” ce que les Américains appellent les intangibles ?” est devenue très large, et souvent décisive sur le plan stratégique. Or, le problème de la mesure de ces actifs (actuelle et future !) demeure entier. Le pari pur et simple, on le sait maintenant, peut se révéler catastrophique. Mais où sont les méthodes sérieuses ? Analystes et experts de tout acabit, à vos claviers !Deuxième sujet : le rôle de l’État. Attention, tout d’abord, à la rengaine des “étatolâtres” : à leurs yeux, il faudrait envisager, sur le plan économique, une reprise en main par l’État et ses satellites. Pitié ! Ce qu’il nous faut, en réalité, c’est renforcer, et au besoin revoir, les règles du jeu du capitalisme, notamment en matière boursière et en matière de comptabilité d’entreprise. À quoi s’ajoute le rôle de l’État sur le plan du pilotage conjoncturel : là, l’Europe est largement défaillante. En Amérique, il y a une politique économique (qu’on l’aime ou non) ; en Europe, la situation n’a guère changé depuis la boutade attribuée à Kissinger : “Dans l’annuaire téléphonique, j’ai cherché le mot Europe, je ne l’ai pas trouvé…”Venons-en, pour finir, au problème éthique, sans soute le plus important. En dépit des scandales, il nous faut garder la tête froide. Le système capitaliste a certes tous les défauts du monde, mais faut-il rappeler que le système concurrent, appliqué à l’Est pendant plus de 70 ans, n’a apporté qu’appauvrissement et asservissement ? Il nous faut seulement ?” mais fermement ?” redresser la barre : détecter, juger, sanctionner.On se plaint des lenteurs, mais la réalité est tout autre pour qui observe les sanctions déjà tombées outre-Atlantique ! C’est de là-bas que viendra le redressement. Parce qu’aux États-Unis, on a compris que la survie du capitalisme ne repose ni sur les machines, ni même sur la justesse des calculs, mais sur le sens de la responsabilité et l’esprit de justice.* Vice-président de linstitut PRESAJE (Économie, Droit, Justice)
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