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Résilience des communications : la France est-elle prête à réagir en cas de crise grave ?

Phénomène météorologique extrême, cyberattaque ou conflit armé… le réseau Internet pourrait subir des perturbations majeures en France. Les industriels de la fibre optique veulent se préparer à affronter le pire et appellent l’État et le gouvernement à les y aider.

Que se passerait-il aujourd’hui si la France faisait face à un séisme aussi violent que celui qui raya de la carte le village de Lambesc en 1909 dans les Bouches-du-Rhône ? Ou si notre pays devait revivre les deux tempêtes de la fin de l’année 1999 dont les vents violents avaient balayé tout le territoire ?

La fédération des industriels des infrastructures numériques Infranum s’est emparée du sujet et appelle à tenir un véritable Grenelle de la résilience des réseaux. Elle conçoit cela comme une suite logique du Plan France Très Haut Débit, dont l’ambition est de généraliser la fibre optique pour tous les Français d’ici à 2025. Certes, cette problématique tombe à pic pour trouver un relais de croissance pour le secteur. Mais au-delà de cet intérêt économique bien senti, on ne peut que reconnaître que la France n’est pas prête à affronter une crise majeure qui toucherait les réseaux de fibre optique.

Une prise de conscience

La résilience, c’est “la capacité de résister aux conséquences d’une crise ou d’une agression et de retrouver le plus rapidement possible un fonctionnement normal, même si celui-ci est différent du fonctionnement précédent”, rappelle la fédération.

La pandémie de Covid et la guerre en Ukraine ont provoqué la prise de conscience dans les télécoms qu’il fallait se préparer à affronter le pire. Phénomène météorologique extrême, crise sanitaire, financière, politique, cyberattaque ou même conflit armé, aucune hypothèse ne peut désormais être écartée.  « La question n’est pas de savoir si un événement majeur risque d’arriver, mais quand », a déclaré le président d’Infranum Philippe Le Grand lors d’une conférence.

Enfouir les réseaux aériens

L’état des lieux dressé par la fédération en coopération avec la Banque des territoires montre de nombreux points de fragilité. Section de câble, incendie, destruction d’armoires, les actes de malveillance se multiplient. Mais ce sont les accidents durant des travaux qui provoquent le plus d’interruptions de services. Le fait qu’une part importante du réseau en fibre optique soit aérien (500 000 km de linéaire) représente un point noir. Le vent et la végétation peuvent faire tomber les poteaux qui soutiennent les câbles et les sectionner, sans compter le vandalisme.

Or, une coupure d’Internet entraînerait aujourd’hui davantage de paralysie qu’il y a 13 ans. « Notre dépendance extrême à la technologie crée un nouveau facteur de vulnérabilité », s’est alarmé à cette occasion le député Thomas Gassiloud, rapporteur d’une étude de l’Assemblée nationale sur la résilience nationale parue au mois de février dernier. La dématérialisation des services publics et la centralisation des logiciels métier rendent tout arrêt des télécommunications beaucoup plus difficile à surmonter. « Collecte des déchets, assainissement de l’eau, état civil, tout est géré à distance et dépend à la fois du réseau électrique et de la fibre optique », a souligné Yann Breton, directeur du syndicat mixte Gironde numérique.

L’une des principales pistes avancées consisterait à enfouir 50 % du réseau aérien. Un chantier évalué à environ 10 milliards d’euros et que les collectivités locales n’ont pas envie d’endosser. La Banque des territoires s’est montrée plutôt rassurante sur le sujet. « La question du financement n’est pas un problème », a assuré Antoine Darodes, responsable des investissements numériques de la Banque des territoires. Cela pourrait tout de même augmenter les tarifs de gros de quelques centimes. Avec le risque que les opérateurs commerciaux soient tentés de le répercuter sur le prix des abonnements pour les consommateurs. La sécurisation des infrastructures est aussi au programme, en blindant certains accès ou installant des glissières de sécurité et en ayant recours à de la vidéosurveillance.

Un manque de coordination

La redondance et l’interconnexion des infrastructures laisserait également à désirer. « Il n’existe pas de cartographies des goulots d’étranglement du réseau. Or, les RIP (Réseaux d’Initiative Publique) ne sont pas forcément interconnectés entre eux. Par exemple, la Dordogne et le Lot-et-Garonne passent par la Gironde », pointe Yann Breton. En cas d’attaque coordonnée du réseau, les deux premiers départements se retrouveraient en difficulté. Sans compter que cela poserait aussi un problème pour communiquer avec l’Espagne.

Mais le principal souci qui semble émerger, c’est un sacré manque de coordination. Autrefois, en cas de crise, les préfectures se tournaient vers un interlocuteur unique : France Telecom, devenu Orange. C’est un réflexe qu’elles ont toujours alors que les infrastructures de fibre optique n’ont plus rien à voir avec celles du cuivre. Désormais, ce sont une multitude d’acteurs qui entrent en jeu et au niveau local. Il y a les collectivités, les opérateurs d’infrastructure, les sous-traitants, ENEDIS, etc. Ce fonctionnement complètement décentralisé appelle à une réorganisation complète des processus.

Enfin, il y a la question de l’acceptation sociale et économique d’une coupure d’Internet. Quel degré et quelle durée de dégradation est-on aujourd’hui prêt à endurer ? « On accepte de perdre quoi ? », a résumé Thomas Gassiloud. La réponse est forcément politique puisqu’elle dépendra aussi des moyens qui seront alloués à cette capacité de résilience.

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Amélie CHARNAY